ÉDITORIAL

 

On trouvera dans ce nouveau numéro de l’An II un compte rendu du rassemblement pour la mémoire de la Commune de Lyon à l’occasion du 151ème anniversaire du massacre de la Guillotière, le 30 avril dernier. Ce « retour en arrière » s’explique par le fait que le n° spécial 189 était entièrement consacré à un autre sujet. Nous avons donc reporté certains articles. De même, la déclaration des fédérations Auvergne-Rhône-Alpes de la Libre Pensée relative aux déclinaisons locales de « l’engagement républicain » n’avait pu être publiée. Il s’agit pourtant d’un texte de grande importance.

Nous ne reviendrons pas, dans ce numéro, sur les crimes de l’Eglise, en dehors du témoignage de Nanou Couturier, présidente de l’association des « Abusés de l’Eglise – Tous ensemble ! », particulièrement éloquent. Pause très provisoire. La préparation d’une réunion publique le 10 novembre avec les représentants de victimes et en présence de Keith Porteous Wood, porte-parole de l’AILP. Elle permettra de poser de façon plus précise le problème de la responsabilité de l’Etat français, qui a totalement ignoré les recommandations de l’ONU, auprès de laquelle Keith Porteous Wood est expert sur les questions de réparation.

De 1901 à 1005

Une tutelle est imposée désormais aux associations, chargées d’effectuer le travail de surveillance policière qui incombait à l’Etat, et à lui seul, jusqu’à l’adoption de la loi dite de « sécurité globale ». Le principe de liberté totale d’association est donc battu en brèche, pour la 1ère fois depuis 1901. La loi de 1901, libérale au meilleur sens du terme, permettait la libre association entre citoyens qui n’avaient de comptes à rendre qu’à eux-mêmes. Bien entendu, chacun d’eux était responsable devant la loi, mais à titre individuel. En introduisant, par des entorses encore discrètes – mais bien visibles, le principe de responsabilité collective, l’Etat introduit dans le droit français un paradigme nouveau. Il n’est pas sûr qu’on en mesure tous les effets à moyen et long terme.

Ces questions seront au cœur de la conférence que nous organisons avec Christian Eyschen le 14 octobre prochain. Qu’on n’aille pas croire que nous nous éloignons de nos préoccupations laïques : historiquement, la loi de 1901 était nécessaire pour constituer les associations cultuelles et donc permettre une séparation juridique entre sphère publique et sphère privée. Les lois de 1901 et de 1905 sont sœurs – pas des sœurs jumelles, mais comme l’aînée et la cadette. Elles sont toutes deux des fondements de la démocratie républicaine. En ciblant implicitement le culte musulman, la loi « séparatisme » menace la liberté de conscience, et indirectement… tous les cultes !         P.G.

Et pour finir une devinette… D’où vient le texte ci-dessous ? (réponse en page 11)

(…) La loi « confortant les principes de la République » a pour effet de déformer l’interprétation de dispositions constitutionnelles — et de rendre vulnérables des droits fondamentaux solennellement affirmés —, ainsi que de la loi de 1905, qui se trouve vidée de sa substance en contrevenant au principe de la neutralité de l’État en matière religieuse. La dénaturation de la police des cultes, l’atteinte à la liberté d’association, la multiplication des contrôles administratifs et financiers indiquent que la République se méfie désormais de toutes les religions, soupçonnées d’être ses ennemis, avec le risque de considérer les croyants comme des citoyens à part, et d’en rejeter certains dans des sphères intégristes. On s’est éloigné de la laïcité telle que la concevaient Jaurès et Briand pour entrer plutôt dans un laïcisme militant qui exprime une profonde méconnaissance du fait religieux, comme des différentes religions elles-mêmes. Le régime de laïcité fondé sur la double liberté de l’État et des religions cède le pas à un régime de contrôle étatique et de réduction des libertés.

 

 GÉO hugonnet

Une cérémonie à la mémoire de Géo Hugonnet a eu lieu vendredi 24 juin au crématorium de Fleyriat (Bourg-en-Bresse).

Géo, récemment hospitalisé à Mâcon, nous avait quittés quelques jours avant.

C’est à Châtillon-sur-Chalaronne que Géo a vécu sa retraite. Dans le Rhône où il a fut postier, nous ne l’oublions pas : militant laïque et libre-penseur depuis l’âge de 30 ans, il a été secrétaire de la fédération du Rhône de la Libre Pensée.

C’est lui qui a signé le premier dépôt de déclaration de l’An II !

Nous garderons le souvenir du camarade, et celui du « bon vivant » qu’il est toujours resté.

 

                                               

« Un sacré bonhomme que notre ami Géo, a souligné Roland Mirguet, président de la fédération de l’Ain. (…) Ses rapports avec ses semblables étaient simples et bienveillants, c’était un libre penseur dans l’âme aimant la confrontation des idées mais ne supportant pas les dogmes et les anathèmes. » Dans sa jeunesse, l’un  de ses frères s’étonnait de le voir lire régulièrement « L’Action française ». Mais pour Géo, il était essentiel de lire ce qu’écrivaient ses adversaires et de discuter leurs arguments.

Il resta fidèle aussi dans son engagement syndical, à la CGT ou à la CGT-FO, mais aussi du côté politique rejoignant d’abord la SFIO puis le PS avant de prendre ses distances et de rompre au moment du tournant de la rigueur en1983. Se sentant trahi mais non résigné, il a rejoint peu de temps après la IVe Internationale à l’invitation de Paul Duthel dont il appréciait la grande culture.

