L’idée que le territoire de Gaza fait l’objet d’un génocide en ce moment-même alimente régulièrement des polémiques. Génocide ? « Risque » de génocide ? Pas de génocide du tout ? Les positionnements observés dans la sphère politico-médiatiques révèlent souvent une volonté de minimiser l’ampleur des horreurs commises par l’Etat israëlien de Netanyahou, qui ne devraient même pas avoir besoin d’une qualification particulière pour être fermement combattus.
Comme souvent, il est intéressant d’aller voir dans le passé comment certains événements ont donné lieu à des polémiques comparables.
Le 10 mai 2007, une proposition de loi était déposée par neuf députés dont Hervé de Charrette, descendant d’un fameux chef chouan, pour qualifier de « génocide » les massacres ayant eu lieu au moment de la guerre de Vendée. Depuis, après trois premiers projets de loi, deux élues d’extrême-droite, Emmanuelle Ménard (Hérault) et Marie-France Lorho (Vaucluse), ont récidivé le 7 février 2018 un déposant un texte visant à reconnaître « des crimes commis contre la population vendéenne. » Le texte affirmait « que les violences commises en Vendée entre 1793 et 1796, par des troupes aux ordres de la Convention et de son Comité de salut public, sont des faits qui seraient aujourd'hui qualifiés de crimes de guerre, crimes contre l'humanité et, s'agissant notamment de l'expédition dite des colonnes infernales, de génocide. » Pour ces deux élues, le but était plus intéressé qu’il n’y paraît. La loi visait, selon Ouest-France, à annuler « les lois en exécution desquelles ils ont été commis. » La contre-révolution en action.
Les massacres de Vendée ont été abominables, avec quelque 150 000 à 200 000 victimes du côté vendéen, alors que du côté républicain on a compté 70 000 soldats tués. Une guerre atroce, sans aucun doute, marquée par des crimes de guerre caractérisés. Mais une guerre. Pour que cela fût un génocide vendéen, il aurait fallu une volonté politique de supprimer un « peuple » vendéen, ce qui n’a aucun sens. Non seulement il n’existe aucune particularité ethnique propre à la Vendée, mais le terme « vendéen » a fin par désigner une position politique qu’on retrouve ailleurs qu’en Vendée. En Bretagne par exemple, mais partout en France. Ainsi le sud des Monts du Lyonnais dans le Rhône, région fortement cléricalisée, a été surnommé la « petite Vendée lyonnaise ». Et il y eut de nombreux républicains parmi les habitants de la Vendée. Pour l'historien de référence de la Révolution, Jean-Clément Martin, "il n’y a pas eu de génocide, car il n’y a pas eu de population ciblée, tout simplement."
Michel Vovelle ajoute un argument supplémentaire : « A aucun moment la philosophie ou l’idéologie révolutionnaire n’a pu envisager ni ériger un système de « génocide » si contradictoire avec les valeurs proclamées. » Or un génocide est toujours un acte volontaire et plus ou moins planifié dans un but idéologique ou politique précis.
Bien entendu, aucun projet de loi n’a abouti, et aucun historien ne se risque à parler de « génocide vendéen », contrairement aux représentants d’Eglise et à certains hommes politiques. Mais pas seulement dans les milieux intégristes d’extrême-droite : sur I-Télé, Luc Ferry affirmait en 2015 que “la guerre de Vendée, ça n’a pas été beau, c’est le premier grand génocide dans l’histoire de l’Europe…” Un peu surprenant de la part d’un ancien ministre de l’Education nationale ! Il rejoint les thèses affirmées au Puy du Fou, qui sont quand même plus attendues. Philippe de Villiers a préfacé en ce sens La Grande Histoire des guerres de Vendées, écrite par Patrick Buisson, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy à l'Élysée.
Quant aux déclarations de Philippe Barbarin, elles sont claires : « En France, on a bien du mal à reconnaître qu’en 1793, il y a eu un véritable génocide franco-français » (interview avec le Progrès du 16 avril 2006). Notons que l’expression « génocide franco-français » est à elle seule une absurdité qui anéantise toute argumentation.
Rien à voir avec le génocide des Tasmaniens (le seul qui ait abouti à 100 % !), ni avec celui des Arméniens, ni avec le Ruanda. A.O. Neville, placé au poste « protecteur en chef des Aborigènes » affirmait en 930 : « Éliminons les Aborigènes pur-sang et permettons la mixture des métis parmi les Blancs, et peu à peu la race deviendra blanche ». Voilà ce qu’est un génocide ! Quant aux événements du Ruanda, on devrait s’en souvenir dans la Région, puisque le Père Wenceslas Munyeshyaka, a été arrêté en application d’une implication par le TPI pour son rôle joué dans le génocide. Il avait été exfiltré dans une paroisse ardéchoise par les pères blancs des Missions africaines. Selon Golias, qui affirmait disposer d’un dossier très conséquent, les pères blancs « savaient très bien qui il s protégeaient et faisaient fuir vers la France. » Sur le sujet, l’Eglise était moins regardante.
Et pour en revenir à Gaza, on peut soutenir que le génocide a débuté en 1948, et procède par étapes. Gaza succède à Deir Yassin et à tant d’autres. Si vous n’êtes pas convaincus, lisez ou relisez « Le nettoyage ethnique de la Palestine » d’Ilan Pappé, où vous retrouverez les déclarations des dirigeants israëliens à l’époque de la Nakba. Ils ne laissent aucun doute sur leur volonté d’éliminer la population palestinienne. Ceux de 2024, qui parlent des Palestiniens comme « d’animaux humains » sont leurs dignes successeurs.
P.G