éDITORIAL

 

Reconquête républicaine ?

Le 17 février, Emmanuel Macron a commencé à dévoiler sa stratégie de lutte contre « le séparatisme » et le radicalisme islamiste. Il s’est ensuite rendu à Mulhouse dans des quartiers où, dit-il, « la République doit réaffirmer sa présence ». C’est ce qu’il a appelé la « reconquête républicaine. »

S’agissait-il d’aider enfin l’hôpital public grevé par des budgets en perdition ? de rétablir un véritable service des urgences, que les personnels en souffrance et les usagers réclament à cor et à cri ? Non.

Ou bien de rétablir un bac national, fondé sur des épreuves nationales et anonymes ? d’assurer une instruction publique au travers de parcours cohérents, sous l’autorité de professionnels de l’enseignement issus de la Fonction Publique ? Pas davantage !

Voulait-il parler d’une indépendance à nouveau reconnue aux communes, foyers de démocratie menacés par les différentes lois de décentralisation et d’inter-communalité, devenus des casse-têtes pour ces purs gestionnaires que tendent à devenir les maires depuis des années ? …Vous n’y êtes pas !

Non : il s’agit de « laïcité ». C’est ce qui se dit.

Abrogation de la loi Debré et sa suite de lois anti-laïques ? Abrogation du statut concordataire d’Alsace-Moselle ? …Allons ! Sur ces sujets, les réponses sont données depuis longtemps.

Ou intrusion de l’Etat dans des domaines ressortissant à l’organisation d’un culte (en l’occurrence le culte musulman) pour régler des problèmes qui relèvent de l’ordre public ? Ce serait une grave entorse à la loi de 1905. La Libre Pensée, comme les autres associations laïques, a été reçue cette semaine au Ministère de l’Intérieur. Apparemment, le gouvernement n’envisage plus de mesures liées au financement des cultes.

Pour le reste, comme l’indique la FNLP : « … sous réserve d’un abandon d’une partie des ambitions affichées en janvier 2019 et au prix d’une présentation du projet plus habile qu’il y a un peu plus d’un an, les données du problème restent les mêmes, tant du point de vue des modifications envisagées que de la configuration du camp laïque. Toutefois, le contexte général a évolué. D’une part, notre action passée a porté ses fruits puisque le Gouvernement fait preuve aujourd’hui d’une plus grande prudence. D’autre part, celui-ci s’est encore affaibli au cours des treize derniers mois écoulés. »

Ainsi, plus que jamais : « Ne touchez pas à la loi de 1905 ! »

Le Congrès de la Fédération du Rhône a eu lieu samedi 18 janvier 2020.

Le rapport d'activité a porté sur :

  • ü La défense de la laïcité et les menaces pesant sur la lettre et l’esprit de la loi de 1905, ceci dans un contexte social fortement marqué par les tensions générées par le projet de réforme des retraites. Les questions sociales ne peuvent être séparées de nos préoccupations traditionnelles qui tournent autour de liberté de conscience,
  • ü La mise en place en place du SNU (Service National Universel) et ses conséquences pour les programmes scolaires de l’enseignement secondaire. La mise en conformité des programmes d’EMC annoncée par M. Blanquer doit nous alerter, car elle signifie que les enseignants seront amenés à jouer un rôle actif dans la mise en place du SNU, et ceci alors que la redéfinition de leurs carrières est mise à l’ordre du jour par la refonte de leur système de retraite.

Après une large discussion, ce rapport a été adopté à l’unanimité (idem pour le rapport financier). Le succès remporté devant le Tribunal Administrative de Lyon dans l’affaire de la « 1ère » crèche Wauquiez s’appuie sur les conclusions du Conseil d’État et montre que loin d’être à contre-courant, nous portons une vraie demande de transparence sur les questions de laïcité et de façon plus générale sur toutes les questions liées à la défense des libertés démocratiques.

Le quitus financier a été donné au trésorier sortant qui ne se représente pas. Remerciements à Jean-Louis Andrieu pour tout le travail accompli depuis de nombreuses années.

