Le Figuier stérile et desséché
C’est dans le texte de Matthieu (21, 18-22) qu’est rapporté le miracle :
18 Comme il rentrait en ville de bon matin, il eut faim. 19 Voyant un figuier près du chemin, il s'en approcha, mais n'y trouva rien que des feuilles. Il lui dit alors : « Jamais plus tu ne porteras de fruit ! » Et à l'instant même le figuier devint sec. 20 À cette vue, les disciples dirent tout étonnés : « Comment, en un instant, le figuier est-il devenu sec ? » 21 Jésus leur répondit : « En vérité je vous le dis, si vous avez une foi qui n'hésite point, non seulement vous ferez ce que je viens de faire au figuier, mais même si vous dites à cette montagne : « Soulève-toi et jette-toi dans la mer », cela se fera.
Quant à la parabole, elle se trouve dans l’Evangile de Luc (13, 6-9) et concerne une vigne ornée d’un figuier, un maître et son vigneron soucieux du domaine. Pour les catholiques, il s’agirait d’une méditation sur la patience infinie de Dieu à l’égard de l’homme. Le figuier représente celui qui ne travaille pas aux œuvres de Dieu, n’écoute pas sa Parole et ne la met pas en pratique.
« 6 Il disait encore la parabole que voici : « Un homme avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint y chercher des fruits et n’en trouva pas. 7 Il dit alors au vigneron : “Voilà trois ans que je viens chercher des fruits sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le ; pourquoi donc use-t-il la terre pour rien ?” 8 L’autre lui répondit : “Maître, laisse-le cette année encore, le temps que je creuse tout autour et que je mette du fumier. 9 Peut-être donnera-t-il des fruits à l’avenir... Sinon tu le couperas.” » (traduction de la Bible de Jérusalem).
Invention du Nouveau Testament ? en aucune façon.
Le thème du desséchement est classique. On le trouve chez Ezéchiel (17, 10 et 17, 24) où des arbres sont punis. Plus grave, dans le livre des Antiquités bibliques (apocryphe de l’Ancien Testament), Dieu dessèche la mère de Michas, coupable d’on ne sait trop quoi d’ailleurs. Le christianisme a-t-il mis fin à ces désordres ? Pas du tout. Dans l’Evangile de l’Enfance, l’enfant Jésus, âgé de 5 ans, fait subir le même sort à un camarade de classe, fils d’Anne le scribe, à qui il annonce : « Que ton rejeton soit sans racine et que ton fruit devienne aride, comme une branche arrachée par le vent. » Aussitôt, l’enfant se dessécha, et il l’avait bien mérité, puisqu’il s’était permis de détériorer les petits canaux d’argile que Jésus avait modelés par jeu. Les codes ont changé : de tels faits de harcèlement ne seraient plus tolérés aujourd’hui.
Les figuiers sont partout dans la Bible. Dans la Genèse, où Adam et Eve se couvrent de leurs feuilles pour cacher leur nudité ; au 1er chapitre de l’Evangile de Jean, où le Christ recrute Nathanaël, l’un des premiers disciples, parce qu’il l’a vu sous un figuier (signe d’élection) ; chez Zacharie, chez Jérémie où l’on trouve la parabole des deux paniers de figues ; les unes bonnes les autres non. Une tradition veut que Judas se soit pendu sous un figuier.
Le symbolisme du figuier est multiforme : arbre de vie (Genèse et Paralipomènes de Jérémie, où l’un d’eux est desséché pour s’être glorifié trop tôt – 9, 14), dont les fruits sont les patriarches (Osée 9, 10), image du peuple (Antiquités bibliques 27, 3) ou de la Maison d’Israël (Apocalypse de Pierre), et surtout arbre de la Torah comme l’affirme le traité Erouvin (Er 54 b) : « En quoi les mots de la Torah sont-ils comparables aux figues ? Chaque fois qu'un homme va cueillir des figues, il ne manque pas d'en trouver. Il en est de même avec les mots de la Torah : aussi souvent qu'un homme les sollicite, il en obtient des significations. » Le figuier est un le gagne-pain des docteurs de la Loi.
Au chapitre 5 des Paralipomènes, Abimélech rapporte un panier de figues à Jérusalem. Il s’endort sous un arbre pendant 66 ans. A son retour, la déportation à Babylone a eu lieu, mais Dieu a voulu qu’il ne voie pas cela. Or les figues sont toujours fraîches et distillent du suc. Un vieil homme lui dévoile tout : « Quant aux figues, vois aussi que ce n’est pas leur saison et comprends. » Nous allons voir bientôt que tout le monde n’a pas compris.