Devenu secrétaire de la LP du Rhône au moment du centenaire de la Commune de Paris, en 1971, il a particulièrement œuvré pour rendre possible les parrainages civils.

Devenu président de la Libre Pensée de l’Ain, aux côtés d’Hélène Jacquard, il aura mené avec opiniâtreté un combat exemplaire (et victorieux) pour l’ouverture d’une école publique à Ars-sur-Formans, la commune du saint curé et de ceux qui avaient insulté la dépouille de l’instituteur libre-penseur Roger Calandras en déclarant qu’on avait enterré dans le cimetière « un mètre-cube de fumier. » Il a combattu pour honorer la mémoire du soldat Jacquinod mort à 19 ans le 14 juillet 1917 « victime du militarisme, du cléricalisme et du capitalisme » comme il est inscrit sur sa tombe à Ambérieu. Il a aussi co-fondé l’association qui célèbre chaque année la naissance de la 1ère république le 21 septembre 1792, devant le remarquable monolithe de Villebois, érigé à l’occasion du centenaire de la Révolution française en 1889.

In memoriam, Géo Hugonnet

Mesdames, messieurs, Chers amis et camarades,

C’est avec une grande tristesse que la Fédération nationale de la Libre Pensée a appris la disparition de notre grand ami Géo. Ce fut un militant exemplaire, un pilier de la Libre Pensée qui, en des temps pas faciles, a su maintenir haut et ferme le drapeau de la Libre Pensée.

Il est de cette génération qui ne s’est pas vendue, pas reniée et qui a passé le flambeau à ceux qui sont en charge aujourd’hui de notre combat laïque.

Victor Hugo disait dans Les Châtiments : « Ceux qui vivent sont ceux qui luttent ». Géo a vécu, parce qu’il a lutté.

Respect lui est dû, respect lui est rendu.

Nous lui devons beaucoup et nous saurons nous en souvenir.

Avec la peine au cœur et la volonté de continuer son combat qui n’a pas été vain, mais porteur d’espérance, que nous saluons l’ami, le camarade, le militant, l’homme attachant qu’il était.

Salut et Fraternité, Géo !          

Christian Eyschen, Secrétaire général de la Libre Pensée

 

 déclaration des lp aura

Déclaration des fédérations de la Libre Pensée des départements de la région AURA : Ain, Allier, Cantal, Drôme-Ardèche, Isère, Loire, Haute-Loire, Puy-de-Dôme, Rhône, Savoie, Haute-Savoie.

 

Laurent Wauquiez, Président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes (AURA) a depuis quelque temps endossé un costume de chevalier blanc traquant tous azimuts le « communautarisme », « l’islamisme », le « patriarcat ».

Regardons de plus près.

 

Déjà en 2017, les fédérations de la Libre Pensée de la Région AURA publiaient un communiqué intitulé : « Laurent Wauquiez grand argentier admiratif et inconditionnel de l’enseignement privé! Du jamais vu ! »

La Région avait décidé « d’augmenter le soutien à l’investissement dans les lycées privés pour atteindre 13 millions d’euros par an, soit une augmentation de plus de 60 % ». D’autre part « les forfaits d’externat seront maintenus au même niveau qu’en 2017 ». À noter que les chiffres officiels indiquent que l’enseignement privé représente seulement « 27,5 % de l’effectif des lycéens », pour « 44 % des lycées ».

Pire encore, la Région accorde « une enveloppe de 50 millions d’euros » supplémentaires aux lycées privés pour « la création ou l’extension de lycées privés dans des zones à forte tension démographique ».

Ces crédits seront puisés dans l’enveloppe d’un « plan d’investissement » sur 3 ans des lycées publics.

C’est la première fois que des crédits d’investissements sont accordés aux lycées privés dans le cadre d’un plan concernant les lycées publics !

La somme globale attribuée aux lycées privés en 2017 par le Conseil Régional AURA pour leur fonctionnement et leurs investissements était de 54 813 026 €. Près de 55 millions d’euros !

Toujours en 2017, à la demande de la Libre Pensée, le Tribunal administratif de Lyon avait annulé la décision de l’installation d’une crèche de Noël dans les locaux du siège de la Région, en décembre 2016.

Laurent Wauquiez a fait appel de cette décision et tentera de démontrer que celle-ci n’était pas de nature religieuse, mais présentait un caractère « culturel, artistique ou festif » !

La Cour d’Appel Administrative de Lyon rejette ce recours en juin 2019 notamment au motif que :

« Si l’installation ne se limite pas à la scène de la nativité et comporte un décor plus large, intégrant un village médiéval ainsi qu’une partie boisée, il ne fait pas de doute qu’elle a pour objet de figurer une crèche et la vocation artistique et pédagogique apparaît secondaire par rapport à la symbolique religieuse ».

En 2020, la Région, décide de verser 2 millions d’euros pour la construction de la nouvelle « Université » privée catholique à Annecy. La Libre Pensée et de très nombreuses associations, des syndicats 1(*) se sont insurgés contre cette décision.