A l’issue d’une large discussion, l’assemblée a adopté la résolution suivante, afin de réaliser l’union de toutes les forces laïques afin de défendre la loi de 1905 :

Aux élus, militants et associations laïques se réclamant du respect de la loi de 1905,

Les libres-penseurs du Rhône, réunis en congrès de la fédération départementale samedi 18 janvier 2020, ont pris connaissance de la proposition lancée par la Fédération Nationale de la Libre Pensée d’une initiative nationale en vue de s’opposer à toute modification de la loi de 1905 de Séparation des Eglises et de l’Etat.

Les pistes avancées par l’exécutif iraient en effet dans le sens d’un renforcement des pouvoirs accordés aux cultes en leur offrant de nouvelles sources de financement (alors que l’Eglise catholique profite déjà très largement des subsides publics), mais aussi en leur confiant un rôle régalien de police des consciences dans le cas du culte musulman, qui deviendrait de fait une communauté reconnue par l’Etat.

Tel est notre point de vue, qui ne demande qu’à être discuté.

La communication très sélective et contradictoire du chef de l’Etat sur ce qu’il entend faire en matière de laïcité n’est pas faite pour dissiper nos inquiétudes. La Libre Pensée n’a pas été reçue, et n’a obtenu aucune réponse à ses questions.

Ce qui nous réunit, c’est l’attachement à la loi de 1905 dans sa lettre et dans son esprit. Nous avons participé à des actions et conférences communes pour réaffirmer cet attachement. Ensemble nous avons porté cette exigence, les 9 et 10 novembre 2018, par un rassemblement suivi d’une délégation à la Préfecture du Rhône.

Ensemble nous nous situons dans la lignée des 10 813 697 pétitionnaires du Serment de Vincennes prononcé le 19 juin 1960 contre la loi Debré institutionnalisant le financement public de l’enseignement privé.

L’année 2020 verra le 60e anniversaire du Serment de Vincennes.

Parce que pour notre part nous avons toujours été fidèles à cet engagement, nous nous adressons à vous pour demander : n’est-ce pas le moment de rassembler le camp laïque sur ses fondamentaux ?

Quelles que soient la date et la forme retenues, nous vous proposons d’en discuter autour d’une même table. C’est pourquoi nous prendrons prochainement contact avec vous – si vous en êtes d’accord – pour définir les modalités pratiques d’une telle rencontre.

Avec l’expression de nos salutations laïques et républicaines,

Vœu adopté à l’unanimité, samedi 18 janvier 2020

Fin novembre dernier, le magazine « L’Obs » faisait paraître, un riche article sur Philippe Barbarin, récemment éclaboussé et jugé pour son rôle dans l’affaire Preynat.

L’auteur de l’article, Frédéric Martel, est l’auteur de « Sodoma », enquête sur l’homosexualité au sein de l’Eglise catholique vendue à 450 000 exemplaires. F. Martel est plutôt confiant quant à la capacité de l’Eglise romaine de réformer ses mœurs, même si les premiers engagements du Vatican pour éradiquer la pédophilie de ses rangs datent désormais du siècle dernier. Comme l’écrivait C. Eyschen dans une note de lecture (La Raison mai 2019) : « (…) l’ouvrage fonctionne sur la thématique suivante : le pape actuel est un brave homme, ses prédécesseurs n’étaient pas reluisants et la seule question est qu’il est mal entouré. » Quant à la couverture des crimes de pédophilie par la hiérarchie catholique, la question n’est quasiment pas abordée. Si Frédéric Martel n’a rien d’un anticlérical – et justement pour cela ! - ses analyses sur Barbarin et le diocèse de Lyon n’en sont que plus intéressantes. Sa caractérisation de la « machine à cash » que constitue la Fondation Fourvière rejoint toute l’hypocrisie juridico-commerciale que la Libre pensée dénonce depuis des années.

Laissons de côté l’affaire Preynat, les procès en cours, les anecdotes plus ou moins croustillantes sur M. Barbarin. L’essentiel n’est pas là. Et on aura l’occasion de reparler de l’affaire Preynat.

