Daniel Barenboim, dont la famille est d’origine ukrainienne, né en 1942,  est un pianiste et chef d'orchestre israélo-argentin. En 2002, il acquiert la nationalité espagnole et, depuis janvier 2008, il est également porteur d'un passeport palestinien.

Enfant prodige, il rencontre les plus grands instrumentistes et chefs d’orchestre (Rubinstein, Furtwängler, Markevitch parmi bien d’autres) Il se forme au piano avec Edwin Fischer puis Nadia Boulanger. Ses deux parents sont aussi tous deux professeurs de piano. Il donne son premier concert comme pianiste à Buenos Aires à l'âge de 7 ans.

En 1952, il s'installe en Israël avec ses parents.

Alors qu’il n’a que 11 ans, Furtwängler demande à l'entendre et lui propose des concerts avec le Philharmonique de Berlin. Son père refuse, Israël et l'Allemagne fédérale n'ayant pas renoué de relations diplomatiques.

Après ses années en Argentine puis en Israël, il s'installe à Londres, centre européen de la musique à l'époque. C'est sa période la plus heureuse, celle de son amour pour Jacqueline Du Pré, la violoncelliste britannique, qu'il a rencontrée chez la fille de Yehudi Menuhin, et qu’il épouse en 1967.

En 1975, Barenboïm devient directeur musical de l'Orchestre de Paris,  En 1989, trois jours après la chute du mur de Berlin, il dirige au pied levé l'Orchestre philharmonique de Berlin pour un concert dans la salle de la Philharmonie, concert gratuit réservé aux habitants de Berlin-Est.

En 1992, Il rencontre le professeur d'origine palestinienne Edward Saïd. Ils créent ensemble une fondation visant à promouvoir la paix au Proche-Orient par la musique classique, initiative qui lui attire de violentes critiques en Israël. C’est le début d’un atelier musical israélo-arabe et la création du West-Eastern Divan Orchestra, formé de jeunes musiciens israéliens et arabes, à Weimar en Allemagne.

En juillet 2001 pour la première fois, Barenboim parvient à imposer et diriger en Israël  la musique de  Wagner. Pour lui Wagner n’a rien d’un nazi et il considère toujours que la musique doit l'emporter sur la politique.

En 2004, il fait un don de 50 000 dollars pour l'enseignement de la musique à Ramallah où la même année il avait dirigé l'Orchestre des Jeunes de Palestine. Le conservatoire de Ramallah accueille 250 élèves, les professeurs étant des membres du West-Eastern Divan Orchestra.

Un passeport « honorifique » palestinien lui est remis en 2006 devant l'ambassadeur d'Israël et en présence de l'ambassadeur palestinien à l'ONU, à l’occasion d’une tournée avec le West-Eastern Divan Orchestra, au cours de laquelle il dirige le concert d'adieu pour le secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan.

La fondation Barenboim est une fondation publique établie à Berlin. Elle développe des projets éducatifs et culturels visant à promouvoir les valeurs humanistes à travers le langage universel de la musique, projets qu’elle mène principalement en Andalousie et en Palestine. En 2008, elle crée le Centre de musique Barenboïm-Saïd à Ramallah,

L'académie Barenboïm-Saïd est fondée à Berlin en 2012 dans l’objectif de former de jeunes musiciens principalement originaires du Moyen-Orient. Un espace, baptisé « Pierre Boulez Saal » est réaménagé en lieu de vie idéal pour la musique. L'académie s'y installe en octobre 2016.  L'académie est composée de trente-huit maîtres de réputation internationale. Etonnante école où l’on suit des cours de fugued'harmonie, de contrepoint, de composition et d'histoire de la musique, mais aussi des séminaires obligatoires de philosophie et de sciences politiques !

Le 4 octobre 2022, Barenboïm annonce être atteint d’une « maladie neurologique grave » et se retire de ses activités. Il annonce bientôt sa démission de son poste de directeur musical au Staatsoper de Berlin.  

Après les événements du 7 octobre 2023, il écrit, dans un message adressé le 10 octobre  aux musiciens du Divan Orchestra et aux étudiants de l'Académie : « J'ai suivi les événements de ce week-end avec horreur, et la plus grande préoccupation, alors que j'observe la situation en Israël et Palestine empirer […] L'attaque du Hamas sur la population israélienne civile est un crime atroce, que je condamne fermement. La mort de tant de personnes au sud d'Israël et à Gaza est une tragédie qui marquera durablement ». Les jeunes musiciens israéliens et palestiniens de l'orchestre et de l'académie rongés par l'angoisse tentent de passer au-dessus des tensions pour continuer malgré tout à s'asseoir ensemble aux pupitres.

Barenboim a fait l’objet d’innombrables distinctions. Notons que l'astéroïde « 7163 » a été nommé Barenboim  en son honneur. En mars 2007, Jacques Chirac, l’élevant au rang de commandeur de la Légion d'honneur a souligné son engagement pour la paix au Proche-Orient. Une autre époque ! Et en septembre 2007, il est nommé par Ban Ki-moon, son secrétaire général, « messager de la paix » des Nations unies.

A lire si vous le trouvez : Parallèles et Paradoxes : Explorations musicales et politiques, Le Serpent à plumes, 2003. Cet ouvrage est un recueil d'entretiens avec Edward Saïd.

 

Petit additif : qui est Edward Saïd ?

Edward Saïd (1935-2003) est un universitaire, et critique littéraire et musical palestino-américain, né d’une famille palestinienne chrétienne dans la partie occidentale de Jérusalem annexée par Israël. Il est un réfugié de la guerre de 1948.

Aux Etats-Unis, il devient un universitaire des plus en vue. Il écrit beaucoup (entre autres choses) sur le conflit israélo-palestinien et sur le Moyen-Orient.  Son ouvrage L'Orientalisme. est publié en 1978. Il y mène une analyse du discours colonial sur les populations orientales sous domination européenne en développant quatre thèses : la domination politique et culturelle de l'Orient par l'Occident, la dépréciation de la langue arabe, la diabolisation de l'arabe et de l'islam, et la cause palestinienne.

L'ouvrage, considéré comme un des textes fondateurs des études postcoloniales connaît un retentissement international et suscite d’intenses polémiques. Avec son collègue et ami Noam Chomsky, Saïd accorde de nombreuses interviews sur la politique étrangère des États-Unis.

En janvier 2006, un anthropologue obtient 147 pages du dossier du FBI sur Said, qui montre que Saïd était sous surveillance depuis 1971. Des parties considérables du dossier sont encore classifiées.

Saïd meurt de leucémie à New York à l'âge de 67 ans.

Dans son essai Zionism from the Standpoint of Its Victims, Edward Saïd a plaidé pour la légitimité politique et l'authenticité philosophique des revendications sionistes du droit à une patrie juive, mais aussi du droit inhérent à l'autodétermination nationale du peuple palestinien.