L’Université Savoie Mont-Blanc précisait à l’époque « Il y a un sous-investissement public sur le territoire. (…). On figure parmi les universités les moins loties sur un territoire dynamique. L’USMB n’est pas en mesure de répondre aux besoins et on le regrette. »

En 2021, le Président de la Région AURA bloque les subventions à l’Institut d’Études Politiques de Grenoble (environ 100.000€ par an) au motif de la suspension d’un professeur par la direction de l’IEP suite à ce qu’une enquête de l’Inspection Générale qualifiait de « controverse entre deux enseignants sur un sujet d’actualité sensible ». Le professeur suspendu étant accusé « d’islamophobie » et lui-même qualifiant l’IEP d’institut de « rééducation politique ». La décision de Laurent Wauquiez est prise alors qu’une enquête est en cours et qu’aucune décision de justice n’a été prononcée.

C’est donc ce Président de région, chantre des « racines chrétiennes de l’Europe» qui déclarait en 2011 « Que l’Europe ait des racines chrétiennes, que le mouvement de christianisation ait joué un rôle majeur dans la construction européenne, qui peut contester ça ? » qui fait feu de tout bois !

La presse rapporte que le 2 mai 2022, face à la volonté de la municipalité de Grenoble de modifier le règlement intérieur des piscines, Laurent Wauquiez annonce dans un tweet (comme les grands de ce monde parait-il !) : « M. Piolle projette d’autoriser le burkini dans les piscines municipales. Je mets le maire en garde : dans ce cas, la Région coupera toute subvention à la Ville de Grenoble. Pas un centime des Auvergnats-Rhônalpins ne financera votre soumission à l’islamisme ». La Région précisant : « Notre choix est politique, et non politicien. C’est un choix politique que nous assumons. Nous n’avons pas été élus à la tête de la Région pour distribuer des subventions à des communes qui se plient au communautarisme. »

Dans une lettre au Président de la République, Eric Piolle, maire de Grenoble argumentait : « Le devoir de neutralité ne s’impose pas aux usagères et usagers de nos services publics : le principe de laïcité leur garantit la liberté de conscience et donc la possibilité de manifester leurs convictions religieuses […] À Grenoble, nous veillerons à ce qu’aucun règlement intérieur d’aucun équipement public ne constitue une injonction ou une discrimination. Nous y serons particulièrement attentifs pour les femmes et les minorisé-es de genre que l’on contraint spécifiquement. ».

Et répondant à Laurent Wauquiez dans le Dauphiné Libéré : « En France, la laïcité n’est pas le cheval de Troie ni du racisme ni du sexisme. Si Laurent Wauquiez veut faire la chasse aux femmes voilées, qu’il assume : au lieu d’être obnubilé par les piscines de Grenoble, qu’il nous explique s’il va interdire aux femmes voilées l’accès des TER de la région Auvergne-Rhône-Alpes. »

Lorsque l’affaire du burkini dans les piscines de Grenoble a éclaté en juin 2019, les fédérations iséroises de la Libre Pensée, de la Ligue de l’Enseignement et de la Ligue des Droits de l’Homme déclaraient notamment dans un communiqué : « A celles et ceux qui invoquent la laïcité, principe républicain auquel nos mouvements sont profondément attachés, nous rappelons donc que la question des tenues de bain n‘en relève pas. La Loi de 1905 n’instaure pas de police du vêtement. La laïcité impose la neutralité au service public et à ses agents, pas à ses usagers. C’est l’État qui est laïque, pas les citoyens ».

Enfin, nous apprenons sur le site de la Région que le 17 mars 2022 que l’assemblée régionale a adopté trois textes.

Une « Charte pour la défense des valeurs de la France et de la laïcité » car selon la Région « chacun constate une montée croissante des discours et de pratiques communautaristes bafouant les fondements mêmes de l’identité et des valeurs de la France ».

Un « contrat d’engagement républicain » qui « répond au souhait de suspendre les aides de la Région à des structures qui ne respectent pas les valeurs républicaines ».

Une « charte de déontologie interne à la Région » qui « devra être signée par l’ensemble des membres des instances contribuant à la préparation ou à la prise de décisions régionales. Cela concerne notamment les conseillers régionaux, des élus d’autres collectivités, des agents de la Région mais aussi des personnalités qualifiées, appelées à siéger pour leur expertise. »

Le texte publié sur le site précise les domaines dans lesquels la Région pourrait être amenée à suspendre ou ne pas attribuer les aides régionales (citation complète) :

« Jeunesse :

Les bénéficiaires du Pass’Région [les collégiens et lycéens-ndlr] sont déjà tenus d’accepter les termes d’une charte des droits et devoirs, qui les invite à agir avec responsabilité au sein de leurs établissements. Aujourd’hui, la Région souhaite aller plus loin en renforçant la notion d’engagement réciproque entre la collectivité et les jeunes dont il est attendu un comportement à la fois civique et responsable, respectueux des personnes et des biens.

Éducation et enseignement :

La même démarche de responsabilisation pourra concerner les lycéens, apprentis et étudiants bénéficiaires des dispositifs de bourse au mérite, de bourse au mérite+ et de bourse Région mobilité internationale pour leurs projets de stage ou de séjours d’études à l’étranger.

Transports régionaux :

Une harmonisation des règlements existants des transports interurbains et scolaires soumettra les bénéficiaires de la solidarité régionale aux mêmes règles et permettra à la Région, le cas échéant, d’appliquer des restrictions d’accès dans les transports en raison de comportements inciviques.

