AN II MAI 2008

EDITORIAL

Quelques raisons de s’opposer au financement public de la venue du pape…

Une nouvelle église va être construite à Vaulx-en-Velin, lit on dans le magazine Lyon-Mag (12/6/08) : « à l’angle de la rue Cuzin et de l’avenue Pablo-Picasso, d’ici 2011. sur une surface de 1000 m², cette église catholique qui prendra le nom de Saint-Thomas disposera de 450 places mais aussi de bâtiments annexes comme un oratoire et des salles paroissiales. C’est le collectif d’architectes lyonnais Siz’-ix qui a remporté l’appel d’offres parmi vingt candidats, ayant conçu une église à l’architecture résolument moderne, avec quelques touches de couleurs. Coût du projet : 2,5 millions d’euros. »

Nous avions pourtant entendu dire (par le représentant de la mairie de Lyon) que « l’Eglise n’avait plus d’argent ! » C’était la raison avancée pour justifier les subventions à la fondation Fourvière, incapable de maintenir debout la basilique par ses seuls moyens. Il fallait soulager une telle détresse.

Fidèle au précepte évangélique : « Mais toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta main droite » (Mathieu 6,3) l’Eglise dépense donc d’une main, largement, ce que l’autre a quémandé en criant misère.

Ce n’est pas tout. Lyon-Mag remarque justement que « deux autres lieux de culte vont être construits à Vaulx-en-Velin : un temple protestant dans le quartier de la Soie, qui sera inaugurée en septembre, et une mosquée au Mas du Taureau. » Trois lieux de culte en même temps, serait-ce un effet de la Providence ? Nous y verrions plutôt un calcul politique simple, caractéristique de la « laïcité » collombo-sarkozyenne, laquelle a toutes les apparences d’un œcuménisme de reconquête cultuelle : « On aide tout le monde, ainsi pas de jaloux. Et on fait passer toute la pilule une seule fois ! »

 

Certes, catholiques, protestants, musulmans et autres ont parfaitement le droit d’édifier leurs lieux de culte, et la loi de 1905 garantit cette liberté. Oui, si elles le font sur leurs fonds propres. Or l’affaire semble mal partie puisque le terrain proposé par la ville pour la construction de la mosquée (3000 m² au Mas du Taureau) a été cédé au quart de sa valeur réelle. L’affaire avait provoqué un incident à l’automne dernier en conseil municipal, certains parlant de « subvention déguisée ».

M. Maurice Charrier, maire de Vaulx, se définissant lui-même comme un « défenseur sans faille de la laïcité », nous ne doutons pas qu’il a voulu se montrer équitable, et que protestants et catholiques ont bénéficié de largesses équivalentes. Nous allons lui poser la question, avec la ferme intention de faire toute la lumière sur cette mystérieuse poussée de spiritualité qui touche Vaulx-en-Velin.

Et comme nous ne croyons guère aux miracles, nous nous souvenons que M. N. Sarkozy avait expliqué au Latran : « la république laïque a sous-estimé l’importance de l’aspiration spirituelle (…) Et l’intérêt de la république, c’est qu’il y ait beaucoup d’hommes et de femmes qui espèrent », et de poursuivre en dénonçant « le désert spirituel des banlieues ». Les temps changent, mais de même qu’autrefois il était malvenu de désespérer Billancourt, il faut aujourd’hui consoler les banlieues. Tout se tient, quand il s’agit de faire oublier au peuple la réalité de ses problèmes.

Attention pourtant : en renonçant à se principes fondateurs, à son histoire, à son « génie » (comme on disait au temps où l’on connaissait le sens des mots), la République pourrait bien finir par désespérer ses propres citoyens, qui ne resteront pas sans réagir.

Visite de Benoît XVI en France

En visitant la France à l’occasion du 150ème anniversaire des apparitions miraculeuses de Lourdes, du 12 au 15 septembre prochains, en hôte privilégié de la république française, Benoît XVI ne vient pas dire autre chose que son acolyte Sarkozy. Peut-être attend-on un miracle pour régler nos problèmes sociaux. Mais je n’en suis pas sûr : plus confiant dans les forces de la police qu’en l’intercession de la Vierge Marie pour assurer sa sécurité, le pape bénéficiera de moyens tels qu’on n’en a pas connus pour de véritables chefs d’état. Les amoureux du rugby lourdais s’étranglent déjà du sort réservés aux poteaux du stade municipal (les plus hauts de France, et qui représentent un vrai monument historique) pour permettre l’atterrissage de l’hélicoptère papal. Rappelons que le Vatican n’est pas un état, ou, ce qui revient au même, est le seul état sans peuple, nation ni citoyens. Ce qui ne l’empêche pas de s’ingérer dans les affaires intérieures de tous les pays de la planète.