La version historiciste
Comme les figues sont cueillies à l’automne, un chercheur a pensé établir que l’entrée à Jérusalem a eu lieu en cette saison, car l’épisode suit le miracle du figuier. On peut lire la théorie de Hyam Maccoby dans le livret « Pâques » (page 24) de l’émission réalisée par Gérard Mordillat et Jérôme Prieur. qui fit grand bruit sur ARTE. Maccoby s’étonne que Jésus soit lui-même étonné qu’on ne trouve pas de figues au printemps, et poursuit : « … et c'est donc en automne que les scènes ont eu lieu. Selon moi, c'est à Pâque que Jésus a été exécuté mais il avait été arrêté en automne lors de la Fête des Tentes, (fin septembre - début automne) et il est demeuré six mois en prison. »
Homme de peu de foi ! Pourquoi l’Eternel, qui peut vous dessécher un arbre par opération magique, serait-il incapable de faire pousser des figues au printemps ? De plus – mais c’est une remarque très secondaire, Josèphe affirme que dans la région du lac de Gennésareth, la figue pousse dix mois sans interruption. Peu importe. L’important est que cet exégète très en vue, professeur au Leo Baeck College de Londres et auteur de nombreux ouvrages fortsavants, plonge tête en avant dans une explication confondante de naïveté.
Soyons justes, tous ne se fourvoient pas. Alfred Loisy considérait que les discours eschatologiques des évangiles synoptiques et la parabole du figuier stérile « ont été conçus d’abord comme des enseignements du Christ ressuscité. » Ce n’était pas difficile à voir. Rappelons que Loisy a été excommunié en 1908, époque de la « crise moderniste ». Un peu en avance sur son temps, il n’a pas été dépassé par tous les modernes.
En guise de conclusion : cette histoire paraîtra secondaire. Pourtant l’enjeu est grand : en effet, si les miracles de l’Evangile renvoient à des discours allégoriques figés dans une narration prétendument factuelle et préparée par les traditions vétéro-testamentaires, il faudra douter de la tempête apaisée, de la pêche miraculeuse, de la multiplication des pains et des poissons, de la résurrection de Lazare et ainsi de suite. Jusque là, rien d’inacceptable pour les historicistes, mais quid des guérisons miraculeuses, assez facilement accordées à l’action d’un thaumaturge ?
Le Figuier stérile et desséché
C’est dans le texte de Matthieu (21, 18-22) qu’est rapporté le miracle :
18 Comme il rentrait en ville de bon matin, il eut faim. 19 Voyant un figuier près du chemin, il s'en approcha, mais n'y trouva rien que des feuilles. Il lui dit alors : « Jamais plus tu ne porteras de fruit ! » Et à l'instant même le figuier devint sec. 20 À cette vue, les disciples dirent tout étonnés : « Comment, en un instant, le figuier est-il devenu sec ? » 21 Jésus leur répondit : « En vérité je vous le dis, si vous avez une foi qui n'hésite point, non seulement vous ferez ce que je viens de faire au figuier, mais même si vous dites à cette montagne : « Soulève-toi et jette-toi dans la mer », cela se fera.
Quant à la parabole, elle se trouve dans l’Evangile de Luc (13, 6-9) et concerne une vigne ornée d’un figuier, un maître et son vigneron soucieux du domaine. Pour les catholiques, il s’agirait d’une méditation sur la patience infinie de Dieu à l’égard de l’homme. Le figuier représente celui qui ne travaille pas aux œuvres de Dieu, n’écoute pas sa Parole et ne la met pas en pratique.
« 6 Il disait encore la parabole que voici : « Un homme avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint y chercher des fruits et n’en trouva pas. 7 Il dit alors au vigneron : “Voilà trois ans que je viens chercher des fruits sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le ; pourquoi donc use-t-il la terre pour rien ?” 8 L’autre lui répondit : “Maître, laisse-le cette année encore, le temps que je creuse tout autour et que je mette du fumier. 9 Peut-être donnera-t-il des fruits à l’avenir... Sinon tu le couperas.” » (traduction de la Bible de Jérusalem).
Invention du Nouveau Testament ? en aucune façon.
Le thème du desséchement est classique. On le trouve chez Ezéchiel (17, 10 et 17, 24) où des arbres sont punis. Plus grave, dans le livre des Antiquités bibliques (apocryphe de l’Ancien Testament), Dieu dessèche la mère de Michas, coupable d’on ne sait trop quoi d’ailleurs. Le christianisme a-t-il mis fin à ces désordres ? Pas du tout. Dans l’Evangile de l’Enfance, l’enfant Jésus, âgé de 5 ans, fait subir le même sort à un camarade de classe, fils d’Anne le scribe, à qui il annonce : « Que ton rejeton soit sans racine et que ton fruit devienne aride, comme une branche arrachée par le vent. » Aussitôt, l’enfant se dessécha, et il l’avait bien mérité, puisqu’il s’était permis de détériorer les petits canaux d’argile que Jésus avait modelés par jeu. Les codes ont changé : de tels faits de harcèlement ne seraient plus tolérés aujourd’hui.