Formation et emploi :

Le même effort de responsabilisation des bénéficiaires sera également recherché. Ainsi, l’aide au permis de conduire pour tous les jeunes de 18 ans, la prime pour les bénéficiaires du RSA qui s’insèrent dans l’emploi ou encore le fonds d’aide d’urgence qui permet d’anticiper les ruptures de parcours en formation sanitaire ou sociale, pourront faire l’objet des mêmes mesures de suspension. »

Ces « précisions » font froid dans le dos !

La jeunesse est donc particulièrement ciblée, menacée arbitrairement de perdre ses droits pour des « comportements inciviques » qui restent à définir. « Jeunes, prenez garde à vous, sinon je coupe les aides !!! » Vous avez dit : « Liberté, Égalité, Fraternité » ? Assez de cet arbitraire régional ! Rétablissement des libertés démocratiques et de la laïcité dans la Région AURA !

Trop c’est trop !

Pas moins de deux « chartes » et un « contrat » votés par la Région pour décider des « valeurs de la France et de la laïcité » dont le contenu relève du fait du prince-président et de ses séides !

La charte dite « de déontologie interne à la Région » imposée à tout-va relève quant à elle de l’arbitraire le plus absolu !

Ces « chartes » qui fleurissent, au doux parfum d’Ancien régime, ont pour unique fonction de se substituer aux lois, en l’occurrence celles de 1901 et de 1905, qui définissent la liberté d’association pour l’une, la liberté de conscience et la laïcité pour l’autre.

Apôtre de ce qui ressemble fort à une « guerre de religion », et plus largement à une guerre contre toutes celles et ceux, salariés, élus, associations, institutions qui auraient l’outrecuidance de ne pas se plier à ses oukases, M. Wauquiez, se rêve investi de « pouvoirs spéciaux » et serait donc habilité à proclamer « les valeurs de la France », alors qu’il n’hésite pas à en piétiner les lois.

Les Fédérations départementales de la Libre Pensée de la Région Auvergne-Rhône-Alpes s’élèvent contre ce qui constitue un abus de pouvoir manifeste.

Elles s’opposeront par tous les moyens légaux à ces textes discriminatoires et liberticides, rendues possibles par des dispositions nationales anti laïques – et notamment la loi liberticide « Séparatisme » – qu’elles condamnent toutes vigoureusement et dont elles ne cesseront d’exiger l’abrogation.

 

Lyon le 17 mai 2022

1 En Haute-Savoie : LP, LDH, FOL, FCPE, DDEN, FO, CGT UL Annecy, FSU, UNSA, SGEN-CFDT, Solidaires. En Isère : LP, LDH, Ligue de l’Enseignement, FCPE, FNEC FP-FO, SUD Éducation, UNSA Éducation, Attac, Cercle Laïque de l’Agglomération Grenobloise, Éducation République Égalité. Et les fédérations départementales de la Libre Pensée de l’Allier, de la Drôme-Ardèche, de la Haute-Loire, de la Loire, du Puy-de-Dôme, du Rhône, de Savoie.

 

theatre et féminisme

« Une de vos Filles » évoque le combat des pionnières du féminisme, où l’on croise de grandes figures de la Libre Pensée.

On est bien loin des caricatures à la Jacqueline Lalouette, pour qui les libres-penseurs sont invariablement de vieilles badernes mysogines.

Samedi 8 octobre à 17h, aura lieu une causerie (entrée libre) avec la LIBRE PENSEE sur le sujet, en présence de Dominique SEGALEN.

 

Une pièce féministe avec de la comédie à chaque "coin de réplique" et des « coups de théâtre » à la fin !

 Leah prépare le bac de français et se repose dans le square de la féministe Maria Vérone à Paris après une IVG. Soudain apparait Maria !

« Je suis Maria Vérone et ceci est mon square ! » « Et moi Stéphanie de Monaco, allez salut ! » répond Leah qui accepte toutefois de la suivre dans un voyage spatio-temporel.

Elles vont découvrir la vie trépidante de Marie Bonnevial, militante féministe et humaniste, institutrice laïque chassée de Lyon en 1873 et qui se réfugie à Istanbul où elle rencontre la princesse Nazli. Puis retour en France pour des combats partagés avec Maria Deraismes, Madeleine Pelletier, Jean Jaurès et bien d’autres. Vous serez surpris de son parcours qui marque encore l’histoire de Lyon !

Ecriture (éditions THEOLIB) et mise en scène : Gilles Champion (92ème production de la troupe-www.theatrepartscoeur.com)

Distribution (par ordre alphabétique) :

Karine Bérard - Josiane Champion-Magne - Marie-Noelle David - Vivien Delatte Laurie Grangé - Stéphane de Santis - Ode Desfonds - Hélène Duhesme - Danièle Gelly - Didier Mélin - Samuel Payant 

Espace TONKIN - Av. Salvador Allende – Villeurbanne (tram T1)

Du mardi 4 au samedi 8 octobre 2022 à 20 h 00

Dimanche 9 octobre 2022 à 16 h 00

Plein tarif : 12 € - Tarif réduit : 9 € (- 16 ans, FNCTA, demandeur d’emploi, étudiant)

Réservation et paiement : https://www.payasso.fr/theatrepartscoeur/unedevosfilles

ou par chèque ordre TPC – chez G. Champion - 113 rue Baraban - 69003 Lyon

Contact : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. ou 06.32.17.10.20

Qui est Dominique SEGALEN ?