Pour notre part, nous serons présents le dimanche 14 septembre à Paris, pour dire :

• Contre le financement public des activités cultuelles !
• Pour la laïcité en Europe !
• Pour la séparation des Etats et des religions !

Ce rassemblement se déroulera à l’initiative de la Libre Pensée, de la Ligue de l’enseignement, de l’Union rationaliste, du mouvement « Europe et Laïcité ». Il est soutenu par de nombreux mouvements laïques d’Europe et du monde.

Internationale Humaniste et Laïque – CNAFAL – Fédération Humaniste Européenne – Union des Athées (France, Belgique, Espagne, Catalogne) – National Secular Society (Grande-Bretagne) – Bund gegen Anpassung (Allemagne) – Association Giordano Bruno (Italie) – Europa Laica – Fédération internationale des Athées - Grenade Laïque – Cullera laïque (Espagne) – Association Polonaise des Rationalistes – Mouvement laïque québécois – Humanist Association of Canada – Front pour la culture laïque (Mexique) – Council of Australian Humanist Societies – Association des Rationalistes et Libres Penseurs (Cameroun)…

 

Inscrivez- vous dès maintenant !

Nous réfléchissons à des formules de départ par TGV, plus rapide et plus confortable que le car. Sans doute aussi moins cher si l’on s’y prend à l’avance ! Mais nous dépendons des disponibilités, et nous avons besoin d’un maximum de réponses sur les inscriptions, les billets concernés n’étant ni échangeables ni remboursables…

En nous communiquant votre réponse, vous nous facilitez la tâche. Et vous nous aidez à agir concrètement pour le pouvoir d’achat des laïques ! (Sur ce point-là aussi, il vaut mieux ne compter que sur nous-mêmes).

Inscriptions sur Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. ou par courrier au 7 rue Major Martin Lyon 1er

NOS ACTIVITES

Sant’Egidio en Cour d’Appel


On sait que les collectivités (mairie de Lyon, Courly, Conseil général et Conseil régional) ont fait appel du jugement du Tribunal administratif, annulant les 600.000 € de subventions attribuées au mépris de la loi du 9 décembre 1905 à l’association Communauté Sant’Egidio - France qui, elle-même, avait fait appel.
Forts de notre droit nous avions répliqué et n‘étions pas en souci du résultat. Nous avions de plus engagé les démarches pour que les collectivités publiques exigent, conformément à la loi, le remboursement des 600.000 €, les requêtes en Appel n’étant pas suspensives. La Courly seule avait donné suite mais cela avait suffi pour jeter la panique quand la présidente de l’association a commencé à recevoir des commandements d’huissier impératifs et menaçants.
Cette militante catholique, Madame Valérie Régnier (allez voir sur le Web), est certainement incapable de rembourser – l’argent a été dépensé - puisque son association fantôme n’avait été déclarée en Préfecture que pour ouvrir un compte bancaire où faire virer les subventions qui, au mépris de la loi, ont servi à des associations cultuelles (Communauté Sant’Egidio romaine et diocèse de Lyon) dans l’opération des Journées des 11-13 septembre 2005.
Sa défense a été de demander à la Cour d’Appel un sursis à exécution, auquel nous nous sommes opposés.
L’audience et le jugement concernant ce sursis ont eu lieu : surprise, l’association Sant’Egidio retire sa requête « devenue sans objet ». On se demande pourquoi. On va l’apprendre : le président du Conseil général, à qui l’association doit 300.000 €, M. Mercier, en bon chrétien, s’est porté au secours de Sant’Egidio-France et a pris le relais pour demander le sursis à exécution. Suivant les conclusions du Commissaire du gouvernement, la Cour l’a accordé.
La suite au prochain numéro

Marcel PICQUIER 23 juin 2008

 

