ÉDITORIAL
« La confession autorise le crime par l’assurance d’être absous. »
Saint-Evremond
Le 5 octobre dernier paraissait le rapport de la commission Sauvé dévoilant les conclusions de la « Commission indépendante sur les abus dans l’Eglise ». Ce rapport estime à 216 000 le nombre de victimes mineures de clercs et de religieux depuis 1950.
Si l’on ajoute les personnes agressées par des laïcs travaillant dans des institutions de l’Eglise (enseignants, surveillants, cadres de mouvements de jeunesse…), le nombre se monterait à 330 000.
Accablé de surprise, le pape François fait part de son « immense chagrin ». Le pauvre homme ! Le président de la Conférence des évêques de France, Éric de Moulins-Beaufort, faisait part de sa « honte » et de son « effroi ». Ainsi les personnalités les mieux placées au monde pour connaître l’ampleur des dégâts causés par la pédo-criminalité endémique de l’Eglise catholique avaient l’air de tomber du ciel.
A quoi leur servait d’avoir à leur disposition le plus prodigieux appareil de police privée qui ait jamais fonctionné ? « La confession, écrivait l’ancien prêtre Henri Perrodo-Le Moyne (1) est un des moyens les plus sûrs – peut-être même le plus puissant, mais assurément le plus perfide – par lesquels l’Eglise acquiert, conserve et fortifie sa domination totale à laquelle elle tend, avec un esprit de suite prodigieux et une incomparable habileté. » La pratique de la confession, totalement inconnue de l’Eglise primitive, est devenue avec le temps un instrument politique totalitaire aux mains de ceux qui, de leurs paroissiens connaissaient tous les secrets, même les plus inavouables.
Le sacro-saint secret de la confession ?
Il n’a pas toujours eu force de loi. Une bulle du pape Grégoire XV du 30 août 1622 ordonnait aux prêtres de révéler les secrets de la confession dans certains cas (sans dire lesquels). Et que dire de l’Inquisition ?
Pendant la guerre d’Espagne, des républicains ont été dénoncés par leurs confesseurs. Ils ont découvert à leurs dépens qu’en effet le secret de la confession était « plus fort que les lois de la République » !
Indemnités ?
Olivier de Germay, archevêque de Lyon chargé de rendre au diocèse une apparence de respectabilité, a déclaré après la remise du rapport Sauvé: « Oui, nous sommes prêts à indemniser les victimes, même si les faits sont prescrits. Concernant les victimes de Preynat, il y a des personnes indemnisées par l’État après jugement au civil puis celles dont les faits sont prescrits mais jugées par tribunal ecclésiastique et indemnisées par l’Eglise. »
Malheureusement, cela commence bien mal. Comme l’a révélé la Tribune de Lyon du 12 octobre dernier, M. Pierre-Emmanuel Germain-Thill, victime du père Preynat, a été débouté de sa demande d’indemnisation le jour même de la publication du rapport Sauvé !
La réponse était attendue par M. Germain-Thill (et six autres victimes du Père Preynat) depuis la condamnation par le tribunal correctionnel de Bernard Preynat à cinq ans de prison, en mars 2020. Le jugement ouvrait la porte à une réparation de la part du diocèse de Lyon à l’issue d’un procès canonique.
Par un hasard du calendrier, c’est le 5 octobre 2021 que la demande était rejetée par le tribunal ecclésiastique de Lyon.
Par ailleurs, il a fallu faire appel au Fonds de garantie des victimes afin de recouvrer l’argent dû directement par Bernard Preynat après sa condamnation, l’ancien curé n’étant pas solvable. Après de nouvelles démarches, l’argent a pu être récupéré.
Juge et partie
Les plaignants peuvent faire appel de cette décision pendant un mois auprès de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Or le préfet de la congrégation, Luis Francisco Ladaria Ferrer, est bien connu – ou plutôt méconnu – de la justice française pour avoir refusé d’honorer sa convocation en justice en 2019 en tant que témoin au procès de l’affaire Preynat.