Les figuiers sont partout dans la Bible. Dans la Genèse, où Adam et Eve se couvrent de leurs feuilles pour cacher leur nudité ; au 1er chapitre de l’Evangile de Jean, où le Christ recrute Nathanaël, l’un des premiers disciples, parce qu’il l’a vu sous un figuier (signe d’élection) ; chez Zacharie, chez Jérémie où l’on trouve la parabole des deux paniers de figues ; les unes bonnes les autres non. Une tradition veut que Judas se soit pendu sous un figuier.
Le symbolisme du figuier est multiforme : arbre de vie (Genèse et Paralipomènes de Jérémie, où l’un d’eux est desséché pour s’être glorifié trop tôt – 9, 14), dont les fruits sont les patriarches (Osée 9, 10), image du peuple (Antiquités bibliques 27, 3) ou de la Maison d’Israël (Apocalypse de Pierre), et surtout arbre de la Torah comme l’affirme le traité Erouvin (Er 54 b) : « En quoi les mots de la Torah sont-ils comparables aux figues ? Chaque fois qu'un homme va cueillir des figues, il ne manque pas d'en trouver. Il en est de même avec les mots de la Torah : aussi souvent qu'un homme les sollicite, il en obtient des significations. » Le figuier est un le gagne-pain des docteurs de la Loi.
Au chapitre 5 des Paralipomènes, Abimélech rapporte un panier de figues à Jérusalem. Il s’endort sous un arbre pendant 66 ans. A son retour, la déportation à Babylone a eu lieu, mais Dieu a voulu qu’il ne voie pas cela. Or les figues sont toujours fraîches et distillent du suc. Un vieil homme lui dévoile tout : « Quant aux figues, vois aussi que ce n’est pas leur saison et comprends. » Nous allons voir bientôt que tout le monde n’a pas compris.
La version historiciste
Comme les figues sont cueillies à l’automne, un chercheur a pensé établir que l’entrée à Jérusalem a eu lieu en cette saison, car l’épisode suit le miracle du figuier. On peut lire la théorie de Hyam Maccoby dans le livret « Pâques » (page 24) de l’émission réalisée par Gérard Mordillat et Jérôme Prieur. qui fit grand bruit sur ARTE. Maccoby s’étonne que Jésus soit lui-même étonné qu’on ne trouve pas de figues au printemps, et poursuit : « … et c'est donc en automne que les scènes ont eu lieu. Selon moi, c'est à Pâque que Jésus a été exécuté mais il avait été arrêté en automne lors de la Fête des Tentes, (fin septembre - début automne) et il est demeuré six mois en prison. »
Homme de peu de foi ! Pourquoi l’Eternel, qui peut vous dessécher un arbre par opération magique, serait-il incapable de faire pousser des figues au printemps ? De plus – mais c’est une remarque très secondaire, Josèphe affirme que dans la région du lac de Gennésareth, la figue pousse dix mois sans interruption. Peu importe. L’important est que cet exégète très en vue, professeur au Leo Baeck College de Londres et auteur de nombreux ouvrages fortsavants, plonge tête en avant dans une explication confondante de naïveté.
Soyons justes, tous ne se fourvoient pas. Alfred Loisy considérait que les discours eschatologiques des évangiles synoptiques et la parabole du figuier stérile « ont été conçus d’abord comme des enseignements du Christ ressuscité. » Ce n’était pas difficile à voir. Rappelons que Loisy a été excommunié en 1908, époque de la « crise moderniste ». Un peu en avance sur son temps, il n’a pas été dépassé par tous les modernes.
En guise de conclusion : cette histoire paraîtra secondaire. Pourtant l’enjeu est grand : en effet, si les miracles de l’Evangile renvoient à des discours allégoriques figés dans une narration prétendument factuelle et préparée par les traditions vétéro-testamentaires, il faudra douter de la tempête apaisée, de la pêche miraculeuse, de la multiplication des pains et des poissons, de la résurrection de Lazare et ainsi de suite. Jusque là, rien d’inacceptable pour les historicistes, mais quid des guérisons miraculeuses, assez facilement accordées à l’action d’un thaumaturge ?
Et que faudra-t-il penser de la Conception virginale et de la Résurrection ? Ô abîmes de perplexité !
Depuis juillet, les révélations concernant les violences sexuelles perpétrées par l’abbé Pierre se sont succédé à un rythme accéléré. Attouchements, viol sous forme de fellation forcée, actes de pédophilie, tout y passe. Ces faits ont été largement relayés dans les media, nous n’allons pas les passer en revue.