Conférence « 160 ans de Libre Pensée » à Bron


Mercredi 07 mai, le président de l'Institut de Recherche et d'Etudes de la Libre Pensée, Jean-Marc Schiappa, est venu donner une conférence sur le thème des combats de la Libre Pensée pour la République et la laïcité. Une soixantaine de personnes étaient présentes à la maison des associations de Bron pour écouter la conférence et participer au débat.
Jean-Marc Schiappa a rappelé les étapes marquantes de l'histoire de la Libre Pensée. La première apparition du terme en français, traduit de l'anglais free-thinker, date de 1794 avec un texte anonyme intitulé « Discours d'un Libre Penseur ». C'est sous la plume d'Eugène Varlin, dans « Hommage d'un libre penseur aux mânes de Voltaire » que l'expression « libre pensée » est associée clairement à l'anti-cléricalisme. A ce propos, Jean-Marc Schiappa a rappelé la distinction importante entre laïcité et anti-religion. La laïcité n'est en effet pas un refus des religion, mais le refus de voir la société organisée par et pour les religions. Victor Hugo le résumait en disant « L'état chez lui et l'Eglise chez elle ».
Le printemps des peuples de 1848 voit la création de la Société Démocratique des Libres Penseurs, qui deviendra la fédération nationale de la Libre Pensée que nous connaissons actuellement. Dans son exposé, Jean-Marc Schiappa a rappelé ce qui guide l'action de la Libre Pensée : le combat pour la laïcité, avec par exemple son action pour la naissance de la loi de 1905, le pacifisme, avec son opposition à la première guerre mondiale, et bien sûr de façon générale la lutte pour l'émancipation et le progrès social.
Rappelant que la laïcité était garante de la paix sociale et de la liberté de conscience et d'expression, le conférencier a conclu en rappelant la nécessité de rester vigilant contre toutes les attaques qui étaient portées contre elles.
Cédric Mulet-Marquis

LIBRES PROPOS, LIBRES PENSEES


Et si on lisait la Bible ?

Les religions sont tellement ancrées dans la tradition que souvent, même chez des gens hautement éduqués, équipés de neurones en bon état de marche, elles sont rangées dans un recoin du cerveau comme une donnée identitaire immuable, et la plupart ne songent pas à en cerner les incohérences. Beaucoup pensent que croire cela ne mange pas de pain, satisfait à la tradition, porte une morale et ne peut faire de tort à personne.
La plupart font le pari de Pascal sans le savoir. Souvent ils ont une Bible mais la lecture en est tellement indigeste que bien peu se donnent la peine d’en cerner les incohérences, pour ne pas parler des horreurs que l’on y trouve. Par exemple les injonctions appelant à tuer des gens pour des motifs aujourd’hui dérisoires : travailler le jour du sabbat, désobéir aux parents, homosexualité, adultère, pour une femme ne pas être vierge le jour du mariage, maudire ses parents, ivresse, athéisme, blasphème, etc. La peine de mort y est donc largement pratiquée (et donc légitimée) de même que le racisme et la xénophobie.
Les appels aux destructions de villes et massacres de populations entières y abondent. Les non-sens du point de vue scientifique y foisonnent, mais les créationnistes se chargent de tenter de persuader les indéterminés que ce qui est dans la Bible est une vérité indémontrable bien supérieure à toute preuve scientifique irréfutable.
On y trouve des justifications en règle de l’esclavage que toute personne sensée, croyante ou non, rejette avec horreur et pourtant c’est écrit en toutes lettres, même le prix de vente d’un esclave (30 shekels !), les modalités de revente, y compris de sa famille, et comment les (mal) traiter. Ainsi, tuer un esclave sera punissable, mais pas s’il ne meurt qu’un ou deux jours après.
Pourquoi ? Divin Mystère.

 

Le sexisme y est largement prôné, on n’y compte pas les incitations à la discrimination de la femme, et pourtant les femmes ont été de tous temps d’excellents vecteurs de ces mythes.
Mais quel croyant « passif » s’arrêtera à cela, puisqu’il ne lit pas la Bible, qui lui est présentée comme un admirable code de vie vertueuse ?
Et pourtant tous ces mythes, injonctions, interdits, anathèmes, préjugés ont martyrisé nos sociétés au point de susciter a posteriori de tardives « repentances ». Tout ceci, les miracles, l’efficience de la prière, la richesse des religions contrastant avec leur message de glorification de la pauvreté, etc., doit être mis au grand jour, analysé et soumis à réflexion. Éclairés sur ces aberrations puis questionnés, la plupart devraient trouver de nébuleuses échappatoires gênées pour expliquer ce qui est injustifiable ou incohérent.
Il faut donc les amener à se questionner sur ces dogmes et non les accepter aveuglément.
Qui réfléchira donc en utilisant de lui-même les ressources de pensée critique acquises au cours d’études supérieures ou de réflexion personnelle pour admettre qu’être obligé de justifier de façon gênée des écrits qui feraient de nos jours l’objet de plaintes en justice pour toutes ces tristes apologies n’a aucun sens ?
Les théologiens et mystagogues modernes s’en chargent pour eux !
Qui, après avoir pris conscience de l’inconsistante vacuité périmée de ces textes, en conclura qu’ils n’ont pu être écrits que par des esprits bien terrestres, primitifs, bornés et cruels ?
Et qui, après en avoir tiré cette conclusion, ne verra enfin dans toutes les religions que ce qu’elles sont :
Un formidable et incomparable moyen de contrôle psychologique de populations entières au profit de ceux qui les manipulent ?
Allez, et réfléchissez en paix.
René Jambon