Le prélat, soupçonné de non- dénonciation tout comme Philippe Barbarin, avait donc glissé entre les pattes de la justice française à l’issue d’une longue procédure. En cas d’appel, l’homme serait donc juge et partie.
Le Vatican avait dans un premier temps refusé de lui transmettre sa citation à comparaître avant que le cardinal espagnol ne se réfugie derrière son immunité diplomatique. Bernard Devaux, président de la Parole libérée, nous expliquait à l’époque : « Il y a eu 3 tentatives pour lui faire remettre une citation à comparaître. La seconde a nécessité de faire traduire et certifier conforme la citation à comparaître en espagnol et italien, je vous laisse imaginer le coût de ces 70 pages. Pour la 3ème on a fait appel à la valise diplomatique car le Vatican est un état. Mais comme Ferrer n’a pas signé l’avis de réception de la requête, la justice française ne peut pas statuer. »
Les plaignants peuvent aussi saisir l’instance qui doit être créée par la Conférence des évêques de France afin d’indemniser les victimes. Mais elle n’existe pas encore, et les victimes ne disposeront que d’un mois pour faire appel.
L’Eglise et la République
La Conférence des évêques de France avait déclaré que « le secret de la confession, imposé aux prêtres par le droit canonique, n’est pas contraire au droit pénal français ». Aussitôt son président Éric de Moulins-Beaufort était convoqué place Beauvau par Gérald Darmanin, paniqué d’une telle déclaration quelques jours après qu’il ait dû lui-même faire le même rappel… à propos des Musulmans. Que n’aurait-on pas entendu si les propos de Moulins-Beaufort avaient été tenus par un imam ? La loi « Séparatisme » de Darmanin-Macron ne s’appliquerait donc que pour les musulmans et pas pour les catholiques ?
Le ministre de l’Intérieur rappelait que « si un prêtre reçoit dans le cadre de la confession, soit d’une victime, soit d’un auteur, la connaissance de l’existence de faits qui se déroulent [...] alors il a l’impérieuse obligation de mettre un terme à ces faits. » Car telle est la loi en effet. En vertu de l’article 434-3 du Code pénal, le secret de la confession ne peut être opposé à l’obligation de signaler des faits « d’agressions sexuelles infligées à un mineur ».
Encore une fois, qui va payer ?
Le Bureau de la Fédération du Rhône de la Libre Pensée a entrepris un travail d'inventaire des biens de l'Eglise dans le diocèse de Lyon, dans le cadre d'une campagne nationale destinée à établir que l'Eglise a parfaitement les moyens d'indemniser les victimes d'abus sexuels. Les victimes doivent être indemnisés, et ce n'est pas aux citoyens de le faire. C'est pourtant ce qui se passe avec la réduction d'impôt ouvert par le Denier de l'Eglise à hauteur de 66%, qui passera à 75% au 1er janvier 2022 (en plus de nouvelles dispositions fiscales et réglementaires contenues dans la loi dite "contre le séparatisme").
Nous savons que le crédit d'impôt concédé aux fidèles du diocèse de Lyon s'élève à 6 069 405 d'euros pour l'année 2019. Autant de manque à gagner pour le budget de la nation, dans un état réputé laïque.
Par le biais des déductions fiscales accordées sur des fonds publics, ce serait à tous les citoyens, croyants ou non, catholiques innocents ou non, à nous, à vous, même aux victimes, de payer les trois quarts des « réparations » en s'acquittant de leurs impôts !
Aux Pays-Bas, l’Église catholique a dû verser 28 millions, en Allemagne 10 millions et en Belgique 5 millions. Qu’en sera-t-il en France ? Pour le moment, tout est soumis au bon vouloir de la hiérarchie, qui pleure misère et trouve moyen de se lamenter sur la baisse des produits de la quête. Pas question, bien entendu, de toucher au patrimoine des biens immobiliers, legs et héritages, dons inaliénables selon le droit canon.
L’Église a les moyens de payer !
P.G.
