ÉDITORIAL

 

 

En cette fin 2021, la commission présidée par Jean-Marc Sauvé a porté à l’Église de France un coup dont on ne mesure pas encore la portée. Elle avait été instituée par la Conférence des Evêques de France pour rétablir le restant d’autorité morale que l’Église prétend exercer. Clairement ça n’a pas fonctionné, cela s’est même retourné contre l’institution. C’est qu’on ne met pas si simplement un voile pudique sur 330 000 jeunes victimes depuis les années 50 (avant : on ne sait pas ; mais cela donne le vertige !). Un tiers de million.

Le scandale est énorme et n’aidera pas à remplir des églises de plus en plus désertes. Surtout, il risque de toucher l’Église au portefeuille. Malgré son amour de la pauvreté, la sainte Eglise grimace. Il faudra bien indemniser les victimes sous peine d’aggraver son discrédit. On a bien compris qu’en matière de pédocriminalité, on ne pouvait plus se permettre de mettre la poussière sous le tapis.

Avant tout, comment faire payer les autres ? Par les dons des fidèles ? Ceux-ci pourraient bien trouver saumâtre d’avoir à financer la réparation du viol de leurs têtes blondes. Alors comment faire ? Macron a fait passer à 75% l’exonération d’impôts pour 2022, c’est déjà un très beau cadeau de Noël (on se demande ce qu’en penserait l’enfant Jésus).  Pour autant le compte n’y est pas. Faudra-t-il sacrifier une partie du patrimoine ? Eh, bien obligé ! La Libre Pensée pour sa part estime que l’Église doit payer et démontrera que l’Église peut payer. L’analyse des biens est en cours.

L’Eglise n’est pas seule à s’inquiéter. Nos dirigeants se pressent au chevet de l’Eglise malade. C’est le premier ministre Jean Castex, en visite au Vatican en octobre dernier, qui a vanté les « points de convergence entre Paris et Rome » après avoir échangé avec le pape sur les questions de pédophilie et la politique étrangère en Irak et au Liban. S’affichant aux côtés de Gérald Darmanin et de Jean-Yves Le Drian, il soulignait « l’importance du dialogue avec les cultes ». Puis ce fut la remise de la Légion d’honneur au président de la Conférence des Evêques Éric de Moulins-Beaufort, le 6 décembre dernier. Celui-ci avait-il déclaré que les lois de la confession étaient supérieures à celles de la République ? Qu’à cela ne tienne ! Après l’avoir un peu tancé, le ministre de l’Intérieur tenait à lui faire savoir qu’on ne le lâchait pas dans ces moments difficiles. Enfin, le 21, Emmanuel Macron se fendait d’une déclaration : « Oui, la science et Dieu, la raison et la religion peuvent donc vivre côte à côte, parfois même se nourrir. Cela est même souhaitable tant aspiration à la raison et besoin de transcendance cohabitent en chacun de nous », souligne-t-il. Grâce à la laïcité qui « rend possible cette riche cohabitation », la France « continuera à être une nation infiniment rationnelle et résolument spirituelle. Nation de citoyens libres de critiquer et libres de croire. » Il renouait avec une séquence de son début de quinquennat où il affirmait la supériorité du prêtre sur l’instituteur. Décidément, jamais la religion n’aura été parée d’autant de vertus dans la bouche d’un président de la République !

Il sera prêt pour prendre la présidence de le l’Union Européenne.  Ursula von der Leyen vient d’assurer à nouveau au pape François que l’Union européenne s’inspirait de « l’héritage culturel, religieux et humaniste de l’Europe ». Pour ma part, je penserais volontiers comme l’historien Paul Veyne : « Ce n’est pas le christianisme qui est à la racine de l’Europe, c’est l’Europe actuelle qui inspire le christianisme ou certaines de ses visions. Etranges racines qui se confondent avec la croissance de la tige Europe, se transforment avec elle ou même cherchent à ne pas être en retard sur elle. »

Etrange conjonction d’intérêts et de bonne conscience que celle de cette Europe vaticane qui oublie ses principes dès que l’on franchit les murs de l’Union ! Pour elle il y a bien un Royaume, mais les noyés de la Manche ou de Méditerranée en sont exclus.