J’ai été éduquée dans une tradition familiale dont nous étions fiers : un arrière-grand-père, Denis Tauveron, avait voté la loi de séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905. En plus, je dois beaucoup à un grand-père qui m’a en partie élevée : valet de ferme à 14 ans, dans le Bourbonnais, il avait créé plus tard un organisme de défense des métayers. Il avait adhéré à la SFIO et disait que pendant la guerre 14-18, il pensait toujours que « le type en face était un homme comme lui ». Il me répétait que « le socialisme, c’est ce qu’il faut pour les pauvres gens, que Staline a trahis mais qu’il viendrait des hommes nouveaux… »
Élevée dans cet état d’esprit, la laïcité, dans mon esprit, c’était l’air qu’on respire.
Mais voilà qu’à l’âge adulte, je suis allé vivre au Québec avec le père de ma fille et j’ai découvert avec horreur ce que pouvait être l’emprise catholique réactionnaire sur la vie publique et privée. J’ai compris que la laïcité n’était pas une donnée naturelle mais une précieuse conquête.
A mon retour en France, je me suis engagée pour le socialisme et pour la défense de la laïcité et me voilà, finalement, à la Libre Pensée.

Suzanne Rebillaud.

 

L’enfer des tournantes

Le célibat des prêtres institué bien après la création de l’église catholique a probablement été une des raisons de son succès : elle disposait de serviteurs corvéables et tout dévoués, coupés de la vie séculière où il leur était quasiment impossible de revenir ensuite, étant sans autre formation que la déformation des esprits et sans déchoir d’un statut longtemps privilégié, sans femmes ni enfants à entretenir et dont les biens personnels revenaient à l’église après leur décès.
La reconnaissance n’est pas de mise : il suffit de voir l’état lamentable des carrés de prêtres dans les cimetières, où la majorité des tombes sont à l’abandon, nues, abîmées par les intempéries et dépouillées de tout ornement floral attestant a minima qu’ils ne sont pas oubliés. Il suffit de visiter celui de Loyasse à Fourvière pour le constater.

Si cette situation a présenté de grands avantages pour l’institution, elle présente aussi des inconvénients, des effets qui justifient leur nom de pervers : imposer la chasteté à des hommes en pleine maturité sexuelle ne pouvait que conduire à de fâcheux dérapages, surtout si des enfants ou adolescents étaient confiés à leur éducation sacerdotale.
Mais l’emprise des prêtres sur les esprits et le sentiment de culpabilité et de honte a été longtemps si fort parmi leurs jeunes victimes, qu’ils se confiaient rarement à leurs familles qui avaient la plus aveugle confiance dans les
représentants de l’église et le secret de ces pratiques a été étouffé pendant des siècles.
De nos jours c’est plus difficile et de nombreux scandales ont éclaté, en particulier aux États-Unis où selon les associations de victimes des dizaines de milliers d’enfants auraient été abusés sexuellement, mais dont la plupart même devenus adultes préfèrent par honte garder le silence.

Une des raisons de l’ampleur prise par le phénomène est la technique des « tournantes » adoptée par l’église catholique. Pour éviter le scandale, quand un cas d’abus sexuel était rapporté à la hiérarchie, celle-ci tentait de culpabiliser l’enfant et sa famille pour éviter un dépôt de plainte et au lieu de dénoncer ou sanctionner le prêtre coupable celui-ci était muté discrètement dans une autre paroisse, parfois même à l’étranger et pour certains dans le tiers-monde où sa sexualité refoulée par son statut particulier
(la fameuse radicalité de son engagement, qui lui donnerait une supériorité d’élection divine sur l’instituteur) le poussait à continuer ses méfaits.

Alors que les plaintes s’accumulaient contre eux, certains prêtres ont ainsi été mutés plusieurs fois avant que des scandales n’émergent au grand jour.
Au lieu de circonscrire le phénomène cette pratique l’a ainsi démultiplié et l’église catholique américaine a dû faire face à une multitude de procès qui lui ont coûté des milliards de dollars (certains diocèses ont ainsi été mis en banqueroute financière) et fait perdre un nombre considérable de fidèles qui ne sont compensés que par l’émergence de la communauté hispanique sur laquelle son emprise morale est encore très forte.
Plutôt que d’admettre que le problème est dans le cœur même de son système et son hypocrisie, l’église catholique par la voix benoîte de son pape qui exprima en avril 2008
lors de sa visite aux États-Unis sa « honte » et sa « repentance », préfère se défausser sur la pornographie généralisée dans laquelle baignerait de nos jours la société. Comme si le phénomène n’avait pas existé tout au long des siècles.
Cela n’est évidemment pas limité aux Etats-Unis, et les mêmes causes ne peuvent que produire les mêmes effets à toute époque et partout dans le monde. Y compris chez nous.