- (1) Henri Perrodo-Le Moyne : La vérité sur la Confession, compte d’auteur, 1970
Dossiers détruits
En 2018, au sommet consacré à la lutte contre la pédophilie et les abus sexuels au sein du clergé, le pape avait demandé aux 190 participants des mesures « concrètes et efficaces » : démarches à entreprendre si un cas d'agression sexuelle émerge, structures d'écoute des victimes, règles sur les transferts des prêtres entre diocèses, évaluations psychologiques des candidats à la prêtrise...
Le cardinal allemand Reinhard Marx, proche conseiller du pape, avait reconnu la destruction par l'Église de dossiers sur des auteurs d'abus sexuels dans ses rangs. « Des dossiers qui auraient pu documenter ces actes terribles et indiquer le nom des responsables ont été détruits ou n'ont pas même été constitués », avait-il précisé aux 190 participants du sommet.
Le Canard enchaîné (13-10-2021) nous apprend qu’un diocèse et une congrégation ont refusé d’ouvrir leurs archives à la commission Sauvé, malgré la garantie d’anonymat. Ailleurs, « elles étaient plus ou moins complètes, cela variait selon les évêques ». Enfin, parfois les prêtres « placardisés » étaient relégués… aux archives !
loi SÉPARATISME
Sur le contrat d’engagement républicain
Sous le titre : ANNIVERSAIRE DE LA « LOI 1901 » : « N’AVONS-NOUS PAS BEAUCOUP A PERDRE A REDUIRE L’ESPACE D’EXPRESSION CIVIQUE QUE REPRESENTENT LES ASSOCIATIONS ? » (question posée par une cinquantaine d’associations dans une Tribune du Monde le 30 juin dernier, à l’occasion du 120ème anniversaire de la loi de 1901), la Libre Pensée a tenu une réunion d’alerte et d’information lundi 20 Septembre à l’ESPACE CITOYEN (Mairie du 8e arrondissement).
La Libre Pensée a toujours exprimé, depuis le début de la discussion du projet de loi dit "Séparatisme", les mêmes préoccupations que le Mouvement associatif. Elle a rejoint cet appel et fait le point lors de son congrès national d’août dernier.
Le Contrat d’Engagement Républicain n’est qu’un des volets de la loi dite « séparatisme », mais certainement pas le moins anodin. Outre l’injure faite aux associations qui ne sont pas censées ignorer ni violer les règles de droit commun, il crée une épée de Damoclès en instituant un contrôle a posteriori sur l’utilisation des subventions reçues. Il ne peut s’ensuivre qu’une logique d’auto-censure dans tous les cas où l’engagement citoyen, sous sa forme associative, en vient à contester les politiques en place. Qu’arriverait-il, pour ne prendre que cet exemple, à une association choisissant d’aider des sans-papiers pour de simples motifs humanitaires ? Quelles seraient les conséquences d’un simple changement de majorité territoriale ?
On voit maintenant fleurir les « chartes locales sur la laïcité » édictées par des élus qui la foulent
aux pieds régulièrement (notamment les promoteurs de l’enseignement privé) ou par des
municipalités xénophobes. Le Contrat d’Engagement Républicain participe de la même logique.
On entend demander aux associations de justifier de leur attachement républicain ! Le gouvernement doit prochainement présenter le décret précisant le dispositif du CER que devront signer les associations subventionnées. Celles-ci s’inquiètent à juste titre pour la liberté associative que pourrait limiter ce dispositif instauré par la loi sur le séparatisme.
« En créant le contrat d’engagement républicain, le projet de loi instaure en réalité unilatéralement une obligation nouvelle, aux contours imprécis et qui atteint le climat de confiance nécessaire au développement d’un sain partenariat », jugeait dès janvier 2021 la Commission nationale consultative des droits de l’homme.
Ce que dit la loi sur le séparatisme
L’article 12 de la loi confortant le respect des principes de la République dispose que toute association qui reçoit une subvention publique (en argent ou en nature) s’engage, par la souscription d’un contrat d’engagement républicain : à respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République (le drapeau tricolore, l’hymne national et la devise républicaine) ; à ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République ; à s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public.