Et étrange Etat français, à la mode Ve République, incapable non seulement de faire respecter la laïcité, mais même de la respecter lui-même ! Adversaire résolu de la liberté de conscience, attaquée par la dénaturation de la loi de 1901… faute de pouvoir s’en prendre frontalement à la loi de 1905. Incapable de faire régner l’ordre par la mise au centre de l’intérêt commun, mais sans cesse amenée à renforcer son arsenal de mots et mesures liberticides !

« En politique, disait Henry Guillemin, l’art du langage est d’une importance extrême. L’homme politique qualifié dispose d’un lexique où les mots désignent autre chose que ce qu’ils paraissent, aux yeux des niais, signifier, et de préférence le contraire. » Il n’y a pas de meilleur exemple que le mot « laïcité. »

 La Fédération Nationale de la Libre Pensée, dans sa déclaration solennelle du 9 décembre, le disait d’une autre façon : « LAÏCITE : Il ne s’agit pas seulement d’en parler, il s’agit surtout de l’appliquer. »

P.G.

 

La déclaration se concluait par ces mots :

La FNLP appelle à la réalisation d’un large front unitaire pour s’opposer au projet de loi réactionnaire et antilaïque du gouvernement, projet tout imprégné de xénophobie et de haine contre une partie de la population et à entrer en résistance contre cette tentative profondément réactionnaire « l’importance des relations avec les cultes ».

La Libre Pensée appelle toutes les associations laïques et démocratiques, les syndicats ouvriers, les partis se réclament de la démocratie et de la Séparation des Eglises et de l’Etat à s’unir dans un grand Front laïque pour mettre en échec les projets réactionnaires, antilaïques et xénophobes du gouvernement Macron/Darmanin et de ses subsidiaires et à prendre toutes les initiatives unitaires dans ce sens.

Abrogation de la loi « Séparatisme » !

Retrait de tous les décrets scélérats !

 

 

COLLOQUE enseignement Privé

Enquête dans des établissements privés confessionnels sous contrat

 

Une journée d'étude organisée par le laboratoire Éducation, Cultures, Politiques (ECP) a eu lieu vendredi 10 décembre 2021 à l’Université Lumière Lyon 2. Elle portait sur les situations liées aux questions de religion, de discriminations et de racisme en milieu scolaire.

 

Elle rendait compte d’une enquête menée sur trois ans, sous la direction de Françoise Lantheaume, dans les établissements privés confessionnels sous contrat, dans 101 établissements de 10 académies. 

Elle s’appuyait sur 249 entretiens auprès de toutes les catégories de personnels travaillant dans ces établissements (direction, enseignants, personnels d’entretien et de surveillance, autres). Le modèle théorique est emprunté à la sociologie pragmatique de Boltanski, qui évacue toute dimension politique.

Cela dit, il n’est interdit à personne d’interpréter les résultats bruts.

 

D’emblée apparaît une différence entre les deux études quant à l’accès aux données : alors que dans une précédente étude cet accès ne posait pas problème dans le public, une méfiance réelle était constatée dans le privé.

Cette réticence à fournir des informations brutes était marquée par exemple par le refus ou l’impossibilité de fournir les fiches APAE (Aide au pilotage et à l’Autoévaluation) qui font état des résultats scolaires sur 5 ans et des catégories socio-professionnelles des familles.

Hypothèse : ces fiches contenaient-elles des données sensibles ?  Difficile aussi de savoir précisément la part des différentes confessions représentées. D’autre part les enquêteurs devaient passer par le chef d’établissement pour accéder – parfois difficilement - à la salle des professeurs. Il est arrivé que le contact avec les enseignants soit refusé par le directeur. C’est donc par le filtre de ce dernier que les enseignants étaient désignés et informés de l’enquête. Détail révélateur : c’est dans un établissement musulman que l’accès a été le plus facile. Il faut dire que ce type d’établissement est en recherche permanente de légitimité.

Dans l’enseignement catholique, la règle est celle de l’esprit « maison » : pas de vagues, priorité donnée à la bonne réputation de l’établissement, ce qui correspond à la logique de compétition concurrentielle sur le marché scolaire. Cela se voit dans la façon de traiter les tensions nées de propos ou d’attitudes racistes ou homophobes (rapportés comme étant peu nombreux). L’incident est généralement traité en interne de manière discrète et au cas par cas, en évitant de rendre les problèmes publics, et en tâchant de « maintenir le cadre ».