René Jambon

 Eloge de Sarkozy…

Le 11 novembre dernier, M. Nicolas Sarkozy prononçait un discours à l’occasion du traditionnel dépôt de gerbe à l’Arc de triomphe. Ce discours devait « laisser pantois » l’assistance, civils et militaires, selon le journaliste Gérard Desportes. Il y était question par exemple de reconsidérer la place des fusillés pour l’exemple dans la mémoire nationale. Nous n’avons pas le texte de ce discours, on va comprendre pourquoi.
Tollé de la hiérarchie militaire. « C’est sans doute, estime G. Desportes, le propos le plus antimilitariste, le plus internationaliste et le plus ouvertement favorable à la fraternisation qu’un président français n’a jamais prononcé. » Face aux remous suscités au plus haut niveau de l’état, le texte fait problème. Il est le seul discours prononcé par Sarkozy à n’être pas disponible sur le site de l’Elysée. Il est, paraît-il, publié sur Mediapart et nous nous ferons un plaisir d’en publier quelques extraits dans un prochain numéro.
Prions pour que nous ne soyons pas censurés… P.G.

 

A nos lecteurs

L’An II aime la nature. L’An II aime les oiseaux. Pour autant l’An II n’est pas devenu une revue d’écologie, contrairement à ce qu’on aurait pu croire en feuilletant le dernier exemplaire (n° 110) entièrement composée de feuilles d’un vert intense.
Il s’agissait d’une simple erreur de notre imprimeur.
En espérant qu’elle ne vous aura pas troublés, ni gêné votre lecture…

 

Gustave COURBET, un anticléricalisme rafraîchissant.

(souvenir de l’exposition Courbet au Grand-Palais)

 

Nul doute que le président Nicolas Sarkozy qui s’en va à Rome, le 20 décembre, baiser la mule du pape, trouverait aussi scandaleux que Napoléon III en 1863, si on le lui présentait, le tableau de Gustave Courbet « Le retour de la conférence », mise en scène grotesque de la curaille.
M. Sarkozy n’aura pas à s’indigner d’un artiste « voyou », puisque, après avoir été refusé au salon de 1863 et même au salon des « refusés », « pour outrage à la morale religieuse », le tableau a été acheté… pour être détruit, les autodafés étant depuis toujours un instrument de police.
On ne peut plus voir ce tableau anticlérical lui-même, mais, en nos temps de retour au cléricalisme, il est rafraîchissant d’en lire au moins une description qui nous change des bondieuseries saint-sulpiciennes de certains peintres lyonnais de l’époque comme Louis Janmot et son « Poème de l’âme » qui occupe une grande salle du musée des Beaux Arts :
« Le doyen, à la face énorme et congestionnée, a été hissé sur un âne qui ploie sous le faix ; un abbé habillé avec élégance qui garde assez de sang-froid, et qui courbe la tête d’un air lamentable, gémissant, déplorant le scandale, traîne l’âne par la bride. L’ivrogne dont le corps immense s’affaisse de plus en plus, est soutenu d’un côté par un jeune vicaire à la face joyeuse, et qui ne doit pas être un ascète, en mal de macérations ; et de l’autre par un vieux desservant à lunettes bleues, aux yeux vifs, qui n’est pas « porté sur sa bouche » et que le gouvernement diplomatique de ses ouailles doit intéresser plus que la cuisine. Derrière, un séminariste, qui s’efforce de rester digne, relève un prêtre cassé par l’âge, qui dans le feu de ses invectives burlesques contre les mécréants, s’est baissé pour frapper la terre à grands coups de bâton, comme pour anéantir les adversaires de la foi ; à droite, un curé d’un autre type, paysan né pour les travaux des champs, au type herculéen, qui peut absorber ce qu’on veut sans faiblir, et dont la force éclate à ne rien faire, lance un geste violent et méprisant, comme pour accuser ses confrères de n’être que des femmelettes, et dans sa fureur, lève le pied contre un chien qui jappe devant lui ».
Ceci se passe sous les yeux d’une vierge nichée dans le creux d’un arbre et de deux paysans qui se réjouissent du spectacle. « Le ciel bleu, la ramure splendide du vieux hêtre, et le magnifique paysage de la vallée de la Loue encadrent toutes ces laideurs, contrastant par leur sérénité et leur grandeur avec le tapage et la trivialité de la scène. »
On sait que Courbet, révolté contre les bourgeois, ne changera pas d’opinion. Bien au contraire. Le 23 juin 1870, il refusera la croix de la légion d’honneur en écrivant au Ministre des Beaux-Arts : « L’Etat est incompétent en matière d’art […]. L’honneur n’est ni dans un titre ni dans un ruban, il est dans les actes et dans le mobile des actes… »
Fidèle à lui-même Gustave Courbet adhérera à la Commune dont il sera un élu. Les Versaillais et leurs chiens de garde, Alexandre Dumas fils, entre autres, le lui feront payer cher, c’est une autre histoire.
Marcel Picquier