 (…) Dès son arrivée entre Saône et Rhône, il [Barbarin] comprend que l’Eglise de Lyon a une très haute opinion d’elle-même. Son chef doit avoir une ambition pour deux. Il se lance dans un incroyable programme de séduction et de collecte : les grandes familles richissimes de la ville d’abord (…) ; les grandes entreprises de la région ensuite (…) ; le petit patronat catholique enfin (…). Il a également des visées hégémoniques sur la Fondation Fourvière, finalement contrariées. Alors, pour financer les activités de son diocèse, il crée sa propre machine à cash : la Fondation Saint-Irénée. (…)

Pour récolter les chèques des patrons et les subventions des élus locaux, il contourne les règles de la loi de 1905 par le tourisme. Si la laïcité interdit de financer la basilique Notre-Dame-de-Fourvière… elle n’a rien à redire aux aménagements urbains de « la colline qui prie » si c’est pour attirer les curieux. Il imagine donc un pèlerinage de masse pour Fourvière.

Le projet ? Au lieu des deux millions de visiteurs réguliers chaque année, la « montagne mystique » et sa basilique pourraient en attirer cinq. Des étoiles dans les yeux (nuitées d’hôtels, notes de restaurants, royalties en tout genre…) l’élite économique et politique lyonnaise se met à rêver avec lui. Promettant monts et merveilles, Barbarin lance, avec le soutien du maire ; « Cap 2011 » avec un objectif de 37 millions d’euros de fonds collectés.

S’il y a un mystère dans cet écosystème lyonnais qui se met en branle comme un seul homme derrière le primat des Gaules, c’est la relation atypique qui naît entre le maire alors socialiste Gérard Collomb et le nouveau cardinal (…)

A la traditionnelle cérémonie du vœu des Echevins, chaque 8 septembre, tous les réseaux laïques se retrouvent à la basilique de Fourvière. Cette année, Gérard Collomb a fait applaudir Barbarin, absent du fait de sa condamnation en première instance – suscitant de vives critiques.

 

tuna altinel

 

Vendredi 24 janvier était annoncé l’acquittement de Tuna Altinel, ce mathématicien enseignant-chercheur à l’Université Claude Bernard, privé de visa et jugé pour de prétendus liens avec le terrorisme kurde alors qu’il était en vacances en Turquie. Il avait été traducteur lors d’une réunion publique en février 2019 à Villeurbanne, en présence d’un ex-député kurde en exil.

 

On devait déchanter quelques jours plus tard, après un pourvoi en cassation du ministère public pour vice de procédure, non motivé. Il est probable que Tuna Altinel devra encore patienter longuement pour son retour en France, en espérant qu’il ne soit pas condamné et emprisonné.

Il aurait pu, il aurait dû être présent ce mercredi 27 février pour une nouvelle édition de la réunion tenue il y a un an presque jour pour jour – ce qui aurait constitué un magnifique pied-de-nez à ses juges, et l’affirmation publiquement assumée qu’il n’est en rien un terroriste, mais un citoyen révolté et un militant des Droits de l’Homme.

La Réunion-Débat à l’initiative du Comité Lyonnais pour la Libération de Tuna Altinel

« Cizîr/Cizre/Djizré : histoire d'un massacre » a eu lieu jeudi 27 février 2020 au Palais du Travail de Villeurbanne avec la participation de Faysal SARIYILDIZ, ancien député HDP (Parti Démocratique des Peuples), témoin des événements.

Cizre, les faits : L’année 2015 voit une percée du HDP, Parti démocratique des peuples, aux législatives du 7 juin. Mais l'espoir est vite noyé dans le feu et le sang à partir de fin juillet. Un attentat commis par un sympathisant de Daech le 20 juillet, suivi de l'assassinat deux jours plus tard de deux policiers turcs.

Cela sert de prétexte à l'état turc et à son maître ERDOĞAN pour reprendre la guerre contre le PKK, la guérilla kurde dont la branche syrienne a arrêté Daech en Syrie.