Au propre comme au figuré, l’idole est déboulonnée. Sa statue, érigée dans son fief de Norges (Côte d’Or), est remisée dans un entrepôt municipal. La Fondation Abbé-Pierre a annoncé le 6 septembre qu’elle allait abandonner le nom, et fermer définitivement le lieu de mémoire situé à Esteville (Seine-Maritime). De nombreuses villes s’apprêtent à débaptiser les lieux qui portent son nom (en France 150 voies ou lieux-dits). Et à Lyon, ville natale d’Henri Grouës, la Place de l’Abbé Pierre située dans le 9e arrondissement va perdre son nom, par une décision toute récente de la municipalité, ce jeudi 19 septembre.
Pour le grand public, c’est la sidération.
Les admirateurs tombent de haut. Et en même temps une autre série de révélations suit son cours : tout le monde savait. Depuis le début.
Nous ne parlons pas de la Libre Pensée, qui avait relayé des témoignages dès la fin des années 50. Nous pensons être en mesure de reproduire très bientôt les textes parus à l’époque. La Libre Pensée n’a jamais partagé l’idolâtrie entretenue par celui qui appelait à casser la gueule » des fonctionnaires », les rendant responsables du malheur social de la faim et du mal-logement. La bêtise obscurantiste la plus crasse, assortie de positions ouvertement fascistes, va rarement de pair avec une haute tenue morale. Tout cela est lié.
Si la Libre Pensée savait, comment l’Eglise aurait-elle ignoré les agissements de l’abbé Pierre ? La question ne se pose plus : tout le monde sait que tout le monde savait, au Canada comme aux USA, à Rome comme à Lourdes. Les informations sur ses comportements sexuels circulaient largement parmi les évêques dès 1955, comme le montrent les nombreuses lettres entre le secrétariat de l’épiscopat et les évêques français de l’époque. Grouës fut même pendant des années flanqué d’un chaperon (un socius) chargé de sa surveillance. En Suisse où il fut exfiltré dans un asile psychiatrique en 1958, on savait à quoi s’en tenir.
Lorsque le Pape François reconnaît que la papauté savait au moins depuis la mort du prêtre en 2007 mais en ajoutant : « Avant, je ne sais pas », disons-le brutalement : il se fout du monde !
Et comme tout le monde sait tout sur tout, la Conférence des évêques de France fait semblant de jouer la transparence et choisit d’ouvrir les archives avant le délai ordinaire. Un peu tard ! Ces archives couvrent la période 1947-1972 puis s’interrompent brusquement, comme le remarque le journal « La Croix ». Des archives éloquentes, mais qui ne révèlent rien de nouveau sinon le souci de ne pas créer un scandale public, et confirment les secrets du nommé Polichinelle.
Abomination de la Désolation
A-t-on essayé de régler le problème autrement qu’en étouffant les faits ? On a d’abord analysé son cas essentiellement sous l’angle médical sans être sûr que l’abbé soit « guérissable. » On avance ainsi que « le pauvre abbé n’est sans doute qu’à demi responsable. » Il faut sauver le soldat Emmaüs, en priant pour que le problème ne s’ébruite pas auprès du grand public.
Les archives révèlent que l’euphémisme était de règle, mais le contenu des faits parfaitement clair. Mention spéciale de l’ignominie à Mgr Villot qui osa proposer dans plusieurs courriers d’envoyer l’abbé définitivement au sein d’un pays « sous-alimenté » ou dans « un pays de lépreux » ? Sans commentaire.
Indemnisations ?
Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France plaidé pour instaurer un « processus de justice, de reconnaissance, de réparation », à l’image de ce qui a été fait en France après le rapport de la Ciase. Le parallèle est éloquent ; 330 000 cas d’abus sexuels ont été presque complètement ignorés de l’Eglise. (C’est ce qu’elle prétend). Un semblant d’indemnisation n’a été alloué aux victimes que lorsque l’Eglise ne pouvait plus échapper à un immense scandale public. En sera-t-il de même avec l’Abbé Pierre ?
Emmaüs a annoncé la mise en place d’une commission d’experts indépendants pour « comprendre et expliquer les dysfonctionnements qui ont permis à l’abbé Pierre d’agir comme il l’a fait pendant plus de cinquante ans ». Emmaüs International réfléchit à une forme d’indemnisation des victimes.
Quelle sera l’attitude l’Etat ? Sans doute la même que pour les victimes de l’Eglise : un grand silence. Aucune réponse n‘a été donnée au Comité des Droits de l’Enfant de l’ONU à propos des recommandations de la Ciase, malgré deux interpellations par des députés qui ont relayé la demande conjointe de la Libre Pensée et des associations de victimes. Courage ! Détournons les yeux, nous dit l’Etat.