Ses travaux depuis une quinzaine d'années ont pour objet une reconstitution historique de la genèse et de la fondation de l’Ordre Maçonnique Mixte International Le Droit Humain. Il met à jour les revendications de Maria Deraismes, chef de file du féminisme réformateur du XIXe siècle et les luttes sociales menées aux côtés de Georges Martin et des toutes premières Sœurs du Droit Humain, avec l'appui des législateurs républicains.

Ouvrages parus :

 « Marie Béquet de Vienne, une vie pour l’enfance », Conform Edition, 2013. (Monographie)

« Maria Pognon, une frondeuse à la tribune », Ed. Detrad, 2015. (Monographie)

« Genèse et fondation de l’OMMI Le Droit Humain, 1866-1916 », Ed. Detrad, 2016. (Ouvrage illustré, Prix de l’Institut Maçonnique de France 2016, catégorie Histoire)

« Marie Bonnevial, communarde et syndicaliste », Ed. Detrad, 2018. (Monographie)

« Mixité et Franc-maçonnerie », avec Philippe Liénard. Ed. Champs Elysées Deauville, 2020.

« Soyez parfaites, mes Sœurs » avec Annick Drogou. Ed. Numérilivre, 2020.

 Designer graphique en free-lance, plasticienne et auteure de 5 romans (Editions Luce Wilquin). 

 

 la parole a nanou couturier

Bonjour Nanou, tu es présidente de l’association des « Abusés sexuels de l’Église – Tous ensemble ! ». Tout d’abord, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?

Je suis retraitée, j’ai 66 ans. Nanou est mon nom usuel, celui qu’on m’a toujours donné.

Mon nom d’état-civil est Claudette. Je suis l’une des victimes recensées par le rapport de la CIASE de même que ma sœur, j’ai vécu une enfance très difficile, marquée par la violence et les mauvais traitements.

Une grand-mère paternelle alcoolique, un père en prison. Foyer d’accueil, fugue, on peut dire que ma sœur et moi nous avons tout connu et par-dessus tout, nous avons été victimes de trois prêtres maristes qui pour ma part m’ont violée de 3 à 13 ans. Ma sœur a été placée en foyer vers ses 10/11 ans, par la grand-mère

Les faits ont-ils été reconnus ?

Sur les faits, il n’y avait aucun doute. Les noms des trois prêtres maristes sont connus. J’ai retrouvé l’un d’entre eux vivant. C’était le 20 juin 2016, à la maison de retraite de Sainte-Foy-lès-Lyon, je l’ai rencontré sous le prétexte d’un documentaire fait par le voisinage de l'époque, nous y sommes allées avec France 3 en caméra cachée. Évidemment, je ne m'attendais pas des aveux ou des excuses et je savais que les faits étaient prescrits mais j'ai tout de même porté plainte, ma sœur aussi a porté plainte à Carros-le-Neuf (Nice).

Qu’est-ce qui a constitué le tournant ? Pourquoi avoir attendu si longtemps ?

Pendant très longtemps, il était impossible de me faire entendre, comment faire ?  Et puis j'ai toujours eu besoin d'avancer dans ma vie en occultant ce qui m'était arrivé. Mais en le gardant précieusement dans un sac accroché dans mon dos, avec l'envie de faire quelque chose, sans savoir comment mais avec la certitude que j'y arriverai. J'étais loin de m'imaginer le tournant que ma vie allait prendre grâce à la "Parole libérée".

La Parole libérée a vu le jour en 2016, j'ai eu le déclic en les voyant à la TV.

La question s'est de suite posée à moi : "Et pourquoi pas moi ?, je ne suis pas scout mais j'ai quand même été violée par les curés." À l’époque seuls France 3 et la Parole libérée prenaient les choses au sérieux.

J'ai décidé à ce moment-là de m'occuper de ce qui nous est arrivé.

Ça a été le début de ma grande aventure, enfin crue et reconnue ! Le cadeau de mes 60 ans.

J'ai entraîné ma sœur dedans, elle n'en croyait pas ses oreilles, elle qui est renfermée et très marquée mentalement et physiquement, enfin nous sommes crues !! 50 ans après !!!!

Cinq années ont passé, on a juste commencé à écrire mon livre. En 2017, ma sœur et moi avons fait un documentaire avec France 3 :  "Le silence brisé"

Que s’est-il passé à ce moment-là ?

Grande surprise !! Il y a eu mon audition par la CIASE en octobre 2021, en visio-conférence et enregistrée.

Je leur ai rendu la retranscription de mon audition corrigée qui relatait mon histoire.

Il y avait 22 pages, la CIASE certifiait ainsi que toutes les personnes entendues dans ce cadre étaient reconnues comme victimes. Enfin ! Je ne m'attendais absolument pas au chiffre effarant du nombre de victimes.

Si je me sentais seule avant, ça n'a plus été le cas à partir du 5 octobre 2021, 330 000 victimes !!

Il s'en est suivi la question d’un dédommagement, deux instances ont pris naissance pour cette deuxième partie, L'INDEMNISATION ? Comment cela allait-il se passer ?

J’ai donc été la première à être auditionnée par la CRR [Note : Commission de Reconnaissance et de Réparation] sur LYON, France 3 est venue filmer mon arrivée. Cette audition n'a pas été un grand succès pour moi, il m'a fallu raconter encore une fois toute mon histoire, ce qui était pénible. Au final, deux solutions m'ont été proposées : soit un montant unique pour toutes les victimes, soit un dédommagement au cas par cas.

