Par décision du IIème Congrès de l’A.I.L.P. de Mar del Plata en Argentine, le 20 septembre 2014 fut instituée la première journée internationale de la Libre Pensée. Il s’agissait d’honorer l’action de Giuseppe Garibaldi, surnommé « le héros des deux-mondes », associé au nom de Simon Bolivar.
Garibaldi a combattu en Amérique latine, en Amérique du Nord et en Europe, dans la plupart des pays où il rendra populaire et symbolique la chemise rouge de ses combattants. « Rouge, car si le sang coulait dessus, cela se verrait moins. Rouge, car c’est la couleur de toujours des révoltés et des révolutionnaires. »
Il combattra avec intensité en Italie pour l’unification du pays et pour la République laïque, car il était fondamentalement et férocement anticlérical. Et le 20 septembre 1870, Rome est rattachée à l’Italie. Les troupes italiennes rentrent dans la cité papale. C’est la fin des Etats pontificaux. Les prêtres vont être ramenés, selon la formule célèbre de Karl Marx, à la solitude de la prière. Le vieux rêve garibaldien s’accomplissait.
En unifiant l’Italie, en supprimant le pouvoir temporel du pape, les Italiens refaisaient ce qu’avaient fait les révolutionnaires français en 1790 quand ils avaient nationalisé les biens du clergé et les biens de mainmorte.
On retrouve Garibaldi combattant en France durant la guerre franco-prussienne en 1870. Il sera même élu à l’Assemblée nationale derrière Louis Blanc, Léon Gambetta, Victor Hugo. Quand son élection sera refusée, Victor Hugo démissionnera de l’Assemblée nationale. La Commune de Paris fera appel à lui, mais il refusera de rentrer dans une affaire française, lui qui avait tant combattu pour l’unité de l’Italie.
Garibaldi et la Commune lyonnaise
Tiens ! Quel rapport entre Lyon et le vieux révolutionnaire ? C’est dès le 9 septembre 70 que le Comité de Salut Public fait appel à lui, en même temps qu’au général Cluseret. On lui offre le commandement d’un corps-franc de volontaires. Il s’agit de « défendre la France, pays des libertés, contre la liberticide Prusse », comme le proclame une réunion le 17 septembre à la Rotonde. Cet appel sera confirmé par le Conseil municipal, pour protéger la ville de la menace prussienne, et Garibaldi fait citoyen lyonnais sur proposition du docteur Crestin, maire « de fait » et membre du comité révolutionnaire de la Guillotière. Garibaldi est nommé commandant de l’armée des Vosges et fait appel à Louis Andrieux pour les questions d’approvisionnement. Crestin propose même Garibaldi comme adjoint au gouvernement de la Défense nationale, idée qui ne sera pas reprise par le gouvernement de Gambetta, ce dernier peu enthousiaste.
Pourquoi cette fin de non-recevoir ? On se méfie manifestement du symbole révolutionnaire que représente Garibaldi. Le nouveau préfet, Challemel-Lacour, écrit au ministère de la guerre que « sa venue à Lyon serait le signal de l’anarchie. » Plus explicite, il aurait déclaré au colonel Bordone, en charge du dépôt de Lyon : « Je n’ai pas de fusils à donner à ces gens-là ; des bâtons sont bien bons pour des garibaldiens. » Le Dictionnaire historique de la ville de Lyon note que la nomination de Garibaldi est loin de faire l’unanimité, car « Lyon la modérée et la catholique se méfie de ce général rouge et, qui plus est, adversaire du pape. » En revanche, le nom de Garibaldi fait l’unanimité chez tous ceux qu’on nomme les « républicains de la veille », c’est-à- dire d’avant la République – même chez ceux qui, tel Andrieux, se rangeront plus tard aux côtés des Versaillais. Andrieux témoigne d’ailleurs de « l’extraordinaire popularité » dont Garibaldi jouissait à Lyon.
Séance du 18 octobre 1870
Garibaldi nommé citoyen lyonnais
(Extrait du procès-verbal)
Le citoyen Crestin, au nom de quinze membres du Conseil fait la proposition suivante :
« Le Conseil municipal, élu les 15 et 27 septembre 1870, considérant que toute la vie de Garibaldi n’a été qu’une longue et infatigable lutte contre les ennemis de la liberté ;
Considérant que le drapeau de la liberté est surtout celui de la France de 1789, de 1792 ; de 1848 et de 1870 ;
Considérant que l’ennemi le plus odieux de la liberté et de la France, le scélérat du Deux-Décembre, a été l’objet de la haine la plus persistance, la plus active et la plus courageuse de Garibaldi ;
Considérant que les fauteurs de la réaction de 1849 et de 1851 se sont montrés, à Lyon, ces derniers temps, les détracteurs les plus cyniques de l’hôte généreux de la France en danger, parce qu’il est l’ami de la République, que Lyon, le premier en France, a proclamé le 4 septembre ;
Considérant que l’Amérique s’est fait un point d’honneur de décerner à ce glorieux soldat de la liberté, à ce redoutable ennemi de tous les tyrans, le titre de citoyen de la République américaine ;
Décerne au général Garibaldi, citoyen italien et citoyen américain, le titre de citoyen lyonnais, et se déclare fier de l’attacher ainsi à la République française par cette nouvelle initiative de Lyon ;
Arrête, en outre, que cette décision sera publiée tout de suite et proclamée solennellement aux Lyonnais. »
Adopté, à l’unanimité par le Conseil.
Comment cette histoire s’est-elle terminée ? Sur le plan militaire, l’action de Garibaldi n’a pas eu d’impact. La petite troupe des garibaldiens, malgré quelques succès dans l’actuelle région Bourgogne-Franche-Comté, n’a pas inversé le cours de la guerre. Le commandement de Garibaldi a été critiqué, mais il y a certainement des incompatibilités de conception entre lui et les chefs de l’armée régulière. L’armistice est signé le 28 janvier 1871. Le volontaire italien Ettore Socci exprime une certaine amertume en déclarant avoir cru que la France au secours de laquelle il courait était celle de 1792 et de Valmy. À la fin de son ouvrage, il déplore les résultats des élections du 8 février 1871 qui sanctionnèrent la victoire d’une majorité conservatrice.
Garibaldi échoue dans le Rhône mais il est élu dans quatre autres départements.
Pour autant c’est par des vivats en faveur de la République universelle qu’est accueilli Garibaldi, de passage à Lyon le 13 février 1871. L’actuelle rue Garibaldi reçoit son nom trois jours plus tard, et la ville lui exprime son éternelle gratitude pour l’avoir protégée de l’invasion prussienne.
L’un de ses deux fils, Ricciotti Garibaldi, sera proposé comme général en chef de la Commune à venir le 22 mars 1871, lorsque l’insurrection répond – en vain- au soulèvement parisien qui vient d’avoir lieu. Son autre fils, Menotti est élu le 16 avril 1871 par le 19e arrondissement membre de la Commune de Paris pour laquelle il n'avait pas caché ses sympathies. (Absent de Paris, il ne siègera pas à la Commune). Belle postérité !