On navigue alors entre logique civique et logique d’opinion, corollaire sur le plan personnel de la tension entre logique communautaire et logique libérale qui définissent les priorités de l’établissement.

Mais le conflit peut être aussi « externalisé », nié comme relevant de l’esprit maison et rapporté à des causes exogènes. Cette logique peut conduire au renvoi pur et simple de l’élève.

La sélection du public scolaire, recruté plutôt dans des milieux favorisés participe de ce fonctionnement. 

La stabilité des personnels de direction, qui ne sont pas soumis aux obligations de mobilité et doivent un engagement aux projets du diocèse, garantit la permanence de rituels d’identification, de même que l’existence d’associations d’élèves ou d’anciens élèves.

 

La « diversité » contre l’universel

Fait relativement nouveau : la part faite à la « diversité » est devenue un élément-clé de la stratégie marketing et relève presque de la norme, comme on le constate partout. Comme les dames patronnesses avaient leurs pauvres, les écoles privées ont tous leurs enfants issus des quartiers difficiles, auxquels on accorde généreusement bourses d’étude, frais d’internat et d’inscription.

D’où un « effet mascotte » qui sert à certifier l’engagement républicain de l’établissement, bien plus qu’à capter un nouveau public scolaire. C’est à qui sera le plus fier d’avoir un ancien élève défavorisé qui a réussi et devient en retour le protecteur des nouveaux venus. On met volontiers en avant l’étymologie du mot « catholique » (de katolikos : universel). Mais c’est un universel qui s’accommode très bien de l’exclusion.

Comme le remarquait judicieusement une participante au colloque, on voit se mettre en scène une gestion subtile de la « diversité ». Mais il y a loin de la diversité à l’universalité ! Dans le privé, la diversité est une belle chose …à condition qu’on la contrôle, et qu’il n’y en ait pas trop !

On ne s’étonnera donc pas que les situations liées aux questions de religion, de discrimination et de racisme soient décrites comme exceptionnelles. Elles seraient sans commune mesure avec ce qu’il en est dans le public, celui-ci fait office de repoussoir facile où règnent violence et incivilités (en plus d’être une école de l’athéisme militant et de l’idéologie LGBT !). Les établissements privés assumeraient le rôle d’excellence que le public aurait abandonné. Pour autant, le recrutement d’élèves issus de catégories socio-professionnelles élevées et choyés parfois de la maternelle à la Terminale n’empêche pas les situations de conflit : refus de cours sur l’islam, harcèlements, homophobie, affichage d’opinions politiques extrêmes…

Enfin, l’excellence scolaire est un objectif volontiers mis en avant.

 

« Une école au service du projet de Dieu » (SGEC 2013)

Nous en arrivons au problème insoluble de la laïcité, que l’enseignement catholique est supposé respecter en tant qu’acteur intégré au service public.

Contrat oblige, le discours tenu est l’affirmation d’une extrême ouverture à toutes les postures spirituelles, et au rejet de tout prosélytisme : « souci de la personne, ouverture, bienveillance ». La reconnaissance du culte musulman fait partie de la stratégie de l’établissement. L’incroyance n’est pas stigmatisée.

Dans les faits, c’est pourtant la croyance qui définit la norme. On fait participer aux offices catholiques les élèves des diverses confessions, en mettant en avant la « richesse » d’un moment de partage.

Des familles demandent-elles une dispense de sorties scolaires ou d’office pour leurs rejetons ? Ces demandes ne sont pas de droit, et la situation se règle au cas par cas dans une négociation où l’on renvoie aux familles l’accusation de dogmatisme. Dans le cas d’un voyage scolaire vers un lieu de culte : difficile pour un enfant ou un adolescent d’être séparé de ses camarades ! C’est alors qu’il peut se sentir discriminé.

De fait, lui ou sa famille doivent se justifier de leur refus.

L’enseignement religieux obéit à deux modalités : d’une part la catéchèse, dispensée en-dehors du temps scolaire, sur la base du volontariat ; d’autre part la pastorale, inscrite dans l’emploi du temps qui peut prendre les noms les plus divers : « culture religieuse », « culture religieuse et humaine », « formation humaine et spirituelle », « instruction religieuse », « culture humaniste et chrétienne », etc.