En août, de nombreuses villes du Kurdistan de Turquie proclament une « autonomie démocratique », inadmissible pour l’État. Ces villes sont encerclées et bombardées par l’armée et les forces « spéciales » turques qui emploient les grands moyens (artillerie lourde, chars d’assaut). C'est la politique de la terre brûlée contre une guérilla urbaine formée par des jeunes des quartiers. Dans chaque ville l'État suit la même stratégie : un couvre-feu est annoncé et les habitants sont sommés de quitter le quartier ou la ville. Ceux qui resteront sont considérés comme « terroristes » et traités comme tels, parfois abattus sans jugement. Cizre subira plusieurs couvre-feux, de plus en plus violents. En tant que « centre » régional, la ville subira les pires atrocités.

Le bilan (non officiel évidemment) conclura à 251 morts « militaires » pendant le siège (Kurdes et soldats turcs) et 175 morts civils dans les caves, dont 150 brûlés vifs. La Présidente de la Fondation Turque pour les Droits de l’Homme, Şebnem Korur Fincancı, conclura à une « intention génocidaire ».

 

 

Amitiés Kurdes de Lyon, Association France Kurdistan 69, Comité universitaire de soutien à Tuna Altinel, Ensemble ! 69, Espace Culturel Mésopotamie, FSU 69, Gauche Républicaine et Socialiste 69, Génération.s 69, Ligue des droits de l’homme 69, Libre Pensée 69, NPA 69, PCF 69, Parti de Gauche 69, UD CGT 69, CNT 69, Union Syndicale Solidaires 69

Contact : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

C’est donc un militant des Droits de l’Homme, un citoyen curieux de s’informer en conscience sur des exactions commises par son propre pays, qui a été accusé et qui encore retenu loin de la France où il travaille. Alors que les représentants de l’Université Lyon I sont curieusement absents des initiatives prises en soutien d’un de leurs chercheurs, les maires de Bron et de Villeurbanne ont pris l’initiative de prendre position dès le mois de juin pour que M. Altinel soit totalement innocenté. Le 27 mai, M. Pierre-Luc Devinaz a pris la parole au nom de la municipalité de Villeurbanne. Puis la parole a été donnée à Tuna Altinel, par vidéo interposée, qui a donné lecture de sa déclaration face à ses juges :

 

 

 

 

DÉCLARATION DE TUNA ALTINEL FACE À SES JUGES

 

 

Messieurs les juges,

Aujourd’hui sont présents des amis, collègues et représentants d’organisations de Turquie et de différents pays du monde. Je voudrais commencer par les remercier pour leur soutien. (…) Malheureusement, la fin du mois de janvier évoque aussi un événement douloureux, qui reste dans les mémoires de tous ceux qui refusent de faire taire leur conscience. Écoutons :

(un enregistrement sonore pris au téléphone fait entendre des coups de feu, des cris épouvantés dans une angoisse interminable)

https://m.bianet.org/bianet/insan-haklari/171683-cizre-deki-yaralilarin-48-saat-onceki-son-ses-kaydiyayinlandi

Ces cris ne sont pas sortis d’un film. Ils se sont élevés à Cizre, le 30 janvier 2016.

On peut encore trouver l’enregistrement sur internet, sur des sites d’information. Qui a poussé ces cris ?

Des hommes politiques, des activistes, des gens du quartier, des jeunes, des vieux, des Kurdes, des Turcs… Peu importe. Ils avaient en commun d’être restés prisonniers sans défense des sous-sols où ils allaient perdre la vie. Ils ont été tués par les forces de sécurité dans le chaos où la Turquie était plongée.

C’étaient des « terroristes ». Leur identité, leur nombre, pourquoi ils étaient dans ces sous-sols d’immeubles, cela importait peu. On a remis à leurs proches des sacs avec leurs os carbonisés. « Tiens, c’est ton père ».

 
 
 
 

 

Par la suite, de nouveaux immeubles ont rapidement remplacé les bâtiments détruits, comme s’il ne s’était rien passé (…)

Comment est-il possible qu’une violence irraisonnée soit employée, au vu et au su de tous et que, si peu de temps après, au lieu de panser les plaies, on se conduise comme s’il ne s’était rien passé ?

La première chose que j’ai faite pour interroger, apprendre, et me confronter à cette réalité fut de me rendre dans les villes où ces événements avaient eu lieu, de parler aux gens.

