LP69 : François Devaux, nos lecteurs connaissent l'action de LA PAROLE LIBEREE, que tu présides, à propos de l'affaire Preynat de Lyon. Peux-tu nous faire un point de la situation depuis le 30 janvier (procès Preynat) ?
Suite à sa condamnation en 1ere instance, Preynat a interjeté l'appel conformément à la loi. La seule chose qui m'interroge dans cette démarche, c'est qu'elle vient nettement pondérer sa repentance affichée lors du procès. Il n'est pas cohérent de demander pardon aux victimes pour tout le mal commis et par la même chercher un trou de souris pour échapper à la peine.
Mais la loi est ainsi faite et l'homme a démontré son profond déséquilibre. C'est juste rendre la tâche plus lourde et difficile aux victimes.
LP69 : Tu es intervenu fermement sur la question de l'indemnisation des victimes, peux-tu nous rappeler votre position et ce que tu penses des propositions faites par l'église catholique de France ?
Depuis le début de ce procès canonique apparu avec 30, 40 à 50 mois de retard et uniquement due à la pression médiatique du scandale, celles-ci demandent 2 choses :
*une indemnisation financière du préjudice (car beaucoup sont prescrits devant la justice étatique, or le Vatican a fait lever la prescription devant la justice canonique, et que soit soulevé la question de la responsabilité du diocèse ou de l'archevêque). Il a fallu beaucoup d'énergie pour obtenir une réponse sur le premier point.
*Sur le 2eme point, nous avons tout fait... recours devant la CDF, saisie du tribunal apostolique conformément aux textes de droit canonique, écrit au pape, demander réponse aux juges...Personne ne répond... l'ignorance est totale.
Après sur l'appel aux dons, les catholiques répondront eux-mêmes. Pour info la CIASE dont le fonctionnement est de 3 000 000 d’euros, est financée par la corref et la cef... et on est assez loin du culte. Ce qui démontre que quand on veut, on peut.
Mais les incohérences de la justice française ne sont pas en reste. Il faut savoir que dans le procès Barbarin relatif à la non-dénonciation et condamné en 1ere instance sur les mêmes principes que la condamnation de André Fort*, et relaxé en appel, nous avons fait un pourvoi en cassation comme la loi nous l'autorise.
Nous sommes donc face à une insécurité juridique avec une lecture de la loi diamétralement opposée par différentes Cour de Justice, tant dans la définition de la matérialité que dans l'intentionnalité, ainsi que la lecture de la prescription.
Le Parquet a décidé de ne pas se pourvoir, ce qui a la grave conséquence que la responsabilité pénale ne sera plus soulevée mais uniquement les dispositions civiles (responsable mais pas coupable).
Dans l'intérêt même de la loi ceci est une aberration compte-tenu des approximations faites de la lecture du code pénal.
François Molins, procureur général de la cour de cassation, est le dernier à pouvoir impliquer le ministère public dans ce débat juridique essentiel pour la nation, que soit confirmé ou infirmé la décision.
LP69 : Une troupe de théâtre lyonnaise répète la pièce GRACE A DIEU issue du film et va la jouer en janvier. Que penses-tu de cette démarche et comment la ressens-tu ? Penses-tu que cela peut encore aider votre action ?
Je pense que l'art est une formidable expression de sensibilité pour remettre les sujets de société au cœur de nos préoccupations et nous amener à une certaine cohérence.
Bien évidemment cela va aider encore notre action mais surtout aider à la compréhension de ceux qui reçoivent cette émotion. Il y a du Molière dans l'ambition de cette pièce, au-delà même de toute tartufferie.
François Devaux, Président de LA PAROLE LIBEREE
*Extrait du journal LA CROIX : Mgr André Fort, évêque émérite d’Orléans, a été mis en examen jeudi 8 juin pour non-dénonciation d’actes pédophiles, qui auraient été commis par un prêtre de son diocèse en 1993.Un soulagement pour les victimes présumées de ce prêtre, mis en examen en 2012 et dont les agissements n’avaient pas été signalés par trois évêques successifs avant de l’être par Mgr Jacques Blaquart, l’évêque actuel.