De notre côté, nous savons que l’histoire n’est pas terminée. Le congrès international de l’AILP sur les crimes de l’Eglise et les problèmes d’indemnisation aura lieu à Grenoble les 10 et 11 octobre 2025. Et le 11, nous aurons l’occasion à Lyon de poursuivre sur le thème « Barbarin, histoire d’une impunité. »
Une impunité dont aura bénéficié l’abbé Pierre … pendant cinq décennies !
Eve : fille de la côte ou du côté ?
I
Tabarî, chroniqueur arabe des IX- Xèmes siècles, amplifie le récit de la Genèse sur la création d’Adam, la façon dont Dieu lui insuffla la vie et la création d’Eve tirée d’une côte d’Adam, brodant sur le texte du Coran (2ème sourate : La Vache).
Dans un autre passage, tout au début de son Histoire des Prophètes et des Rois, il rapporte une curieuse tradition maintenue chez les Guèbres, les « adorateurs du Feu » sectateurs de Zoroastre.
Pour les Guèbres, les deux premières créatures vivantes créées par Dieu furent un taureau et un homme nommé Kayoumorth, un « Roi de la montagne » qui vécut trente ans puis mourut. Ensuite… « La semence qui sortit de ses reins devint poussière dans la caverne ; elle resta en terre pendant quarante ans, et après ces quarante années, deux personnes qui n’avaient qu’une seule tête sortirent de terre, et procréèrent des enfants. Les guèbres nommèrent ces deux êtres Meschî et Meschâneh, et les Musulmans Adam et Eve : tous les hommes sont sortis d’eux. »
Pour ces Guèbres, Adam et Eve naissent d’un seul mouvement, ce que laisse entendre le premier récit de la Genèse, dit « sacerdotal », où: il n’est pas encore question de la côte.
Dieu créa l’homme à son image
à l’image de Dieu il le créa,
homme et femme il les créa. (Bible de Jérusalem 1,27)
Le texte peut alors se comprendre comme celui de la création conjointe de l’homme et de la femme à partir d’un androgyne. Notons que dans le monde chiite, Ève a été créée à partir de l'argile restant après la création d'Adam, autre version qui dénote, de la part des préposés à la conservation de la Vérité révélée, un certain flottement dans la conservation des archives.
Le second récit biblique est bien différent. C’est celui que le dogme, l’histoire du texte et l’imaginaire collectif ont retenu :
« Le Seigneur Dieu fit tomber dans une torpeur l'homme qui s'endormit ; il prit l'une de ses côtes et referma les chairs à sa place. Le Seigneur Dieu transforma la côte qu'il avait prise à l'homme en une femme qu'il lui amena. L'homme s'écria : « Voici l'os de mes os et la chair de ma chair ; celle-ci, on l'appellera femme car c'est de l'homme qu'elle a été prise ». Aussi l'homme laisse-t-il son père et sa mère pour s'attacher à sa femme, et ils deviennent une seule chair. » (Gn, 2, 21-24).
Ce n’est qu’au verset 20 du chapitre 3 qu’Eve reçoit son nom d’Adam : « L’homme appela sa femme 'Eve', parce qu’elle fut la mère de tous les vivants. » En effet, le nom hébreu חַוָּה ḥawwā(h) correspond à une étymologie populaire le rattachant au verbe « vivre ». Ainsi, « Eve » peut se traduire par « la Vivante, la mère des vivants ».
II
Eve née d’un côté, autrement dit moitié de l’être humain, sans miracle intercostal : voilà notre hypothèse. Elle n’a rien d’original ; les anciens trouvaient déjà saugrenu - voire incongru - le récit biblique. Il y a 2000 ans, le philosophe juif Philon d’Alexandrie s’indignait déjà : « Comment croire, dit-il, qu'une femme ait été faite de la côte d'un homme, ou qu'un être humain quelconque ait ainsi été tiré d'un autre ? Qu'est-ce qui a pu empêcher Dieu, qui avait fait l'homme avec de la terre, de faire la femme de même ? C'était bien le même créateur et la matière était en quantité presque infinie... Et pourquoi, quand il y a tant de parties dans l'homme, n'en avoir pas choisi une autre que les côtes ? Puis, quelle côte Dieu aurait-il employée ? Et cette question resterait valable alors même qu'il n'aurait parlé que de deux côtes ; mais, en fait, il n'en a pas spécifié le nombre. Etait-ce la côte droite, ou la côte gauche ? » Philon ne fut pas le seul et les Pères de l’Eglise, du moins ceux qui gardaient un semblant de rationalité, durent se dépêtrer des invraisemblances du texte sacré par le recours aux lectures allégoriques.