(…) Ce sont les mêmes sentiments qui ont motivé ma participation à la rencontre “Cizre, Histoire d’un massacre”, organisée le 21 février 2019 par l’Association Amitiés kurdes Lyon-Rhône-Alpes, dont je suis membre, raison pour laquelle je comparais aujourd’hui devant vous. (...)

Faysal Sarıyıldız, fit une intervention, qui fut suivie par un débat. Pour que l’information, le débat et la confrontation aient la portée la plus large possible, tous les écrits et les paroles furent exprimés en trois langues, le kurde, le turc et le français. Les enregistrements de cette soirée sont toujours disponibles sur des plateformes accessibles à tous, Facebook par exemple.

Ce caractère public était d’ailleurs l’un des objectifs visés, pour pouvoir toucher tout le monde.

Quelle a été la réaction du pouvoir politique ?

Le consulat général de la République de Turquie à Lyon, a espionné cette réunion organisée en France, par une association fondée légalement et dirigée par des citoyens français, qui avait obtenu toutes les autorisations officielles pour l’organisation d’une telle soirée.

Ce même consulat a dénoncé cette association comme une “organisation affiliée au PKK” à son ministère de tutelle, et par l’intermédiaire de ce ministère au ministère de l’Intérieur.

En conséquence, lorsque je suis entré en Turquie le 12 avril 2019, mon passeport m’a été confisqué. Le motif ne m’a pas été communiqué. (…) Un procès pour appartenance à une organisation terroriste a été ouvert contre moi. J’ai passé 80 jours en prison.

Le 30 juillet 2019, lors de la première audience, le tribunal a décidé de ma remise en liberté, sans contrôle judiciaire ni interdiction de sortie du territoire. Cependant, ma requête pour recouvrer mon passeport a été refusée (…)

Il s’agit d’une grave attaque contre la liberté de pensée et d’expression. (…)

Messieurs les Juges, le verdict que vous rendrez dans ce procès est d’une importance cruciale pour la liberté de pensée et d’expression en Turquie. La tolérance face aux critiques les plus sévères, la liberté d’exprimer des idées différentes par des voies légales, qu’il s’agisse de médias divers ou de réunions, peuvent se résumer en un seul mot dans ce procès : acquittement !

Dans le cas contraire, vous aurez posé une pierre de plus sur la voie de l’arbitraire, où les juges et procureurs d’aujourd’hui seront les accusés de demain.

À vous de décider !

Tuna Altınel, le 24 janvier 2020

 


 

M. Faysal SARIYILDIZ, ancien député HDP (Parti Démocratique des Peuples), était présent à Cizre.

Témoin des événements, il en a commenté le déroulé en turc en commentant une série de photos parfois insoutenables. Il est ensuite revenu sur la question kurde en Turquie au travers d’un dialogue avec la salle, une question comparable par certains aspects à celle du génocide arménien – mais beaucoup plus sensible en réalité, du fait que les événements sont actuels. La nation kurde, c’est près de 40 millions d’habitants répartis sur cinq pays, auxquels il faut ajouter une diaspora importante. Elle est la plus grande nation au monde sans état.

Cela ne signifie pas que la question kurde puisse se résoudre par la création d’un État (le « Kurdistan » est beaucoup trop morcelé et mêlé à d’autres populations. Elle ne peut se résoudre que par la reconnaissance des droits du peuple kurde, de sa langue, de sa culture, de son droit à l’existence tout simplement.

       
 
 
 
 

Simple anecdote, mais éclairante : la lettre x a été interdite dans l’alphabet kurde …parce qu’elle n’existe pas en turc !

Activisme des « loups gris » (groupes de l’extrême-droite turque), déni des droits, flicage, on ne s’étonne plus de ce qui est arrivé à Tuna Altinel.

Mais cela nous rappelle une autre affaire : en mars 2019, une réunion-débat de la Libre Pensée de l’Ain, organisée sur les problèmes du Kurdistan syrien, était sabotée par des provocateurs qui parvenaient même à peser sur l’autorité préfectorale pour faire interdire la réunion !