Le contenu n’étant pas défini par l’éducation nationale, chaque établissement en fait ce qu’il veut « au risque d’une essentialisation des religions et d’un enfermement des élèves dans leurs pratiques et croyances supposées », comme le disent deux des enquêtrices. Point important : les intervenants, qu’ils soient enseignants, prêtres ou parents bénévoles, ne sont assujetties à aucun devoir de neutralité et peuvent se prévaloir de leur foi.

Difficile alors de dire où finit l’enseignement de la culture religieuse, et où commence la catéchèse !

Dans le secondaire, l’heure de Vie de Classe est un autre moment important, assurée par un enseignant qui n’est pas obligatoirement croyant, mais « nul besoin d’être chrétien pour conduire l’établissement de façon enracinée dans l’évangile ». Elle se propose de « libérer la parole » et « d’apprendre à penser par soi-même ». Elle débouche souvent sur des actions locales dans l’établissement ou la ville : bénévolat, écologie, collectes, paquets-cadeaux.

 

Autres écoles

Pour les écoles juives et musulmanes, les données sont incertaines car les établissements à 100% sous contrat d’association n’existent quasiment pas. Nous ne nous risquerons pas à en décortiquer le fonctionnement.

Les établissements musulmans organisent l’enseignement de l’arabe classique exclusivement, ignorant les dialectes. Ils jouent à fond la carte de la transparence et de la promotion des valeurs républicaines, comme s’il s’agissait pour eux de se donner une forme de « respectabilité ». Mais cette volonté de transparence n’est sans doute pas feinte. Une anecdote permet de l’illustrer : dans un établissement, 99, 7% des élèves sont de confession musulmane. Qui sont, ou plutôt qui est le 0, 3% restant ? Il s’agit d’un enfant d’enseignant pour lequel a été demandée une dispense des cours de religion. Pas de problème, et le cours a été placé en fin de journée pour mieux accéder à sa demande ! On n’imagine pas cela dans une école catholique.

D’autres données concernent les établissements d’excellence, peu différents de leurs équivalents du public.

« Ad Maiorem Scholae Gloriam », c’est la recherche d’une forme de prestige culturel et social qui prévaut et marginalise considérablement la dimension pastorale.

Celle-ci n’est d’ailleurs pas non plus la priorité des établissements ordinaires, préoccupés surtout de satisfaire leur clientèle. Tendance lourde, quelle que soit la diversité des situations rencontrées.

Il faudrait faire une place à la situation atypique des écoles de la Réunion, où le catholicisme occupe une position dominante et normative, sur un territoire marqué par une très grande diversité ethnique et religieuse. Cela se fait au détriment des autres religions, et peut aller jusqu’à l’interdiction d’un lieu de prière musulman.

Mais à la Réunion, le catholicisme lui-même est singulier : querelles entre « vrais » et « faux-catholiques » (selon la date de conversion des groupes concernés) ; syncrétisme qui admet le tromba, culte de l’esprit des morts qui provoque l’entrée en transe de jeunes filles dans les couloirs des lycées sans que cela émeuve plus que ça. Le privé réunionnais n’impose aucune sélection et revendique ses particularismes, dans une perspective presque nationaliste.

Somme toute, les résultats présentés ne révèlent pas de vraie surprise sur les pratiques en cours dans l’enseignement privé, mais présentent des éléments qui ont le mérite d’être documentés et correspondent à une évolution caractéristique des dernières années.

Ces données feront l’objet d’une publication début 2023 aux Presses Universitaires de Lyon.    P. G.

 

 

 Denis brack (2ème partie)

 

Avant de diriger le journal « L’Excommunié » que nous avons tenté de décrire dans le n° précédent de l’An II, Denis Brack fut d’abord collaborateur puis directeur de publication du journal « Le Refusé » qui parut de novembre 1867 à la fin 1868.

Cet hebdomadaire se présentait comme une « tribune des francs-parleurs » et traitait de tous sujets tels que littérature, arts, sciences, philosophie. Brack écrivit d’abord quelques articles, polémiquant d’abord contre les promoteurs lyonnais de l’homéopathie à Lyon qu’il tenait pour des charlatans.

Le 26 juillet 1868, il succéda comme rédacteur en chef à Jules Lermina, que les membres de l’association Etienne Dolet connaissent bien comme auteur en 1004 du « Martyre d’Etienne Dolet », roman récemment réédité par notre ami Marcel Picquier et grâce au travail du regretté Jean-Claude Dolet.