En cas de non-respect, la subvention lui est retirée et les sommes déjà perçues peuvent lui être réclamées.
La loi prévoit qu’un décret, en Conseil d’État, précise les modalités d’application du présent article.
LAÏCITÉ RHÔNE
L’ECOLE PRIVEE S’INSTALLE A BRON
La ville de Bron abrite 42 200 habitants dont 24 % occupent des logements sociaux. Elle regroupe 6 écoles maternelles, 6 écoles primaires, 3 collèges, 3 lycées de l’enseignement public. Depuis 1945, Bron était gérée par une municipalité d’union des gauches ; aux dernières élections municipales la droite en a pris possession, avec à sa tête un maire LR.
Bien qu’il n’en ait pas fait état dans son programme électoral, ce dernier est entré en relation avec une école privée, le centre scolaire Charles de Foucault (institution catholique), pour ouvrir à Bron une école de 8 classes pour 240 élèves. Le terrain de son implantation pourrait être le champ jouxtant l’école publique Ferdinand Buisson. Ce terrain est utilisé par le groupe scolaire et un centre social proche en dehors des périodes scolaires. Dans ce but une précédente municipalité avait créé un accès sécurisé donnant sur la rue. L’actuel maire revendique de laisser aux parents le choix d’inscrire leurs enfants dans le public ou le privé. Pas un mot sur le montage financier d’une telle construction qui resterait à la charge des Brondillants. De plus, les communes sont tenues de verser, chaque année, aux organismes gestionnaires des écoles privées sous contrat de leur territoire une participation aux frais de fonctionnement.
L’école privée à côté de l’école publique, quelle provocation !
massacre du 17 octobre 1961
Double-initiative à la mémoire des victimes à Saint-Fons
Le 17 octobre 1961, des dizaines de milliers d’Algériens manifestaient pacifiquement à Paris contre le couvre-feu discriminatoire qui leur avait été imposé par le gouvernement de l’époque.
Le premier ministre, Michel Debré, hostile à l’indépendance de l’Algérie, avait à ses ordres le Préfet de police Maurice Papon, qui s’était déjà « illustré » contre les juifs, à Bordeaux, sous l’occupation nazie.
Les manifestants défendaient leur droit à l’égalité, leur droit à l’indépendance et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ce jour-là, et les jours qui suivirent, des milliers d’entre eux furent arrêtés, emprisonnés, torturés ou pour nombre d’entre eux refoulés en Algérie sous les ordres de Papon. Des centaines perdirent la vie, victime d’une violence et d’une brutalité extrême des forces de police. Beaucoup trouvèrent la mort sous les matraques des policiers ou furent jetés depuis les ponts surplombant la Seine, au pont Saint-Michel qui était leur lieu de convergence. Combien ? On ne le saura sans doute jamais.
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A l’initiative de la Ligue des Droits de l’Homme et de la municipalité de Saint-Fons, une conférence a eu lieu, avec le soutien de la Libre Pensée et du FORSEM, mercredi 13 octobre, sur le thème :
« 17 octobre 1961 – Pourquoi cette violence à Paris contre les Algériens désarmés ? »
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Avec la participation de Gilles MANCERON, membre du Comité Central de la LDH
Dimanche 17 octobre, un rassemblement était organisé à la stèle dédiée aux victimes du 17 octobre de Saint-Fons, avec un dépôt de gerbe par la municipalité.
Dans son allocution, M. le Maire de Saint-Fons rendu hommage aux victimes sans remettre en cause la position exprimée par Emmanuel Macron la veille : l’action de la police française relèverait de « crimes inexcusables », rien de plus.
La qualification de « crime d’Etat » n’a pas été retenue par l’Elysée, contrairement à ce que demandaient des associations comme la Ligue des Droits de l’Homme, entre autres. Au contraire, Emmanuel Macron a utilisé des expressions volontairement ambiguës en parlant d’« engrenage de la violence», de «crimes commis de tous côtés», et il a imputé la tragédie à Maurice Papon alors que le crime implique la République française avec l’ensemble de ses rouages institutionnels, administratifs et policiers.