 
 
 
 
 
 

Les événements de Châtillon sur Chalaronne, 8 mars 2019

             Le 8 mars 2019, le groupe Calandras de Châtillon organise une conférence « Kurdistan syrien, le Rojava aujourd'hui... » dans la salle municipale. Des affiches ont été placées en ville, des invitations ont été envoyées soit par courrier, soit par mail, la presse relaie l'information.

            Le samedi une affiche accrochée à l'entrée a disparu.

            Vers 17h45, la gendarmerie de Bourg en Bresse téléphone à l’organisatrice Mme Desboeuf pour dire qu'elle a été informée de la tenue de la conférence par la préfecture et par le consulat turc et qu’il y a risque de choquer la communauté turque. Elle demande quelle est cette conférence qui semble faire l'apologie du « PKK ».

C’est évidemment faux et toutes les précisions sont données.

            Vers 18h30, nouvel appel (indépendant du 1er) de la gendarmerie de Châtillon, dans le même sens.

            À 18h45, le conférencier M. Lebrujah et Mme Desboeuf sont interpellés par deux hommes, qui cherchent à les intimider.

D’autres arrivent, frappent sur les vitres et tentent d’ouvrir les portes alors que la salle est en préparation.

Décision est prise de contacter la gendarmerie de Châtillon.

            Des membres de l'association arrivent, deux gendarmes sont derrière eux. Ils contrôlent les identités. Le conférencier leur explique que les hommes dehors sont des turcs islamistes pro-Erdogan.

Un gendarme répond qu'il n'est pas là pour faire de la politique.

Ils rendent responsable le conférencier d'éventuels troubles à l'ordre public et lui reprochent ses tweets. Un des gendarmes affirme : « la liberté de penser c'est bien, mais pas pour ce soir !»

Les personnes présentes décident d'annuler la conférence.

               Face à la gravité des faits, M. Rachel Mazuir, sénateur de l’Ain, écrira à M. Le Drian, ministre des Affaires étrangères.

Une délégation d’associations sera reçue en préfecture, qui cherchera à apaiser la situation. Le 12 avril se tenait enfin la conférence prévue.

 

 

         Charlie Hebdo 3 avril 2019

 Libres propos, libres pensées

Retour sur la chute du Mur de Berlin : une si bonne affaire ?

 

Il n'aura fallu que 30 ans pour que nos médias s'avisent enfin que la "réunification" n'a pas donné, (et de loin) les résultats promis et a été de facto un "Anschluss" menant au démantèlement brutal des structures du pays pour s'approprier son patrimoine et son/ses marché/s à l'Est. On n'hésite plus à parler de colonisation pure et simple. Quelle nouvelle ! Une ex-allemande de l'Est le dit à la radio : "Je suis descendue dans la rue pour obtenir des réformes en RDA, pas pour être annexée par la RFA." Raté !

Mais selon le principe de la "stratégie du choc" selon laquelle c'est en période de troubles que l'on peut faire passer les pires "réformes", la RDA a été phagocytée par la RFA capitaliste. Privatisée. Challenges (nov. 2019) : "80% de la population a connu le chômage." Le rêve de liberté a débouché sur un traumatisme inattendu… mais indélébile.

Un Ossie le résume amèrement ainsi : "Nous étions libres ("frei" : libre, signifie aussi "sans") : libres d'emplois, libres de rues sécurisées, libres de soins de santé gratuits et libres de sécurité sociale". (Cf. l'historien belge Jacques Pauwels).

Le chef d'orchestre Daniel Barenboïm qui dirigea à Berlin-Est un concert gratuit trois jours après la chute du mur fait part de son sentiment très mitigé : "Il y a eu le triomphalisme de l'Occident : on a gagné, on a gagné, etc. Le communisme n'a pas marché, mais le capitalisme crée lui aussi beaucoup de problèmes. Le monde a raté une chance unique de créer un système entre les deux."

Au lieu de cela on fit tabula rasa, tout fut jeté à la rue : les produits de la RDA (avec les étagères !), des milliers d'entreprises fermées, des bibliothèques entières jetées à la décharge et brûlées (comme en 1933 !), des orchestres classiques démantelés (il y en avait 85), la totalité des 260 maisons d'éditions fermées, qui pour la plupart publiaient des ouvrages non idéologiques (livres d'enfants, littérature, techniques, sciences, médecine, etc.). On jeta tout !

