Chronique d'un Coup d'État : 60ème Anniversaire de l'Assassinat de J-F. Kennedy
"Il faut que tout change, pour que rien ne change !" (Le Guépard)
Qui connaît Jim GARRISON (1921-1992) ?
Pas grand monde. C'est pourtant le SEUL procureur US qui a enquêté de façon approfondie et amené deux fois au tribunal un suspect, Clay Shaw (1913-1974), influent homme d'affaires d'extrême droite et "correspondant" de la CIA pour conspiration d'assassinat de JFK le 22 novembre 1963.
L'accusé fut acquitté chaque fois et Jim Garrison fut même interdit par un tribunal fédéral de poursuivre ses investigations intempestives. Il fit appel, alla jusqu'à la Cour suprême, où il perdit à nouveau.
Élu, fait exceptionnel, quatre fois de suite District Attorney de New Orleans, mais trop absorbé par les attaques directes et obstructions créées par son enquête obstinée, il ne put faire correctement sa campagne et perdit sa réélection par seulement 2.000 voix, ce qui l'évinça de tous ses moyens d'enquêter.
L’assassinat de Kennedy a pourtant probablement changé le cours de l'histoire, car il avait dans un retentissant discours (juin 1963) devant les étudiants de l’American University of Washington. dévoilé
(à tort ?) ses intentions de libérer les USA des tares dont sa présidence avait hérité : il y déclara vouloir mettre illico fin à la guerre du Vietnam en rapatriant les boys ; normaliser les relations avec Cuba où il avait refusé de sauver par l’aviation US l’invasion loupée de mercenaires dans la Baie des Cochons, de longue date organisée par la CIA; arrêter la Guerre Froide et la course aux armements, donc gravement nuire au Complexe Militaro-Industriel; abolir la honteuse ségrégation institutionnelle des noirs, etc.
Et mettre au pas le FBI en envoyant à la retraite
J. Edgar Hoover (qui n'en voulait surtout pas !) puis démanteler la CIA, qui tous contestaient ses projets.
Le 4 juin 1963, il avait aussi eu l'audace de signer le décret exécutif N°11110 engageant le processus législatif pour ôter à la FED (un cartel PRIVÉ de grandes banques américaines ET européennes, créé en 1913), le privilège exorbitant (inchangé à ce jour ! ) d'émettre le dollar, extorqué à l'État US par le "Complot des Banquiers de Jeykill Island" (1910). En bref, nuire à trop de "vested interests" (droits acquis indus mais fermement incrustés).
La Commission d'enquête qui fut assignée par Lyndon B. Johnson à un Earl Warren, président de la Cour Suprême plus que réticent (à juste titre, il flairait l'embrouille), avait conclu en dix mois que JFK avait été tué par un "communiste" avéré, Lee Harvey Oswald, qui avait agi seul et par fanatisme. Oswald (bien vite assassiné !) étant déclaré l'unique "coupable", l'affaire fut ainsi rapidement classée.
Note : dans la Commission il y avait Allen Dulles, le directeur de la CIA limogé par Kennedy en novembre 1961 ! Et autres proches de la CIA & Co.
Jim Garrison avait volontiers souscrit au verdict de la commission Warren, mais trois ans après, il eut une banale conversation privée avec Russell Long, sénateur de Louisiane, un homme qu'il connaissait bien et respectait comme un des élus les plus intelligents du Sénat, qui lui dit à sa façon directe : "Les membres de la Commission ont tout faux ! Il n'y a aucune chance au monde qu'un homme seul ait pu abattre JFK de cette façon". Garrison fut alors saisi par le doute et consulta les 26 volumineux rapports des débats de la Commission Warren pour les scruter en détail et s'imprégner du dossier. Il ne fut pas déçu.
Procureur de la Nouvelle-Orléans, il se sentait concerné car Oswald y était né, y avait résidé et eu de longues et régulières connexions très suspectes.
Il instaura alors discrètement sa propre cellule d'enquête comprenant des policiers et juristes comme lui désireux d'aller plus loin et de découvrir la vérité dont le cœur lui semblait être en Louisiane.
Il cherchait les preuves que l'assassinat de Kennedy était bien un Coup d'État et un Crime d’État fomenté par des acteurs hétérogènes, étatiques ou privés, mais coalisés vers un même objectif et qui tous avaient un intérêt VITAL à le voir disparaître.
Ce qu'ils découvrirent n'était qu'incohérences, trous béants, questions sans réponses, enquêtes bâclées, autopsie de JFK entravée et sabotée par des officiels de haut rang, preuves médico-légales, matérielles, rapports de police, etc. détruits ou falsifiés, témoins subornés ou s’étant signalés puis rétractés ou jamais été auditionnés, conditions de sécurité du Président incroyablement laxistes, parcours officiel détourné (sans raison ?) à la toute dernière minute, mensonges flagrants, omissions, manipulations de la presse et de trop nombreux soi-disant "ratages", "erreurs" ou "négligences". Tout fut fait pour protéger le vaste système d'État souterrain, toujours en place, que les folles intentions de JFK menaçaient de détruire.
Il soupçonnait qu’Oswald, 24 ans, mais au passé déjà singulièrement trouble était bien impliqué dans le complot mais qu'il n’y a tué personne et que, loin d'avoir agi seul, il y tenait pourtant le rôle central : le "patsy", le pigeon, le bouc-émissaire qui sans le savoir avait été soigneusement et méthodiquement "sheepdipped" (en slang de l'espionnage : le mouton imprégné préalablement de faux indices, fausses pistes ou preuves, fabriqués et accumulés) pour lui faire porter le chapeau (texan).