Dans un communiqué du samedi 16 au soir, l’Elysée a carrément reproché aux manifestants algériens d’être « sortis de chez eux après 20h30 […] malgré l’interdiction de la manifestation ». Reconnaissant que la répression « fut brutale, violente, sanglante », le président français a rendu hommage « à la mémoire de toutes les victimes. » le 17 octobre 61, les victimes n’étaient pourtant que du côté algérien.
Dans le communiqué diffusé par l’Elysée, il est mentionné que « la France regarde toute son histoire avec lucidité et reconnaît les responsabilités clairement établies. Elle le doit d’abord et avant tout à elle-même, à toutes celles et ceux que la guerre d’Algérie et son cortège de crimes commis de tous côtés ont meurtris dans leur chair et dans leur âme ». En 2012, le prédécesseur de M. Macron, François Hollande, avait, lui, évoqué une « sanglante répression ».
La parole à Michèle Edery
Michèle Edery est maire-adjointe de la ville de Saint-Fons, déléguée à la politique de la Ville, et conseillère métropolitaine « Portes du Sud ».
L’An II : - Bonjour Michèle, (u es) Une cérémonie a eu lieu à St-Fons pour rendre hommage aux Algériens victimes du massacre du 17 octobre 1961, autour d’une stèle qui leur est consacrée. De tels édifices sont rares dans nos villes. D’où vient celle de St-Fons ?
Michèle Edery - : Elle a été inaugurée en 2011, par la municipalité de gauche élue contre la droite en 2008. La droite aurait été hostile à commémorer le 17 octobre 1961, elle était trop proche des Anciens Combattants opposés à cette manifestation. La municipalité de gauche a souhaité remettre au cœur de ses actions, les cérémonies mémorielles, par exemple en déposant une gerbe, chaque 11 novembre, au cimetière de la ville où se trouvent une vingtaine de tombes de soldats musulmans morts pour la France. Cette cérémonie avait été annulée après 2001. Autre exemple : la stèle dédiée au résistant René Fernandez tué par la Gestapo, située rue Albert Thomas, à côté de la synagogue, et élevée en collaboration avec la famille le 10 janvier 2011. Quant à l’initiative d’une stèle en souvenir des Algériens du 17 octobre, elle doit beaucoup à M. Mansouri, ancien candidat aux municipales qui tenait à perpétuer cette mémoire avec un collectif de mémoire, et soutenu par la mosquée.
L’An II : J’ignorais l’existence de la cérémonie du 11 novembre sur la tombe des tirailleurs musulmans.
A-t-elle encore lieu en 2021 ?
Michèle Edery : Malheureusement non. Il faut dire que la pandémie de COVID n’a rien permis de faire en 2020, mais en effet il faudra qu’on en reparle.
L’An II : - Tu étais présente à la conférence de Gilles Manceron, de la LDH, mercredi 13 octobre à la salle du SPOT. Qu’en as-tu retenu d’essentiel ?
Michèle Edery : - Je connaissais déjà bien l’histoire du massacre. Mais il est toujours important de rappeler les faits, et de faire vivre l’histoire. Je dirais même TOUTE l’histoire, sans occulter le rôle de la gauche qui a été loin d’être clair au cours de la guerre d’Algérie. C’est même la raison pour laquelle la gauche à Saint-Fons avait entrepris cette politique mémorielle. Nous avons voulu montrer notre différence. C’est pour cela aussi que nous avons entrepris un travail avec les collégiens et les écoliers du primaire, invités aux commémorations. Ils ont travaillé sur ces sujets et lu des textes préparés avec leurs enseignants. Je me dis souvent : moins de 20 ans après la fin de la 2e guerre mondiale, comment a-t-on pu encore pratiquer de telles horreurs ?
L’An II : - Samedi 16, Emmanuel Macron a tenu un discours en mémoire des victimes du 17 octobre. Il a parlé de « crimes inexcusables » mais pas de « crimes d’Etat ». Quelle est ta position à ce sujet ?