Leurs explications s’appliquaient au texte littéral aussi bien pour le contester que pour le valider. Un exemple : pourquoi le Seigneur Dieu a-t-il choisi une côte ? C’est parce que, expliquait Thomas d’Aquin, la côte se trouve au milieu du corps. La tête, ç’aurait été trop haut, et les pieds, trop bas. La femme a donc été tirée à son juste niveau. Le texte est accepté tel quel, mais avec ajout d’un sens théologique second qui entraîne quand même un doute sur le sens littéral du texte. Quoi qu’il en soit, nous ne saurons jamais ce qui se passait dans la tête des gardiens du dogme.
Gageons que si Dieu avait tiré Eve d’une épaule ou d’un mollet, ils en auraient tiré d’autres leçons de sagesse.
Plus subtil, Philon tenta de concilier le sobre Gn 2, 21-24 avec le récit abracadabrant de Gn 1, 27. Ce dernier aurait été relatif à la création de l'âme humaine, rapporte Salomon Reinach dans un article de la Revue d’Histoire des Religions – vol. 78 (1918). Le conseil : « Croissez et multipliez » n’aurait pas été relatif à la procréation physique, impossible faute de corps, mais au développement spirituel.
A la suite de quoi Philon s’engage dans des considérations sur la côte comme symbole de force puis s'engage dans le « labyrinthe de ses allégories en assimilant l'homme à l'intelligence, la femme à la sensibilité et le serpent au plaisir qui, par l'entremise de la sensibilité, atteint la raison » (Reinach). De la formation matérielle du corps de la femme, il ne dit rien.
Selon Reinach, Philon semble avoir eu connaissance du mythe de l’androgyne d’origine platonicienne ; car on trouve chez lui un passage qui pourrait en être un souvenir, ou une allusion : « Quand la femme fut créée, l'homme se réjouit à la vue d'une figure semblable à la sienne, s'approcha d'elle et l'embrassa. Elle, de même, se réjouit d'avoir un compagnon et lui répondit avec pudeur. Mais l'amour était né, unissant, pour ainsi dire, dans un corps les deux parties séparées d'un animal unique, les adaptant l'une à l'autre, engendrant en chacune d'elles un désir d'union en vue de la production d'êtres semblables. »
Il n’est pas indispensable d’avoir lu Platon pour en arriver là ; il suffit d’observer la nature. Pas davantage d’invoquer le mythe phrygien de l’androgyne Agdistis, lié au culte d’Attis qui ne s’est répandu qu’au IIIème siècle avant notre ère. Pas non plus ces élucubrations gnostiques selon lesquelles Eve serait une émanation physique d’Adam, mais pas la moitié d’un corps double divisé.
Et d’ailleurs Philon se garde d’envisager la conception d'un androgyne primitif à la place de l'homme formé par le Créateur.
III
Sous l’influence de Philon et de sa méthode d'interprétation allégorique, les mêmes problèmes sont agités par les synagogues, puis par les jeunes communautés chrétiennes. Quatre siècles après Philon, saint Augustin sonne l’heure d’une réaction doctrinale prétendant concilier lecture littérale et interprétation symbolique, à la fois contre le courant allégoriste et contre les doctrines de certains hérétiques qui se référaient au mythe de l’androgyne primitif. Que ce soit dans les Confessions ou dans la Cité de Dieu, les réflexions d’Augustin sont tortueuses « Il est certain, conclut-il, que les deux sexes ont été créés d'abord en deux êtres distincts, comme nous les voyons maintenant, et que l'Ecriture les appelle un seul homme, soit à cause de l'union du mariage, soit à cause de l'origine de la femme, qui a été tirée du côté de l'homme, quae de masculi latere creata est. »
Eh oui, du côté ! Car c’est bien par « côté » qu’il faut entendre latere, alors que s’il avait voulu dire « côte », il aurait utilisé le mot costa. Et donc, sans accepter le mythe de l’androgyne, Augustin admet que la Bible ait parlé d’un côté d’Adam. Son rationalisme va jusque-là.
IV
Faut-il accepter la version « canonique » de la Genèse ? André Chouraqui traduit ainsi Gn 21-24 (Je transcris par YHWH le Nom imprononçable de l’Eternel, voir Chouraqui pour les détails) :
21 YHWH fait tomber une torpeur sur le glébeux. Il sommeille. Il prend une de ses côtes et ferme la chair dessous.
22 YHWH bâtit la côte, qu’il avait prise du glébeux, en femme. Il la fait venir vers le glébeux.
23 Le glébeux dit :
« Celle-ci, cette fois, c’est l’os de mes os, la chair de ma chair
A celle-ci il sera crié femme "Isha" :
Oui, de l’homme "Isha" celle-ci est prise. »
24 Sur quoi l’homme abandonne son père et sa mère :
Il colle à sa femme, et ils sont une seule chair.