FEDERATION NATIONALE DE LA LIBRE PENSEE

 

- COMMUNIQUE DE PRESSE –

A propos de la reconnaissance des langues régionales dans la Constitution :
Abyssus abyssum invocat

« Les députés français ont levé un tabou hier en votant, à la quasi-unanimité, un amendement surprise au projet de loi sur la réforme des institutions. Cet amendement vise à inscrire la reconnaissance des langues régionales dans la Constitution. "Les langues régionales appartiennent au patrimoine" de la Nation, indique le texte. Une formule qui complètera désormais l’article premier de la Constitution sur la "République indivisible, laïque, démocratique et sociale", si la réforme est votée par le Parlement réuni en Congrès en juillet. Mais l’article 2 continuera de stipuler que "la langue de la République est le français". France Info, 23 mai 2008

Quasi unanimité ! Cet amendement, qui fait consensus, a-t-il pour but de promouvoir ou de conserver les cultures locales ? On pourrait le penser, et croire que cette unanimité, de la droite à la gauche, reflète un esprit de tolérance et de diversité. C’est d’ailleurs ce qui sera plaidé et utilisé par tous les régionalistes et les séparatistes avec le soutien de l’Union Européenne. On pourrait croire d’ailleurs que ce court amendement « ne mange pas de pain » tant sa formulation est anodine.

Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la nation, ben oui ! Comme le camembert, le foie gras du Périgord, le tripoux auvergnat, le far breton et le clafoutis limousin, comme les châteaux de la Loire, les gorges du Tarn, François Mauriac et Charles Maurras, comme la vache bleue des Alpes et le bleu de Bresse comme le Saint Emilion et l’Aloxe Corton, comme… Mais ni les fromages, ni les AOC, ni le Bordeaux, ni les cottages normands ne sont dans la constitution. Derrière tout cela, qu’y a t il ?

Il faut se souvenir qu’après analyse sérieuse de plusieurs organisations laïques, après une manifestation nationale, après de nombreux meetings et une réunion du parlement, la charte européenne des langues régionales et minoritaires, instrument de communautarisme linguistique préludant à l’éclatement de la République, a finalement été rejetée par le conseil constitutionnel comme contraire à la constitution.

Si l’on relit la décision du Conseil Constitutionnel, on s’aperçoit par ailleurs que sa décision est loin de s’appuyer seulement sur l’article 2 de la constitution de la Vème république précisant que « la langue de la république est le français ». En particulier, au point 5 de ses attendus, le conseil cite l’article premier : "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances". C’est bien d’incompatibilité avec le communautarisme qu’il s’agit.

Rappelons quelques étapes du combat de la Libre Pensée, rejointe par nombre d’associations laïques contre cette charte. En octobre 1998, la Fédération d’Ille et Vilaine de la Libre Pensée lançait un appel intitulé « Non, la France ne doit pas ratifier la charte des langues régionales et minoritaires » invitant à une convention nationale. A l’initiative de la Fédération Nationale, ladite convention se réunissait à Paris le 30 janvier 1999. Les différents orateurs y analysèrent le contenu précis de la charte. Les participants unanimes demandèrent une audience au premier ministre Lionel Jospin, et appelèrent à développer des actions dans tous les départements.

De nombreuses réunions se tinrent alors, dont certaines plus que houleuses comme à Saint Brieuc où la conférence fut perturbée et même agressée par le groupuscule régionaliste Emgann. Le gouvernement de l’époque, prenait la décision de ratifier la charte « a minima ». Un leurre, comme l’analysait la Libre Pensée car les titres I et II de la charte, les plus importants sur le plan juridique, n’étaient pas négociables. Décision fut donc prise, à l’initiative de la Libre Pensée, l’Union des athées, Europe et Laïcité et le Comité Laïcité et République, appuyées par de nombreuses personnalités laïques, d’appeler à une manifestation nationale à Paris le 11 décembre 1999, contre la ratification de cette charte.

Entre temps, le Conseil constitutionnel avait rendu son arrêt le 15 juin 1999. La manifestation, organisée par les seules forces des initiateurs, ignorée totalement de tous les medias jusqu’à son déroulement inclus, fut néanmoins un immense succès, réunissant plus de dix mille citoyens dans les rues de Paris. Elle fut prolongée par un colloque de haut niveau tenu à la Sorbonne le 13 mai 2000. La ratification de la Charte Européenne était devenue impossible. Nos lecteurs disposant d’un accès internet peuvent consulter l’ensemble des documents publiés à cette époque sur le site de la Fédération nationale (http://librepenseefrance.ouvaton.org). Conscience était prise que le texte communautaire et communautariste européen était totalement contraire à l’esprit comme à la lettre d’institutions républicaines. Par ailleurs, l’Académie française s’est adressée directement au Président de la République pour manifester son opposition à cette modification de la Constitution.