On me demande : « Combien voulez-vous ? », mais il m'est impossible de répondre à cette question.

Quel est le prix d’une vie chamboulée ? C'est là que je me rends compte de l'impact de ces viols sur ma vie, c'est épouvantable cette analyse sur moi-même, en fait je me rends compte qu'il y a deux Nanou, l'enfant torturée qui reste dans ma carapace et la Nanou qui s'est battue chaque jour de sa vie pour s'en sortir et faire bonne figure, comment veulent-ils que je chiffre ça ? A l'instant T je pense que c'est un piège.

Ensuite comme j’avais dû me séparer d’une petite chienne pour des raisons financières, on m’a proposé des soins vétérinaires gratuits pour mon autre chien ! Puis on m’a parlé d’une petite rente mensuelle.

Je n’ai pas accepté, je ne suis pas une maison de crédit. Quand on m’a violée, on ne m’a pas laissé le choix.

Je n'oublierai jamais la question que monsieur H m'a posée : "Comment pouvez-vous vous rappeler avec une telle précision des faits qui ont plus de 50 ans ?"

Et moi de répondre : "Comment peut-on oublier les gestes, les mots, les odeurs, les endroits, les noms ?"

Voilà tout le professionnalisme de ce monsieur H, conseiller senior en matière de justice de transition auprès du Centre pour le Dialogue Humanitaire, l’une des principales organisations actives dans la médiation des conflits armés.

Une amie m’a alors mise en contact avec un avocat, Maître Jean Sannier. Celui-ci a déposé une assignation au Tribunal afin d'obtenir la possibilité pour moi de passer une expertise médico légale afin d'avoir une évaluation financière au plus juste, ce qui pourrait servir aux deux instances et aux victimes à venir. Mais cela m’a valu les foudres de la CRR et des maristes, qui étaient furieux. Ils ont eux aussi déposé une assignation On m’a accusée de vouloir jouer sur les deux tableaux. Ils m’ont dit que c’était soit eux, soit l’avocat et que si je n'obtenais rien de l'avocat, je n'obtiendrais rien d'eux car ça serait trop tard. J'ai trouvé ceci tellement injuste, on me demandait encore de baisser mes culottes devant ces maristes et la CRR qui ne vous soutient absolument pas.

Comment interprètes-tu la politique de l’Église en matière de réparation ?

Il y avait eu beaucoup de promesses après le rapport de la commission Sauvé.

Lors de la Conférence des Évêques de France, il n’était question que de pardon, de volonté de justice, et beaucoup de belles paroles sur la réparation des victimes. "Nous vendrons des biens mobiliers et immobiliers et nous ferons un crédit. " Aujourd’hui on constate que ça n'était que des promesses de Gascon.

L'Église se cache derrière le mur du silence, elle s’est débarrassée du problème sur les deux commissions créées : INIRR et CRR que l'on appelle aujourd'hui les boucliers de l'Église.

On nous a présenté trois grilles de dix questions, pour savoir s’il y avait eu viol ou attouchements, une ou plusieurs fois, s’il y avait eu un seul viol, plusieurs viols, sur une année, plusieurs années, au-delà de 5 ans ... On peut en mettre une pour exemple, que les gens comprennent ce que je dis [voir encadré].

Ce sont des questions très impudiques, chaque cas est particulier. Ces grilles de questions sont comme des couteaux qui viennent fouiller notre ventre, elles sont impudiques, elles sortent de la bouche de personnes qui ne sont absolument pas habilitées pour ces problèmes, elles nous mettent à nu devant elles, alors que nous ne les connaissons même pas. Ces mêmes questions posées par un psychiatre, un expert ou autre médecin seraient beaucoup plus acceptables pour les victimes.

Le surnom de « boucliers de l'Église » vient du fait que ces deux instances ont fixé un plafond d'indemnisation de 60 000 € maximum pour les cas les plus graves.

Selon les réponses à ces fameuses grilles, l'indemnisation devient complétement aléatoire, nul n'est certain de toucher une somme correcte et ces deux boucliers fixent les règles alors qu’il existe des experts indépendants qui sont des professionnels. Mais elle ne veut pas en entendre parler et pour cause, leur but c’est de donner le moins possible afin de protéger les fonds de l'Église. Celle-ci ne peut donc que se réjouir d'avoir procédé ainsi.

Ci-dessous, une des trois grilles questionnaires :

L'Inirr a établi une chaîne de gradation de la gravité de la situation dans le but d'ajuster ensuite un montant de réparation financière.

Cette échelle de gradation de la situation a vocation à être compréhensible par la personne victime.

En effet la cotation est effectuée au cours d'un échange entre la personne victime et le référent.

L'évaluation comprend 3 axes de gravité (faits, manquements, conséquences) avec, pour chacun d'eux, une échelle de 1 à 10.

  1. La gravité des faits de violences sexuelles.
  2. La gravité des manquements dans la prévention ou le traitement des faits, notamment de l'Église ;
  3. La gravité des conséquences, sur la santé au sens de l'Organisation Mondiale de la Santé, "l'état complet de bien-être physique, mental et social".

 

Le premier acte de gradation : des faits de violences sexuelles

La gradation en 10 niveaux est ainsi établie :

Niveau 1     Exhibition ou partage d'images pornographiques ou comportements inappropriés, confinant à la corruption de mineurs / harcèlement sexuel.

Niveau 2      Agressions sexuelles (attouchements) isolées.