Fin 1868, le journal devait interrompre sa publication, atteint par une condamnation en justice.

Pour quels motifs, précisément ? Nous l’ignorons.

Le Refusé, « Tribune des Francs-parleurs », était domicilié 32 rue de l’Arbre sec – « boîte dans l’allée ».

Les numéros sont disponibles en version numérique sur le site Numelyon de la Bibliothèque Municipale (de même que L’Excommunié et L’Antéchrist).

59 numéros parurent, du dimanche 10 novembre 1867 au 20 décembre 1869. Le directeur en était Jules Frantz, les rédacteurs en chef Jules Lermina, puis Denis Brack à partir du n° 38 du 26 juillet 1868. On le trouvait en vente dans toutes les librairies de Lyon, mais aussi à Paris et dans les principales villes de la région lyonnaise.

Le numéro n° 59, le dernier, était encadré de noir. On y lisait :

« Tomberons-nous ? Ne tomberons-nous pas ? L’activité énergique avec laquelle notre procès est poursuivi ne nous laisse qu’une bien faible espérance ; il est très probable que dès les premiers jours de la semaine prochaine nous serons condamnés, exécutés en appel.

Aussi le deuil est dans notre âme ; c’est pour l’exprimer que nous encadrons de noir ce numéro, le dernier peut-être. »

C’était bien le dernier. On lisait ensuite ce message adressé par Jules Frantz, en première page :

 

 

LECTEURS, SALUT !

S’il faut périr, périssons donc, mais comme nous avons vécu, le cœur haut, l’épée à la main, au champ d’honneur ; Regardons fièrement nos adversaires, et crions-leur : Nous ne redoutons point la mort.

Nous tomberons avec la ferme confiance que, plus d’une fois, le lecteur, songeant à nous, dira :

Ce REFUSE ! Il est mort bravement

Annonce était faite d’un nouveau journal « L’Avant-Garde » - journal des francs-tireurs.

Nous n’en avons pas retrouvé trace. Est-il seulement paru ?

C’est un peu plus d’une année après, en avril 1869, que Denis Brack fondait « L’Excommunié », pareillement condamné en octobre 1870 pour s’en être pris aux frères ignorantins et s’être moqué « des superstitions religieuses et des abus du clergé. »

Le journal n’eut que le temps de saluer l’avènement de la nouvelle République.

 

  Denis brack (2ème partie)

 

Avant de diriger le journal « L’Excommunié » que nous avons tenté de décrire dans le n° précédent de l’An II, Denis Brack fut d’abord collaborateur puis directeur de publication du journal « Le Refusé » qui parut de novembre 1867 à la fin 1868.

Cet hebdomadaire se présentait comme une « tribune des francs-parleurs » et traitait de tous sujets tels que littérature, arts, sciences, philosophie. Brack écrivit d’abord quelques articles, polémiquant d’abord contre les promoteurs lyonnais de l’homéopathie à Lyon qu’il tenait pour des charlatans.

Le 26 juillet 1868, il succéda comme rédacteur en chef à Jules Lermina, que les membres de l’association Etienne Dolet connaissent bien comme auteur en 1004 du « Martyre d’Etienne Dolet », roman récemment réédité par notre ami Marcel Picquier et grâce au travail du regretté Jean-Claude Dolet.

Fin 1868, le journal devait interrompre sa publication, atteint par une condamnation en justice.

Pour quels motifs, précisément ? Nous l’ignorons.

Le Refusé, « Tribune des Francs-parleurs », était domicilié 32 rue de l’Arbre sec – « boîte dans l’allée ».

Les numéros sont disponibles en version numérique sur le site Numelyon de la Bibliothèque Municipale (de même que L’Excommunié et L’Antéchrist).

59 numéros parurent, du dimanche 10 novembre 1867 au 20 décembre 1869. Le directeur en était Jules Frantz, les rédacteurs en chef Jules Lermina, puis Denis Brack à partir du n° 38 du 26 juillet 1868. On le trouvait en vente dans toutes les librairies de Lyon, mais aussi à Paris et dans les principales villes de la région lyonnaise.

Le numéro n° 59, le dernier, était encadré de noir. On y lisait :

« Tomberons-nous ? Ne tomberons-nous pas ? L’activité énergique avec laquelle notre procès est poursuivi ne nous laisse qu’une bien faible espérance ; il est très probable que dès les premiers jours de la semaine prochaine nous serons condamnés, exécutés en appel.