Comme la pratique devenue courante est de resservir le plat aux citoyens jusqu’à ce que bon gré, mal gré ils l’avalent, le but de la manœuvre n’est pas douteux. La charte européenne, avec son cortège d’institutionnalisation des particularismes linguistiques, est désormais compatible avec la constitution de la République. Merci la droite, la gauche, le centre et les non inscrits.

Ainsi en va-t-il de la constitution européenne : vous n’en avez pas voulu, c’est que vous n’avez pas compris. Voici le traité de Lisbonne, c’est le même, mais finalement, on ne va pas faire de referendum. Vous seriez capable de voter contre (ce que le peuple d’Irlande vient de confirmer avec éclat). Vos députés l’adopteront. Eux sont pour, indépendamment de votre avis. Ce sont des gens raisonnables. Décidément, si les voies du seigneur sont impénétrables, les voies de l’Union Européenne sont incontournables. Peu importe, amendement ou pas, les républicains se lèveront à nouveau s’il est encore question de ratifier la « charte ». Parce que l’esprit des lois républicain et le communautarisme féodal sont décidément incompatibles.

Paris le 15 juin 2008
Avec la Libre Pensée, agissez
Pour la défense de la République, une, indivisible, laïque et sociale !

 

 SCIENCES

Le post-modernisme et ses conséquences pratiques

Le post-modernisme est un mouvement philosophique né dans la deuxième moitié du vingtième siècle. Ses principaux représentants en France sont Bruno Latour et Isabelle Stengers. D'après une définition due à Alan Sokal, le post-modernisme se caractérise par son relativisme cognitif et son rejet plus ou moins explicite du rationalisme issu des Lumières. En d'autres mots, les philosophes post-modernes considèrent qu'il n'y a pas lieu de distinguer entre les connaissances subjectives et objectives, entre science et mythe. Selon eux, toutes les affirmations sur le monde, celles de la science, celles de mythes dont les religions, ne seraient que des discours également pertinents et valides pour décrire le monde. Dans son ouvrage « Cosmopolitiques », Isabelle Stengers nous invite ainsi à « abandonner l'opposition entre description « fidèle » et « fiction », comme aussi entre « constat » et « valeur » ». Pour les post-modernes, il n'existe de vérité que dans un groupe socio-culturel donné, le mot vérité signifiant dans ce cas un simple accord ou un compromis entre les membres de ce groupe. C'est finalement une manière de dire que les lois de la nature dépendent de qui la regarde. Que plusieurs affirmations contradictoires puissent être vraies simultanément ne leur pose pas de problème.
La position des post-modernes est critiquable pour de multiples raisons. Donnons la plus simple, celle qui a peut-être le plus de poids. Les post-modernes occultent complètement la formidable réussite de la science, réussite s'entendant ici comme l'utilisation des connaissances scientifiques en vue de la réalisation d'objets ayant une fonction déterminée. Si la science n'était qu'un discours sur le monde parmi tant d'autres, comment expliquer cela ? Si les mythes et la science étaient des descriptions également valides du monde, on devrait depuis longtemps faire voler les tapis ou guérir autre chose que des écrouelles par imposition des mains !
On pourrait se dire que les idées défendues par les post-modernes ne gênent que peu de monde au bout du compte. Il n'en est rien. Certains des philosophes post-modernes prétendent faire oeuvre de progressisme en défendant les croyances et les mythes contre une science qu'ils prétendent toute-puissante et qui imposerait par la force un cadre de pensée. Sous la plume de certains de ces philosophes, il s'agirait presque là de la défense de pays du Sud contre l'occident colonial. Ceux qui prétendent, peut-être sincèrement, lutter pour l'égalité de cette manière se trompent de combat. Ce n'est pas en disant que les mythes et la science peuvent être simultanément vrais, ou bien sont aussi proches les uns que les autres de ce qu'est vraiment le monde que l'on contribue à l'émancipation des peuples.
Ce n'est pas en laissant les gens enfermés dans leurs superstitions qu'on leur permet d'avancer. Que cela plaise ou non aux philosophes post-modernes, le développement de la pensée scientifique dans toutes les couches de la société s'est toujours accompagné de l'émancipation intellectuelle. Précisément parce que la science ne reconnaît comme seuls juges que les faits, la nature elle même, et ne se soumet pas à l'autorité de gardiens du dogme.
La défense par les philosophes post-modernes du relativisme cognitif pour abattre l'universalisme de la science est du pain béni pour les créationnistes. Leur stratégie actuelle n'est en général plus l'affrontement direct avec la science et la théorie darwinienne de l'évolution. Il s'agit plutôt, et c'est l'objet du dessein intelligent, de faire reconnaître comme scientifique une affirmation qui ne relève que de la foi : il existerait dans l'univers une entité organisatrice transcendante. Appelez-la comme il vous plaira : Dieu, Allah, Vishnou... Si comme le disent les post-modernes, toute vérité est relative à un groupe social donné, alors il n'existe aucune bonne raison de considérer comme plus proche de la réalité la formation de la Terre en 4,5 milliards d'années donnée par la géologie, plutôt que la création biblique en 7 jours.
Poursuivons le raisonnement. Si comme l'affirment les post-modernes la science commet un intolérable abus de pouvoir en affirmant que certains dogmes religieux sur la création et l'agencement du monde sont objectivement faux, ne peut-on – ne doit-on ? – pas demander à cette même science d'en rabattre sur ses prétentions ? Ne doit-on pas lui demander de ne pas proclamer comme vrai tout ce qui irait à l'encontre des dogmes religieux, voire même d'éviter d'entamer des recherches sur de tels sujets ? L'actuel et le précédent pape ne disent pas autre chose. Leur engagement pour interdire la recherche médicale sur les cellules souches embryonnaires signe la volonté d'asservir le champ d'exploration de la science à ce que la religion autorise.
De la même manière, la rhétorique post-moderne donne aussi des arguments à ceux qui voudraient que l'école ne soit pas seulement le lieu du savoir - faits historiques établis, lois de la physique-chimie, règles de grammaire – mais qu'elle « s'ouvre aussi au sens », manière habile de nommer le retour du religieux à l'école (voir par exemple le rapport Debray). Si en suivant les post-modernes on affirme qu'il n'y a aucune différence entre la science et les mythes, que la science ne peut prétendre à l'universel, pourquoi accepterait-on la théorie darwinienne de l'évolution dans les cours de biologie et pourquoi refuserait-on le dessein intelligent d'inspiration créationniste ?
Entendons-nous bien. Nous ne sommes pas en train de dire que le post-modernisme est le faux-nez du cléricalisme réactionnaire. Mais force est de constater que l'acharnement des post-modernes contre la rationalité, l'objectivité et l'universalisme donne des armes aux obscurantistes et des arguments à ceux qui veulent abattre l'universalisme de droits de l'homme pour une différence des droits.