Niveau 3      Agressions sexuelles (attouchements) répétées pendant une période limitée (-de 3 mois)

Niveau 4      Agressions sexuelles (attouchements) répétées pendant une période de plus de 3 mois.

Niveau 5      Viol unique.

Niveau 6      Viols multiples circonscrits pendant une période limitée.

Niveau 7      Viols multiples pendant plusieurs mois, sans dépasser un an.

Niveau 8      Viols multiples sur une période de 1 à 3 ans.

Niveau 9     Viols multiples sur une période de 3 à 5 ans / viol en réunion isolé/ viols multiples accompagnés de sévices pendant une période de moins d'un an.

Niveau 10     Viols multiples pendant plus de 5 ans / Viols pendant plus d'un an, accompagnés de sévices / Viols multiples en réunion, quelle qu'en soit la durée.

Une majoration possible : prise en compte du comportement d'emprise du ou des auteur(s) ou une immixtion dans la vie de la victime.

Ce texte émane de l’Académie catholique, celle-là même dont huit membres ont contesté les conclusions du rapport Sauvé.  Sous la menace, soucieux de leur liberté, ces représentants de l’Eglise rejoignent nos analyses. Rassurez-vous, on ne va quand même pas d’adhérer à la Libre-Pensée !

 

Réponse à la question de la page 3lC

Ce texte émane de l’Académie catholique, celle-là même dont huit membres ont contesté les conclusions du rapport Sauvé. Sous la menace, jaloux de leur liberté, ces représentants de l’Eglise rejoignent nos analyses. Rassurez-vous, on ne leur demandera quand même pas d’adhérer à la Libre-Pensée !

 

commune de lyon

Retour sur un événement dont nous n’avons pas pu rendre compte dans le n° spécial de l’An II « L’Église savait ». Ci-dessous l’article du Progrès du 2 mai 2022, et le contenu du courrier adressé au maire de Lyon le 14 février dernier.

 

                                                                                                    Lettre des associations à Monsieur le Maire de Lyon

Lyon, le 14 février 2022

Monsieur le Maire,

Voici près de 18 mois que nous vous avons adressé un courrier concernant la célébration de la mémoire de la Commune qui ne s’est pas déroulée, en 1871, seulement à Paris mais aussi à Lyon et d’autres villes.

Nous avions particulièrement insisté sur le massacre de la Guillotière, en proposant la pose d’une plaque commémorative sur le lieu des événements.  Cette plaque reproduirait l’image célèbre, emblématique de la Commune à Lyon, accompagnée d’un court texte permettant d’informer le public. Cet épisode tragique n’est rappelé nulle part à Lyon, ce qui est un « oubli » historique incompréhensible (…)

Nous vous demandons confirmation « officielle » de votre accord pour la pose de la plaque, et nous déclarons prêts à une entrevue avec vous-même ou avec Mme Delaunay, pour une parfaite transparence du dossier (…) 

Libre-Pensée du Rhône         IHS-CGT        Amis de la Commune de Paris

 Libres propos, libres pensées

 

L'étrange défaite : Kevin, Ryan et les "valeurs européennes"

 

Depuis des décennies on nous rebat les oreilles avec une antienne forgée par l'UE, "les valeurs européennes". Le Parlement Européen affiche ses SIX (c'est précis) valeurs fondamentales qui sont : "Respect de la dignité humaine, Liberté, Égalité, Démocratie, État de Droit, Respect des Droits de l'Homme, y compris ceux des minorités". Bravo !

Qui est contre ? Certes pas nous, libres penseurs.    

Car il n'y a évidemment rien à objecter à cela, on ne peut qu'être d'accord, mais l'altruisme béat étant le fonds de commerce consensuel et universel placardé par toutes les doctrines, religions, sectes et partis politiques, la question est plutôt de savoir si elles sont bien respectées par leurs propres sectateurs.

D'ailleurs, pour un très grand nombre de partisans de l'UE, ces principes se confondraient étroitement avec les si nébuleuses et tant glorifiées "valeurs chrétiennes" qu'elles incarneraient à la perfection.

Bien que, démocratie et religion… on a des doutes.

Quand on la regarde d'un point de vue purement factuel et non idéologique, l'histoire européenne de la chrétienté (et pas seulement dans un lointain passé !) est plus ponctuée d'horribles méfaits, d'abus de pouvoir, de spoliations et d'hypocrisie jésuitique que de bienfaits, même s'il peut en exister. Signalons un progrès : La Raison n° 667 nous apprend que la religiosité est en hausse chez les jeunes ! Alléluia ! Les efforts assidus de l'UE en ce sens paient enfin.

Pendant que vous priez, on agit… pour votre bien... 

Mais les très chères "valeurs (chrétiennes) européennes" permettent surtout de pointer chez des pays "non alignés" (c.-à-d. : non soumis)" leurs manquements réels (ou supposés) au respect de nos vaches sacrées, sans trop regarder si elles sont scrupuleusement respectées par l'UE et les "Amis" (Ami : germanisme équivalent d' "Amerloque") comme on veut bien le faire croire.

On se le demande… et c'est faux.  