Aussi le deuil est dans notre âme ; c’est pour l’exprimer que nous encadrons de noir ce numéro, le dernier peut-être. »

C’était bien le dernier. On lisait ensuite ce message adressé par Jules Frantz, en première page :

 

LECTEURS, SALUT !

S’il faut périr, périssons donc, mais comme nous avons vécu, le cœur haut, l’épée à la main, au champ d’honneur ; Regardons fièrement nos adversaires, et crions-leur : Nous ne redoutons point la mort.

Nous tomberons avec la ferme confiance que, plus d’une fois, le lecteur, songeant à nous, dira :

Ce REFUSE ! Il est mort bravement

Annonce était faite d’un nouveau journal « L’Avant-Garde » - journal des francs-tireurs.

Nous n’en avons pas retrouvé trace. Est-il seulement paru ?

C’est un peu plus d’une année après, en avril 1869, que Denis Brack fondait « L’Excommunié », pareillement condamné en octobre 1870 pour s’en être pris aux frères ignorantins et s’être moqué « des superstitions religieuses et des abus du clergé. »

Le journal n’eut que le temps de saluer l’avènement de la nouvelle République.

 

 libres propos, libres pensées

 

Guerre froide 2.0 : épisode l'UE, l'OTAN, l'Ukraine et la Crimée

 

 

   La grave question du moment est : en massant ses troupes à sa frontière, la vilaine Russie s'apprête-t-elle à envahir l'Ukraine ? Exprimé plus bêtement : la Russie encerclée à ses portes par d'innombrables bases de l'OTAN s'apprête-t-elle à se défendre ? 

À tort ? Les médias bien briefés qui nous tombent journellement dans les yeux et les oreilles nous assènent en chœur que la Russie assoiffée de guerre et de conquêtes a arraché la Crimée à sa patrie, l'Ukraine, en l'annexant par la force des armes, violant ainsi brutalement le droit international. 

En bref, on nous rejoue la farce tragique qu'a été la Guerre froide sans tout nous dire sur la question.

  

Petite explication du contexte : en 2014, l'Ukraine était en négociation pour intégrer l'UE lorsqu'au dernier moment, le chef d'État ukrainien Viktor Ianoukovytch après avoir bien relu le projet de traité, a découvert que celui-ci obligeait l'Ukraine à couper toutes ses relation commerciales avec la Russie voisine qui était historiquement son premier et plus proche partenaire économique, avec des siècles d'histoire commune, une grande proximité linguistique (l'ukrainien étant très proche du russe qui est très majoritairement parlé par la population du Donbass à l'est de l'Ukraine et en Crimée), etc.

   Comme il envisageait l'Ukraine plutôt comme une passerelle commerciale profitable et pacifique reliant l'UE et la Russie il a interrompu les négociations, ce qui a immédiatement déclenché une très sanglante "révolte populaire spontanée" dite "Euro-Maïdan" à quelques mois d'élections où il aurait été à coup sûr battu (il passait pour très corrompu, mais c'est quasi la norme en Ukraine !)

   Ce coup d'état baptisé "Révolution" mettant en branle de dangereuses milices d'extrême-droite a été notoirement organisé, soutenu et financé par les USA (cinq milliards de $ : source Médiapart), très médiatisé, avait pour but d'accélérer l'adhésion de l'Ukraine à l'UE mais surtout à l'OTAN.

   En réalité, cela plaçait l'UE dans une position très difficile vis-à-vis de la Russie, un excellent client et un très gros fournisseur de pétrole et de gaz à prix raisonnables, mais les USA n'en avaient cure : "Fuck the UE ! " a déclaré Victoria Nuland secrétaire d'État US pour l'Europe et l'Eurasie) devant les réticences de l'UE, qui a ainsi démontré sa totale vacuité, sa vassalité et son impuissance.

 

Parlons de la Crimée : depuis 1791 et le traité de Jassy signé avec l'empire ottoman, la péninsule de Crimée relevait du gouvernement de la Tauride en Russie tsariste, puis évidemment de l'URSS dès 1921 en tant que République Socialiste Soviétique Autonome de CRIMÉE, majoritairement peuplée de russes et donc indépendante de la République Socialiste Soviétique d'UKRAINE, sa voisine.