Le texte hébreu est clair. Selon Chouraqui, il est écrit côte, et Chouraqui mérite notre confiance. Mais les choses sont plus compliquées.
En effet un désaccord existe sur la traduction de אַחַת מִצַּלְעֹתָיו, « une de ses côtes ». Saint Jérôme traduit en utilisant le mot « côte » alors que le mot hébreu « ṣelaʿ » prendrait plus souvent dans la Bible le sens de « côté » ou « flanc » : Ève serait sortie du côté d'Adam endormi et non de sa côte, et Adam serait le nom de l'androgynie primitif. Trop simple ? Ziony Zevit, spécialiste de littérature biblique et des langages sémitiques, note que le terme utilisé peut aussi prendre le sens de « planche », « poutre », « étai » ou « colonne ». Un auteur facétieux, l’Américain Scott Gilbert s’est interrogé sur ce que pouvait être l’os surnuméraire qui distingue l’homme de la femme. Mais là, comme aurait dit Diderot « ces questions sont trop sublimes pour nous. »
V
Une autre hypothèse proposée en 1986 par l’historienne américaine Gerda Lerner complète le dossier. S’il y a eu confusion sur le mot à employer – volontaire ou involontaire - celle-ci ne serait pas intervenue par oblitération du texte hébreu, mais trouverait sa source en amont dans un détail du mythe mésopotamien d'Enki et de Ninhursag. « Dans ce mythe, Enki mange des plantes toxiques qui lui donnent des maladies. Sa femme, Ninhursag, crée alors plusieurs divinités pour soigner chacun de ces maux. L'une d'elles, Ninti, est destinée à soigner la côte d'Enki. Or, le nom de Ninti signifie à la fois « la dame de la côte » et « la dame de la vie ». Cette association de la côte et de la vie est similaire à celle que l'on trouve chez l'Ève de la Bible dont le nom est également lié à la vie et qui est issue d'une côte. Ainsi le nom d'Ève pourrait être une traduction en hébreu d'une des significations du nom de Ninti et la naissance d'Ève à partir de la côte d'Adam serait une adaptation issue du deuxième sens du nom de cette même déesse. »
Cette thèse n’a rien d’invraisemblable, la Genèse s’inspirant largement de sources assyriennes. Jean Bottero l’a expliqué : « Ce n’est plus le seul récit du Déluge qui dévoile la dépendance de la Bible, (…) c’est l’épisode entier des origines de l’homme. »
Passons sur les tentatives de certaines essayistes féministes qui sollicitent le texte pour lui faire dire ce qu’il ne dit pas : ainsi pour la théologienne Phyllis Trible, la création d’Eve en second marquerait le fait qu’elle représente le point culminant de la création.
Plus intéressant : les sources sumériennes mettent l’accent sur le rôle primordial de la déesse-mère, alors que dans la Bible le créateur est Dieu le Père, qui incarne le principe masculin. On y a vu le passage du droit matrilinéaire au patriarcat. Bien sûr.
Mais pour en revenir au problème de la côte biblique, il serait naïf de croire qu’il s’agit d’un simple problème de traduction. Certes, une erreur de lecture à partir d’une source ancienne n’a rien d’impossible. Ainsi, on raconte encore qu’Eve a croqué la pomme alors que ce fruit est absent du texte biblique. La confusion sur ce sujet vient de ce que le mot « pomum » retenu dans le texte latin désigne tout fruit ou autre production végétale (la pomme de terre par exemple) alors que la pomme est désignée par le mot « malum » - et le pommier par « malus ». On y a vu le mal, forcément, puisque l’Eternel avait mis en garde Adam contre la consommation du fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Et les hommes gardent encore la pomme d’Adam en travers de la gorge pour désigner le cartilage thyroïde apparent.
Mais alors que le Canon du christianisme s’est construit sur des traductions et même des traductions de traductions (de l’hébreu ou de l’araméen au grec, puis au latin, puis aux langues modernes), rien n’indique que la Bible hébraïque se soit constituée de la sorte, même pour des épisodes isolés.
Comme si la vie des mythes, leur fortune et leur popularité se réduisaient à un récit écrit, qu’au surplus un scribe mal inspiré aurait mal compris ! Mieux vaut imaginer un fond de croyances qui a pu traverser les siècles et la distance. Ces croyances ont dû être populaires ; les traces conservées n’en sont que des débris fossilisés.
VI
Conclusion : Eve = ḥawwā(h)= la mère des vivants = la côte = le côté = la côte. Tout fonctionne ! Et cette confluence de significations possibles peut bien avoir été à l’origine un jeu sur les mots, sur les signifiants comme sur les signifiés (ce qui ne serait pas un précédent dans l’histoire des mythes). Erreur, jeu langagier, transformation volontaire, on ne peut rien exclure.