Michèle Edery : C’est toujours pareil avec Macron : on commémore mais on ne reconnaît pas. C’est la politique du « ni-ni » qui refuse de prendre parti, pour ménager sans doute les Algériens d’un côté, l’armée et la droite de l’autre. Il est clair que ce qu’il a dit ne répond pas aux demandes des associations. C’est pourquoi il faut toujours rester vigilants, et poursuivre notre action.
Libres propos, libres pensées
Religion et Stratégie : attention aux dégâts !
Comme la nitroglycérine, la religion est un outil explosif particulièrement instable et dangereux à manipuler, avec des effets pervers et des retours de flamme parfois dévastateurs et durables : en 1978, une révolution renversa le pouvoir autocratique et conservateur en Afghanistan. Cette révolution instaura un gouvernement laïque et progressiste qui introduisit des réformes sociales très profondes en particulier pour le statut des femmes à qui furent ouvertes l'école publique obligatoire, les universités, l'enseignement, la fonction publique, les professions médicales, la liberté de s'habiller à leur convenance, de sortir, d'aller au cinéma et dans les cafés, etc. Mais cette orientation plutôt "à l'occidentale" n'avait pas l'aval des USA qui avaient été pris de court et soupçonnaient sans preuves les soviétiques de l'avoir suscitée.
Il n'y en a toujours pas : le secrétaire d’État Cyrus Vance, a écrit plus tard dans ses mémoires : "Nous n’avions aucune preuve d’une quelconque complicité soviétique dans le coup d’État." Bah !
Les Anglo-US décidèrent donc, comme à leur habitude quand un peuple se passe de leur aval et de leur autorisation, de la combattre en soutenant massivement, financièrement et militairement les fanatiques islamistes de tous poils avec l'aide active de l'Arabie saoudite et du Pakistan dans le but très stratégique de répandre l'islam radical dans toute la région pour faire chuter l'URSS en l'entraînant dans un piège machiavélien qui, dans l'esprit de son initiateur Zbigniew Brzezinski, le conseiller spécial à la sécurité de Jimmy Carter, devait "lui infliger son Vietnam". Une pure vengeance, quoi !
Celui-ci a décrit ultérieurement avec délectation sa perfide stratégie (gagnante, mais à quel prix : des décennies de régressions, de morts et de guerre civile) dans un livre intitulé "Le Grand Échiquier".
Une immense opération de déstabilisation fut montée, baptisée Cyclone, qui recruta des fanatiques religieux dans tout le monde musulman sunnite pour les entraîner dans des camps au Pakistan voisin. C'est à ce moment qu'émerge Ben Laden, qui devint le plus célèbre moudjahidine d'abord pro- (car bien formé et financé par eux), puis anti-USA, dont tout le monde connaît l'histoire et la fin ultramédiatisée.
Les soviétiques menacés d'être débordés sur leurs marges par l'islam intégriste intervinrent alors et le piège de Brzezinski se referma sur eux dans ce qui devint effectivement un désastre militaire et moral total, le prélude à leur effondrement final en 1991.
Après une longue guerre civile débutée en 1992, les talibans prennent Kaboul en 1996, ce que la secrétaire d'État US Madeleine Albright déclara avec sa propre logique être un "mouvement positif".
Le gouvernement laïque afghan fut renversé et son président Mohammad Najibullah et son frère furent torturés, assassinés et leurs corps pendus à des poteaux devant le palais présidentiel.
Pourtant en 2008, (sous occupation occidentale), Radio Kaboul effectua un sondage sur la question : "Sous quel régime l'Afghanistan a-t-il été le mieux gouverné ? " 93,2 % des sondés ont alors répondu "Sous le régime de Najibullah ! " (Wikipédia)
Les exactions des talibans parvenus au pouvoir horrifièrent l'opinion publique mondiale et suite au 11 septembre 2001, les USA très désemparés mais disposant d'un outil militaire disproportionné et par trop vacant envahissent l'Afghanistan sans vraie raison (Cf. le général retraité Wesley Clark qui dénonçait publiquement en septembre 2001 le projet US d'envahir (après l'Afghanistan), sept autres pays en cinq ans : Irak, Syrie, Liban, Libye, Somalie, Soudan et pour finir, l'Iran.