   Après la guerre en 1945 la Crimée est intégrée dans la République Socialiste Soviétique de RUSSIE, en tant qu'oblast (région administrative de la Russie), comme elle le fut depuis Catherine II.

   En 1954, pour "raisons administratives" liées à la construction d'un canal (402 km) reliant l'Ukraine à la Crimée, Nikita Khrouchtchev, qui fut un très haut hiérarque politique ukrainien, a "offert" d'un trait de plume la Crimée à l'Ukraine mais cette union forcée a toujours été extrêmement turbulente et n'a jamais été acceptée par les Criméens qui ne voulaient pas dépendre de Kiev et réclamaient depuis en vain à cor et à cris leur séparation.

   Autant dire que la soi-disant "révolution" d'Euro-Maïdan les inquiétait au plus haut point et qu'ils ne souhaitaient pas du tout y être impliqués, y compris les diverses minorités non-russes qui y vivaient.

   Ils ont alors organisé un référendum le 16 mars 2014 pour demander leur retour à la Russie, qui a connu un taux de participation de 82% et a été approuvé à 96.6 % des votants. Il a été largement accusé à l'Ouest d'être entaché de fraudes mais l'institut de sondages américain Gallup a cependant estimé que, fraudes ou pas, le résultat était totalement conforme à l'opinion majoritaire.

Et toute la partie russophone de l'est de l'Ukraine, le Donbass, la plus industrieuse, la plus ouvrière et la plus productive est entrée en sécession armée pour être aussi intégrée à la Russie, comme la Crimée

Mais la Russie pour ne pas mettre de l'huile sur le feu préfère attendre… Elle rappelle que le Kosovo a fait sécession de la Serbie par un référendum semblable que le monde entier a estimé légitime et qu'elle l'avait accepté comme un "fait accompli".

   Le jeu de l'OTAN : après la chute du mur de Berlin, Gorbatchev a accepté la réunification de l'Allemagne contre la promesse que l'OTAN ne s'étendrait pas plus loin à l'est, "promesse" non scellée par un traité. On sait depuis ce qu'il en est.

   Ainsi, des bombardiers nucléaires volent à 20 km de la frontière russe et des navires US patrouillent en mer Noire, ce qui équivaut à des vaisseaux de guerres russes ou chinois dans le golfe du Mexique.

   L'Ukraine étant devenue un pays indépendant, elle continuait cependant à héberger les importantes bases navales historiques crées par les russes et qui étaient leur seul accès aux "mers chaudes" du sud (mer Noire, mer Méditerranée). Ces bases étaient donc louées à l'Ukraine par un traité-bail jusqu'en 2042. La dénonciation par l'Ukraine de ce traité en aurait donc chassé les russes et surtout permis à l'OTAN d'y installer sans coup férir ses missiles de moyenne portée à 1.273 km de Moscou !  

   C'eût été un tel et inimaginable acte d'hostilité, "qu'il est surprenant que les stratèges occidentaux l'aient estimé possible sans une réaction très vigoureuse de la part des russes" s'étonne le Prof. Stephen Cohen (1938-2020), professeur émérite d'histoire et de politiques russes à la New York University et à la Princeton University).

   La perte inattendue de la Crimée n'avait jamais été envisagée ni anticipée, ni par l'Ukraine, ni par l'OTAN et constituait donc un grave et stupéfiant revers stratégique qui n'a toujours pas été digéré.

   Depuis lors, l'Ukraine est engluée dans une dure guerre civile très peu médiatisée au Donbass (13.000 morts à ce jour !) et un tel chaos politico-financier que l'UE n'envisage plus du tout pour le moment son adhésion : elle a déjà assez de boulets.

   Depuis, les russes ont construit le pont de Crimée, inauguré le 15 mai 2018, un pont routier-ferroviaire de 18 km sur le détroit de Kertch entre mer Noire et mer d'Azov (un très ancien projet mais jusque-là jamais réalisé) qui relie directement le continent russe à la Crimée sans passer par l'Ukraine.

  De plus, ce pont interdit dorénavant physiquement toute navigation de gros navires allant aux ports ukrainiens situés en mer d'Azov mais pas du tout celle des ports russes de la même mer qui ne peuvent recevoir que de petits bateaux car tous situés en eaux très peu profondes (profondeur maxi de la mer d'Azov : 14 mètres !)  Le jeu d'échecs est bien un des beaux-arts en Russie !                 RJ



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