Le D-Mark était devenu l'étalon ultime.

La culture ? Le chef d'orchestre emblématique de la RDA Kurt Mazur, mort à 88 ans aux USA, tint bon jusqu'au bout : "Ce fut une catastrophe pour la culture." La plupart n'eurent évidemment jamais assez d'argent pour réaliser leur rêve de pouvoir voyager dans un Occident fantasmé et l'exotique banane si désirée, ce symbole de la consommation de l'Ouest qui faisait tant rêver les Ossies a un goût bien amer : 30 ans après elle n'est toujours pas digérée. Mais la chute du mur de Berlin a-t-elle été une si bonne affaire pour nous tous ?

Interprétée par nos prop-médias comme la légitime victoire de la liberté (le capitalisme) sur l'oppression (le socialisme), elle a avant tout signifié l'immixtion de la cupidité la plus débridée dans la vie des travailleurs du monde entier et à commencer bien sûr par ceux de l'Allemagne de l'Est qui l'ont aussitôt expérimentée à leurs dépens. Depuis, fait inédit dans l'histoire du monde, de nos jours 162 individus possèdent plus que la moitié la moins riche de l'humanité (OXFAM janvier 2020).

Car le capitalisme qui avance toujours les mots "liberté", "démocratie", "concurrence", n'en a que faire et s'efforce surtout de les réduire pour pouvoir les supprimer dès que possible. Business first !

Ce ne sont là que des mots creux destinés aux nigauds qui les gobent, puis en seront les victimes.

Car si défectueux, oppressif, peu attractif qu'était devenu le bloc communiste, il était cependant un considérable croquemitaine et une vraie entrave à l'hégémonie capitaliste mondiale, et obligeait celle-ci à présenter un visage humain, social et (un peu) partageux aux peuples placés sous son système, de peur qu'ils ne le contestent et se soulèvent.

Depuis lors, bas les masques ! On a pu ouvrir les vannes de la mondialisation néo-libérale pour pressurer le monde entier sans frein, exacerbant la compétition de tous contre tous. Ce fut le signal du saccage préprogrammé de l'État social solidaire se préoccupant du bien-être de sa population et où, par la mutualisation des risques de santé, de chômage, d'éducation, retraites, services publics, etc. ceux-ci échappaient à l'insatiable cupidité du Kapital.

Pour, en un mot, vivre dans une société civilisée.

L'époustouflante réussite de la Chine avec son économie mixte mais sous ferme contrôle de l'État nous enseigne au moins ceci : que l'accusation classique d'inefficacité de l'État et du secteur public est totalement fallacieuse et ne résiste pas aux faits.

L'économiste universitaire américain R. D. Wolff estime qu'aussi bien les russes que les chinois ont prouvé leur formidable capacité à transformer en quelques décennies un pays arriéré semi-féodal en une grande puissance technologique moderne.

   Mais les soviétiques, largement ruinés, détruits et décimés par les destructions infligées par les nazis ont commis après la guerre des erreurs dont celle, fatale, de se laisser entraîner par les USA dans une infernale course aux armements au détriment du

 

bien-être quotidien de leurs peuples et des libertés, ce qui a finalement conduit à la chute du Mur et l'effondrement en 1990 du système soviétique.

   Erreur fatale, selon Wolff, que les chinois se sont bien gardés de réitérer en faisant passer leur montée en puissance économique bien avant leur puissance militaire. Car si chacun peut sans doute contester la forme, la réalité est incontestable : la sortie rapide de la misère absolue et de l'illettrisme de centaines de millions de chinois, amenant leur classe moyenne éduquée à plus de 420 millions, de 4% en 2002 à 31% de nos jours. Qui dit mieux ?

   Ellen Brown : "Neoliberalism Has Met Its Match in China"- (Le néolibéralisme a trouvé son égal en Chine). Elle écrit : "Le parti communiste sait bien que pour conserver son pouvoir, il devra lutter contre les inégalités et orienter l’économie vers un modèle plus efficace et plus écologique." Le désastre soviétique a été bien étudié et compris !