Seule la position géostratégique de tous ces pays motivait leur agression armée, comme d'habitude qualifiée "d'humanitaire" (par ex.: défendre le statut des femmes qu'ils avaient contribué à détruire !)
Malgré l'occupation par les USA et les pays de l'OTAN, dont la France qui y a laissé bon nombre de jeunes soldats morts, handicapés ou atteints à vie de stress post-traumatique (ESPT), la situation afghane s'avérant une impasse définitivement désespérée, vingt ans après (!), ils décident de s'en retirer en débâcle, laissant le pays aux talibans dans un état aggravé de ruine morale, sociale et d'infrastructures. Un beau Vietnam bis !
Quant à la "démocratie", l'argument ultime pour justifier ces interventions armées, on sait ce qu'il en est partout où ses promoteurs sont intervenus, entraînant l'éternel suiveur et pourvoyeur de jeune chair à canon qu'est l'UE, par l'intermédiaire de l'OTAN, cet outil "de défense" qui a passé son histoire post-guerre froide à intervenir dans le tiers-monde avec des effets boomerang dévastateurs et pervers (immigration massive et incontrôlable de civils réfugiés qui préfèreraient vivre en paix chez eux), OTAN qui aurait dû disparaître avec la guerre froide, comme l'avait été le pacte de Varsovie.
Brzezinski interviewé par le journaliste John Pilger : "Avez-vous des regrets ?" - "Des regrets ! Des regrets ! Quels regrets ?" Le vieux faucon (1928-2017) est mort sans regrets ni remords, avec sa bonne conscience. Que Dieu ait son âme…
Et maintenant qu'ils ont ouvert la boîte de Pandore du terrorisme islamiste (qui n'est pas près de se refermer), ils se désintéressent après son saccage de cette région vraiment trop compliquée pour eux et se concentrent sur leur future croisade-guerre-froide, dirigée contre la Chine multimillénaire récemment sortie de son sommeil multiséculaire. Grâce à eux !
Car qui lui a donné les moyens de sortir de sa léthargie, sinon les USA (and Co) ?
Qui par cupidité a délocalisé ses emplois ouvriers, ses ingénieurs, ses usines, ses chaînes de production, ses processus, ses technologies, ses
capitaux vers ce pays très attardé présumé être incapable de rivaliser, car peuplé de cerveaux jugés inférieurs englués dans une idéologie communiste "qui ne marche pas" ? Racisme ?
Pour leur nouvelle "stratégie", ils n'hésitent pas à piétiner sans égards au passage un pays dit "allié" (traduisez : vassal), la France désindustrialisée par la mondialisation, en lui soufflant un marché de sous-marins conclu avec l'Australie (où il y a déjà 7
bases militaires US : si près de la Chine, ça va grimper !)
Dans un article du Quincy Institute, un auteur américain, David Vine (The United States of War), nous apprend que les USA disposent d'environ 800 bases militaires dans le monde, (trois fois plus que d'ambassades, consulats et missions diplomatiques), dont 73 en Corée du Sud, 119 au Japon (et autant en Allemagne !) etc., en tout presque 300 bases armées encerclant la Chine, en phase rapide d'augmentation, le reste étant réparti sur tous les continents.
Au moins 38 sont situées dans des "pays non-démocratiques" (euphémisme pour : dictatures) et de nombreuses bases ont servi à lancer des guerres ou opérations dans au moins 25 pays depuis 2001.
Le nombre exact et les coûts d'installation, de fonctionnement, de personnels, d'entretien de toutes ces bases militaires sont totalement impossibles à estimer et à recouper tant il y a de coûts dissimulés classés "secrets défense". Et les incommensurables chaos semés sciemment et leurs préjudices sociaux, sociétaux, politiques, environnementaux non plus.
Mais la défense de la "démocratie" n'a pas de prix… ni financier, ni moral, ni humain. RJ
entraide et solidarité
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