Il était le soutier-gogo sélectionné sur lequel devait retomber toute la responsabilité de l'assassinat.
Techniquement le prétendu tir solitaire par l'arrière d'Oswald qui était loin d'être un sniper d'élite, avec un antique fusil militaire réformé italien qu'il aurait (soi-disant) acheté par correspondance sous un faux nom, dont des douilles et balles ont disparu des preuves sous scellés ne tenait pas debout, comme l'avait exprimé sans détour le sénateur Russell Long. Le gouverneur John Connally, grièvement blessé par la célèbre "balle magique" quand JFK fut tué n'a jamais cru à l'hypothèse d'un tireur unique par l'arrière alors que tout indiquait (films, témoins, sons) de plusieurs coups de feu venant de l'avant.
Il n'avait été donné à JFK aucune chance de survie… À Oswald non plus… Pour l'empêcher de parler, il devait donc être assassiné immédiatement après le meurtre, par des policiers "chargés de l'arrêter", ce qui ne put être fait. Le policier Tippit qui devait le tuer ayant hésité et Oswald ayant pu s'enfuir, ce fut lui qui fut tué par ses complices. À l'autopsie de Tippit, on trouva quatre balles (3+1) dans son corps, issues de deux pistolets automatiques différents mais aucune venant du revolver (qui n'avait rien tiré !) que portait Oswald à son arrestation !
In extremis, avant qu'il ne puisse dénoncer ses contacts (il avait bien trop tard tout compris et crié haut et fort à son arrestation qu'il était le patsy) il fut tué en direct en plein QG de la police de Dallas avant son transfert, devant la presse et des millions de téléspectateurs par un tenancier mafieux notoire de Dallas qu'il connaissait très bien, Jack Ruby, "pour venger Jackie Kennedy" (sic). Un patriote !
C'était trop gros pour être vrai. Qui lui avait donné l'ordre d'exécuter Oswald ? Gravement malade d'un cancer, condamné à mort par la maladie et par la justice, il mourra en prison de son cancer en 1967 sans parler, peu avant un second procès en appel.
Il était entré armé sans encombre dans ce sanctuaire de la police notoirement corrompue de Dallas, probablement avec la complicité de policiers : il y appelait la moitié des policiers par leur prénom !
Rappelons que la Mafia avait perdu à cause de la révolution castriste toutes ses activités lucratives (casinos, hôtels, boîtes de nuit, drogue, courses, prostitution, armes, etc.) à Cuba. Devant les sérieux doutes exprimés alors par l'opinion américaine on institua donc la fameuse Commission Warren, sur proposition de J. Edgar Hoover qui s'y connaissait bien en matière d'enfumage, donnant raison à Clémenceau : "Si vous voulez noyer un problème, mettez en place une commission". Toujours vrai…
Dallas, ton univers impitoyable… (refrain)
En moins de trois ans dix-huit personnes ayant témoigné ont disparu par exécution pure ou de très suspects "suicides", "accidents", "crises cardiaque".
Et ce n'était pas fini… D'autres témoins et même des acteurs actifs du complot ont aussi disparu par la suite : ils en savaient trop pour rester en vie. Tout a été fait pour stopper Garrison : menaces de mort, chantages, procès montés sur de fausses accusations, pièges déjoués (il était méfiant !), infiltration de son équipe par des informateurs ou retournement de certains collaborateurs, mais il tint bon… en vain.
Son livre-rapport "On the Trail of the Assassins" (Sur la piste des assassins) décrit son long, acharné, mais in fine totalement inutile combat pour la vérité. Il a servi à Oliver Stone comme base de son film "JFK" (1991) avec Kevin Costner dans le rôle de Garrison. Soixante ans après ce meurtre retentissant, l'immense majorité des américains ne croit plus du tout qu'Oswald a assassiné Kennedy et le policier Tippit qui avait (soi-disant !) cherché à l'arrêter.
À part Clay Shaw nul instigateur ni aucun acteur ou complice du complot n'a jamais été traduit en justice pour cet assassinat historique. Mais en 1976, le Comité Church enquêta officiellement sur les "activités illégales et assassinats" de la CIA, et révéla les accords passés entre elle et la Mafia pour assassiner Fidel Castro. Seulement Castro ?
J. Edgar Hoover, chef du FBI (cf. livre d'Anthony Summers : "Le plus grand Salaud d'Amérique") qui en savait beaucoup sur tout le monde US qui compte par ses petites fiches sur leurs turpitudes (y compris le clan Kennedy qui n'était pas irréprochable) est décédé à son poste (il avait été définitivement nommé À VIE par Lyndon Johnson, le successeur de Kennedy !) en emportant tous ses secrets fétides après 37 ans de bons (et déloyaux ?) services.
Sans surprise, il avait toujours été bien plus tolérant avec les mafias qu'avec les communistes.
Nul ne saura s'il a conspiré, mais il est largement admis qu'il était au courant du complot et a laissé sans sourciller tuer Kennedy qu'il détestait. Puis a tout fait pour saboter l'enquête (confiée au FBI !) et très, très mollement supervisée par une Commission Warren qui fut une totale forfaiture de l'Histoire.
Mais ce fut fait, et bien fait, cela arrangeait beaucoup de monde et c'était l'essentiel. René JAMBON