Et ce qui nous est présenté par Hollywood comme la victoire "américaine" sur le nazisme, n'a pu être possible que parce que l'Armée Rouge avait au prix le plus fort brisé irrémédiablement les reins de la puissante Wehrmacht (90% des pertes militaires allemandes sont dues à l'Armée Rouge).

La défaite allemande était alors inéluctable et les alliés occidentaux ont pu aller au secours de la victoire en se précipitant en Allemagne, certes au prix de pertes militaires très importantes mais absolument incomparables avec celles subies par l'URSS, mais surtout pour éviter qu'elle ne soit envahie par les soviétiques avant eux, d'où la partition en deux États de notre ennemi historique récent le plus acharné, un très puissant voisin qui nous a attaqués et occupés deux fois en 25 ans : "J'aime tellement l'Allemagne que je suis ravi qu'il y en ait deux ! " disait François Mauriac. À tort ?

(L'Allemagne unifiée n'a existé qu'à partir de 1871, après notre désastreuse guerre de 1870 contre une ligue d'États germaniques menée par la Prusse).

Unité perdue certes retrouvée, mais en vassal modèle des USA, toujours occupée par 25 bases US, dopée par l'ouverture vers les marchés de l'Est et sa main d'œuvre bien formée mais bon marché, l'Allemagne est (re-)devenue le poids lourd de l'Europe, son centre de gravité, la France occupée in fine victorieuse étant ravalée en sous-vassal.

Ursula Von der Leyen, ex-ministre des armées RFA, nouvelle présidente de la große Kommission Européenne n'hésite pas à déclarer :"L’Europe doit apprendre à utiliser le langage de la force". (Horizons et Débats, Suisse). On ne se refait pas !

L'€uro de la BCE réputée indépendante de Francfort n'est en fait que le D-Mark rebaptisé et étendu à presque toute l'UE avec des effets économiques gravement néfastes pour des États enfermés par traité léonin dans un carcan monétaire et budgétaire et l'obligation faite d'emprunter "sur les marchés" (c.-à-d. aux banques !), États qui ont ainsi renoncé à leur pleine souveraineté. Il ne leur (et ne nous) reste plus que l'austérité (mais pas pour tous !) comme valeur d'ajustement. On est dedans !

   Et les Églises (catholique, orthodoxe & C°) et les hobereaux de l'Europe de l'Est convertie au capitalisme le plus sauvage et débridé ont récupéré leur lustre, leurs biens confisqués et toute leur influence (culte, enseignement, charité, etc.) : Poutine est diabolisé uniquement parce qu'à la différence de son ex-mentor, le poivrot notoire et corrompu Boris Eltsine qui les laissait faire, il tient les prédateurs financiers occidentaux à distance des immenses richesses de son pays. Il a les siens !

Et on devrait considérer tout cela comme un progrès ?                                                   RJ


 

info des amis d'etienne dolet

"L’imprimerie et la librairie sont libres" (art. 1, Loi 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

       
   

Le Maire du 3°arrondissement vient de nous faire la proposition d’une exposition du Banquet des Humanistes en honneur d’Etienne DOLET dans les locaux de la Maison des Associations, Château Sans Souci, avenue Lacassagne (avec quelques modifications de la maquette).

Nous avons remercié le maire du 3° et donné notre accord, le lieu étant de qualité, très fréquenté et bien situé.

Il est vrai que cette proposition arrive bien tard.

 
 
 
 
 

 

 

(La fresque exposée sur le mur de la salle principale du Château Sans-Souci)

La proximité et les aléas des élections municipales, sans parler de la confusion politique actuelle à Lyon ne permettent pas d’espérer une inauguration avant des mois. Si jamais elle a lieu, les résultats pouvant réserver des surprises. Nous avons demandé que l’offre soit officialisée. Nous avons en effet expérimenté déjà bien des déboires, la fresque a été censurée et finalement interdite par la mairie centrale, sous divers prétextes.

Dolet a toujours des adversaires dans cette ville. Restons prudents. L’association vous tiendra au courant.

Cotisations 2020 : 10 € à l’ordre des Amis d’Etienne Dolet –

chez Marcel Picquier 7 avenue Berthelot 69007 Lyon