Car l'UE, si elle est réputée avoir maintenu la paix en Europe (on oubliera pourtant la pulvérisation de l'ex-Yougoslavie par l'OTAN !) a envoyé maintes fois au loin ses soldats OTANisés combattre, tuer et mourir dans "Les Guerres Scélérates" (William Blum, 2004) décidées par son suzerain US, qui ont plus à voir avec le dollar et les valeurs boursières et pétro-gazières que celles de la démocratie et des Droits de l'Homme. Morts, blessés, handicapés, tortures by CIA avérées, "sanctions" qui déprivent des populations de leurs moyens vitaux, migrations résultantes : quel "DROIT", quelle "VALEUR" autorise cela ? Combien de millions de victimes ?

Car comme nous l'avons déjà vu (AN II n° 183) l'UE a été un projet US destiné à contrer l'influence à l'époque très prégnante de l'URSS et promouvoir ses intérêts en assurant un marché grand ouvert à son American Way of Life (c.-à-d. au consumérisme) qui est devenu depuis partie intégrante et très visible de notre paysage quotidien, au prix de l'abandon de notre souveraineté, des valeurs issues des Lumières et de notre acculturation. C'est fait, et largement !

Parmi les jeunes "auto-entrepreneurs" (synonyme de "citron pressé") et autres "startupers" on peut rencontrer des Kevin, Ryan, etc., dont les parents étaient apparemment bien plus fascinés par la star-culture hollywoodienne et sa recette gagnante " rêve, glamour, violence, guerre et jeux (vidéo)", que par la leur propre : c'est Stallone vs Montesquieu ! 

Le cinéma français (et européen) a ainsi été laminé par les blockbusters débiles ou de pure propagande militariste (Top Gun) hollywoodiens ; au pays phare de la gastronomie un maillage ultra-serré de McDo a envahi tous nos départements, on boit du Cola à table, on célèbre Halloween et un surprenant chiffre de plus de 2.000 clubs de danse country, un loisir populaire US, quadrille (c'est le mot juste) tout notre pays (cf. La France sous nos yeux, de Jérôme Fourquet, étude sur la métamorphose de la France). 

La "France moche" de nos périphéries ressemble maintenant à celles sans âme de Californie, avec leur hideuse laideur publicitaire, vouées au dieu $, aux SUV et à la surconsommation futile et à crédit, tant par le commerce excentré, franchisé et uniformisé que par l'habitat, pendant que les centres-villes de nos provinces en grave déshérence industrielle par les délocalisations à finalité financière se meurent.

Des clubs de bikers sillonnent nos routes sur leurs Harley-Davidson, arborant fièrement des drapeaux américains et les hégémoniques GAFAM et leur dystopie numérique ont envahi notre vie intime, nous harcelant de pubs, espionnant tout : nos clics, nos achats, nos goûts, nos lectures, nos préférences, nos vices, nos déplacements, nos détestations, nos opinions, notre rendement instantané au travail, supprimant ou dégradant les emplois stables restants et censurant à leur gré ou sur demande le "pas politiquement correct".

Sans eux, plus rien, même l'État français et tout son appareil régalien, ne peut fonctionner.

Car les rouages de notre État sont grouillants de technocrates formatés et (dé)formés "à l'américaine" et de cabinets "de conseil" anglo-saxons payés à prix d'or, situation ahurissante peinte par Matthieu Aron et C. Michel-Aguirre dans leur livre "Les Infiltrés".

Pour reprendre le vocabulaire de la guerre froide nous, les vieux peuples européens, ne sommes plus que des satellites enchaînés par la dette, surveillés, espionnés, passifs et consentants, mentalement et financièrement colonisés dans notre servitude volontaire par un empire en déclin qui cependant se refuse de renoncer à diriger un monde rétif qui va lui échapper, lassé par tous ses excès et son incommensurable hypocrisie.

Citation imagée d'une panaméenne, d'un territoire arraché par la force à la Colombie en 1903 par les USA (pour construire le canal) : "Ils ont leur cuiller dans chacune de nos soupes ! " Pourtant le mimétisme pro-US fonctionne (encore) à plein.

Tout cela a un prix. Il suffit de voir l'état avancé de déliquescence en cours de notre langue française et de son orthographe si malmenée, tant dans la population que par les médias après des décennies d'ingestion de SMS, tweets, pop-culture, talk-shows, star-system, reality shows, tags, hip-hop, Facebook, stock market, Star Wars, and on, and on, and on…

Dans nos rues, les publicités et les boutiques se multiplient qui portent des slogans ou des enseignes à pseudo-consonnance anglosaxonne, même si la plupart de leurs inventeurs seraient probablement bien en peine de lire un bon livre entier en anglais.

Le World-English est devenu le jargon, le latin moderne de soi-disant "élites" mondialistes prêtes à nous vendre au plus offrant, et trop souvent synonyme "d'imbéciles éduqués" selon Emmanuel Todd, issus des classes privilégiées, bien coucounés dans de coûteuses écoles privées, à l'abri des gueux.

C'est le langage de l'UE et de son corollaire presque obligé, l'OTAN, l'expression très concrète et bras armé du système d'exploitation économique du monde par l'Empire US qui fait le bonheur et les gras bénéfices (2% de PIB !) du vaste complexe militaro-industriel US-UE : valeurs frelatées, guerre-business, finance dévoyée sont ses ultimes vraies productions.

On ne s'étonne même plus des monstrueux revenus des grands PDG et managers, des traders, des stars, des peoples, des footballers, etc. On les admire ! Marc Bloch pourrait abondamment écrire sur "L'étrange défaite morale". Oui, la France a changé. Elle est lobotomisée, assujettie, parasitée et pourtant (apparemment ?) satisfaite de l'être.             RJ