Joli carambolage de significations ! Peut-être pas si involontaire… En réalité, le seul contresens commis est celui du rédacteur du passage de la Genèse, où il est question d’une « côte » par un choix réducteur tristement anatomique.
Mais pour en revenir à l’androgyne primitif, le problème est que la logique dogmatique des Eglises a sclérosé la lecture du passage biblique. Et les catholiques (principalement) ont enseigné pendant deux millénaires que la femme était par essence inférieure à l’homme, seconde par rapport à lui par autorité canonique.
Que retenir de tout cela ? Pour répondre à une question pratique et contemporaine, féministes et humanistes sont parfaitement fondés à comprendre « côté » en Gn 4,21 et à défendre l’idée de l’androgyne primitif pour contester que la femme aurait été créée comme un être subalterne. Ceci ne concerne bien sûr que les croyants, qui n’en auront pas fini avec les difficultés pour autant : la Bible condamne la femme à souffrir éternellement dans les douleurs de l’enfantement, et à supporter la charge de tous les maux possibles par la consommation du péché originel. Une malédiction lourde à porter depuis 2000 ans !
« Jésus et les JO »
Mgr Gobilliard, évêque de Digne, est bien connu des libres-penseurs pour avoir été évêque-auxiliaire de Lyon. On sait qu’il a préfacé l’ouvrage où étaient présentées (parmi d’autres) les oeuvres du P. Ribes, un jour où l’Esprit Saint avait la tête ailleurs.
Le même Esprit Saint l’a fait nommer délégué du Vatican pour les Jeux olympiques de Paris, avec en filigrane, le projet d’un Comité National Olympique qui pourrait aboutir à la présence d’une délégation d’athlètes même symbolique. C’est la première fois qu’un délégué du Vatican est nommé aux JO.
On part de loin mais ça avance ! Pour Paris c’est râpé, mais doit-on s’attendre une épreuve « génuflexion » en 2028 ? Une vraie chance de médaille miraculeuse.
Restons sérieux. En réalité Mgr Gobilliard a de réelles compétences sportives. Il démontre sa profondeur d’analyse dans un article du « Mois de la Bible » intitulé « Jésus, le modèle de tous les entraîneurs ».
Qu’on en juge par sa présentation : « Si personne ne faisait son jogging du samedi matin ni ne jouait au football au temps biblique, il me semble néanmoins que Jésus peut être considéré comme le modèle de tous les entraîneurs sportifs. Prendre exemple sur lui serait alors bénéfique à toutes les équipes qui ont bien du mal à obtenir des résultats. »
Il y développe l’idée que Jésus, le « sportif de Dieu » a été un « sélectionneur surprenant » et « charismatique » puisqu’il a su réunir une équipe de disciples « pour que le monde soit sauvé ».
Ce n° du « Mois de la Bible » (mars 2024) est tout entier consacré à donner la parole à des athlètes dopés par la foi, et à rechercher des allusions au sport dans la Bible. Exercice difficile tant les résultats sont minces. Deux pages sont consacrées à la première épître de Paul à Timothée, chapitre 4. Paul de Tarse n’y manifeste d’ailleurs guère de considération pour le sport : « Les exercices physiques sont utiles, mais à peu de chose ; l’attachement à Dieu, au contraire, est utile à tout, car il nous assure la vie présente et nous promet la vie future. »
En fait, si on suit la pensée paulinienne, on pourrait très bien se passer des JO.
Un certain Joël Thibault (aucun lien de parenté avec Bernard) est l’auteur de « L’aumônier des champions ». Développant une autre analyse, il trouve que la Bible est tout particulièrement intéressante sur la question du corps. J’avoue ne pas avoir compris pourquoi. La référence à l’Epître de Paul est tout sauf convaincante. Les Psaumes 23 et 27 « L’Eternel est mon berger, je ne manquerai de rien » sont un peu sollicités. Bon, soyons positifs, gardons peut-être cet enseignement qu’il est bon de disposer de conditions d’entraînement performantes.
Pour le plaisir, et pour la réussite de notre délégation française évidemment, voici le texte d’une prière proposée par le Conseil d’Eglises en France :
Père, source de la joie véritable (…)
Regarde dès maintenant, Dieu très bon, la France, qui accueillera les Jeux Olympiques et Paralympiques de 202. Donne-lui d’organiser cet événement dans la joie, la paix et la fraternité.
Répands ton Esprit Saint sur tous ceux qui oeuvrent pour la réalisation de Paris 2024, sur toutes les personnes qui viendront des quatre coins de la Terre et sur les athlètes (…).
Rassemblés dans la passion commune du sport avec la devise des JO « plus vite, plus haut, plus fort… ensemble », permets que nous soyons ensemble des signes de ton amour pour tout être humain.
Amen.