 

Cédric Mulet-Marquis

FEDERATION NATIONALE DE LA LIBRE PENSEE
- COMMUNIQUÉ DE PRESSE -

Sauvons le Palais de la Découverte !

Le Palais de la Découverte a été créé en 1937 par Jean Perrin. Depuis il a contribué à faire naître d’innombrables vocations scientifiques chez les jeunes, et à faire découvrir au grand public les différents aspects de la science, et des techniques qui en dérivent. Depuis la création en 1980 de la Cité des sciences et de l’industrie, une certaine compétition existe entre les deux établissements, tempérée par la complémentarité de fait de leurs objectifs.
De nombreux gouvernements ont été tentés de procéder à la « simplification » de la situation - non en supprimant purement et simplement le plus ancien, récupérant ainsi 25000 m2 au centre de la capitale, ce qui aurait soulevé trop de protestations – mais en les réunissant en un seul. Ces tentatives ont rencontré assez de résistances pour que - jusqu’ici - elles ne soient pas poursuivies. Aujourd’hui le gouvernement dispose avec sa révision générale des politiques publiques d’un cadre dans lequel il pourra mener à bien ce projet. La « modernisation » du Ministère de la culture et de la Communication implique en effet le regroupement du Palais et de la Cité, pour former un « opérateur de référence en matière de culture scientifique et technique présent sur les deux sites ».
Des sociétés savantes : la Société française de physique, la société mathématique de France, la Société française de chimie - et de nombreux scientifiques ou simples citoyens - s’élèvent contre la mise en place de cette fusion avant que ne soient examinées les conditions scientifiques de ce rapprochement, qui devra respecter les missions de chacun de ces musées.
La Fédération nationale de la Libre Pensée estime que jamais rien n’est trop fait pour le développement des connaissances ainsi que pour leur vulgarisation intelligente auprès de l’ensemble des citoyens, car elle estime que le recul de l’ignorance et de l’obscurantisme contribue à la formation de citoyens éclairés indissociables de la République. C’est pourquoi, la Fédération nationale de la Libre Pensée s’associe aux protestations et exige le maintien du Palais de la Découverte. (Paris, le 25 mai 2008)