AFFAIRE VAUXRENARD : la fédération écrit au Prefet

Lyon, le 13 septembre 2018

Fédération de la Libre Pensée du Rhône
7 rue Major Martin 69001 Lyon
A M. le Préfet du Rhône
Objet : laïcité – messes dans les locaux municipaux

Monsieur le Préfet,
Nous souhaitons par la présente vous alerter sur une situation de dérive mettant en cause le principe de laïcité institutionnelle auquel notre association est très attachée, comme vous-même et tous les citoyens de ce pays.
Il s’agit de l’organisation de messes dans les locaux municipaux du village de Vauxrenard, commune du Beaujolais. Ce local, qui jouxte directement l’école communale, avec une entrée dans la même cour, tient lieu de salle paroissiale où le catéchisme est aussi dispensé. 
La presse a rendu compte à plusieurs reprises de la polémique soulevée par cette affaire, polémique qui de notre point de vue n’a pas lieu d’être puisque la situation est claire sur le fond. 
Elle a pourtant coûté sa place au président des DDEN du canton de Beaujeu par l’autorité académique, qui l’a radié pour avoir évoqué l’affaire publiquement. Cette radiation a profondément surpris les DDEN du canton et a suscité leur indignation. Nous nous en faisons l’écho et nous y associons.

Certes rien ne s’oppose, d’après la jurisprudence existante, à ce que des organismes religieux utilisent le domaine public ou privé, moyennant le paiement des mêmes sommes que les autres utilisateurs dans le respect du principe d’égalité, mais il en va tout autrement de l’utilisation permanente d’un local situé à l’intérieur d’un bâtiment de la République.
La mise à disposition gratuite d’un bien public pour pratiquer un culte est de toute évidence illicite et doit être considérée comme une subvention déguisée « dès lors que l’occupation de ce bien public est généralement payante. La mise à disposition gratuite est contraire à l’interdiction d’aider les cultes et à la prohibition des libéralités » (Conseil d’Etat, 26 mai 1911, Commune de Heugas). 
Dans le cas de la commune de Vauxrenard, l’occupation a été accordée sous la forme d’un bail emphitéotique à une association non cultuelle gérant les intérêts de la paroisse, ce qui pose d’ailleurs un premier problème juridique. L’attribution ne peut pas être qualifiée de « généralement payante » puisque le local dont il est question n’est pas destiné - à notre connaissance- à être louée à des associations. Du reste que se passerait-il si une association (cultuelle ou autre) revendiquait le droit d’occuper les mêmes locaux ? Comme le déclarait un ancien ministre de l’Intérieur « la commune doit […], sauf si une discrimination est justifiée par l’intérêt général, veiller à l’égalité de traitement entre les associations qui sollicitent l’utilisation de locaux communaux, dans sa décision d’octroi ou de refus ». C’est l’évidence même.
Du reste, quel que soit le problème posé par ce principe d’égalité devant la loi, c’est bien d’un problème de laïcité dans son principe même qu’il s’agit, dans l’esprit de la loi de la loi de 1905 dont l’article 2 indique : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. » 
C’est ce principe qui est méconnu à Vauxrenard. Il le serait même dans d’autres communes, d’après ce que l’on nous a rapporté. Nous ne voulons pas voir ces pratiques se généraliser et établir un « état de fait » qui mettrait l’autorité républicaine devant le fait accompli.
C’est pourquoi nous vous demandons, Monsieur le préfet, quelles sont les mesures que vous pouvez prendre pour veiller à la juste application de la loi, et en rappeler les principes.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de nos salutations les plus respectueuses et de notre attachement aux valeurs républicaines de laïcité.
Pour la Fédération du Rhône de la libre Pensée,

P. GIROD

 

Notre FEDERATION NATIONALE a repris le communiqué ! 

https://www.fnlp.fr/news/555/17/Respect-des-militants-laiques.html

Pour sa part, la Fédération nationale de la Libre Pensée estime que nul ne comprendrait que l’ensemble des associations laïques de ce pays, et en premier lieu, la Fédération nationale des DDEN, n’apporte son soutien à monsieur Henri Humbert pour le rétablir dans son droit. Cela ne serait que justice pour un militant de la laïcité.

***

Communiqué de la Fédération du Rhône de la Libre  Pensée:

"Respect des militants laïques !

Non à la chasse aux sorcières contre M. Henri Humbert, président des DDEN de la commune de Vauxrenard !

Ce militant Laïque a été radié sur décision de l’Inspection d’Académie du Rhône, lundi 25 juin dernier, en accord avec la direction du Rhône des DDEN (Délégués Départementaux de l’Education Nationale).

Ce qu’on lui reproche ? Bien difficile à dire en l’absence de notification officielle. En toute hypothèse, ce serait de ne pas avoir observé les formes dans l’affaire dite « de Vauxrenard », commune du Beaujolais où depuis cet hiver la messe est organisée dans les bâtiments municipaux abritant l’école publique.

La fédération du Rhône de la Libre Pensée demande la réintégration dans ses fonctions de Henry Humbert, président des DDEN du canton de Vauxrenard.

Une violation de la loi de 1905

En contradiction avec la loi de Séparation de 1905 imposant la nécessaire neutralité des institutions républicaines en matière religieuse, la salle paroissiale a été installée en début d’année dans le bâtiment communal hébergeant la bibliothèque et l’école publique. Cette salle était destinée à l’enseignement du catéchisme et à la célébration d’offices. Les DDEN chargés du suivi de l’école de Vauxrenard ont constaté la présence de prêtres en soutane, la pratique de messes pendant les heures de cours et le non-respect du plan Vigipirate. Ils ont aussitôt réagi.

Cette affaire a fait la « une » des journaux. En la personne de son rapporteur général, M. Nicolas Cadène, l’Observatoire national de la laïcité portait l’appréciation suivante : « Il semble y avoir un problème de respect de l’ordre public relatif à l’accès de cette salle. Un lieu cultuel doit être ouvert à tous. Si les fidèles doivent passer par la cour, des questions de sécurité se posent. De plus, il pourrait y avoir une attitude prosélyte à l’égard des écoliers. Et si c’était un autre culte, imaginez le bruit que cela aurait fait, une activité cultuelle dans une mairie ! J’ai l’impression qu’il y a une grande incompréhension de la loi. Une administration ne doit pas marquer d’appartenance à un culte. Or, c’est ce qu’elle fait, si des messes ont lieu dans le même bâtiment que la mairie. »  …On ne saurait mieux dire !

De plus, le montage financier consistant à accorder un bail emphytéotique à l’association immobilière (non cultuelle) bénéficiant de la salle était attaquable devant un tribunal administratif. N’en déplaise aux responsables académiques et à la municipalité de Vauxrenard, il y a problème : le principe de laïcité est mis en cause. En déclarant qu’à la rentrée 2018, la question ne se posera plus en raison du passage de l’école publique à la semaine de quatre jours (ce qui permettrait de célébrer l’office religieux hors temps scolaire), M. le Maire de Vauxrenard ne fait qu’escamoter le problème.

La fédération du Rhône adresse un courrier au préfet, garant de l'application des lois républicaines, pour lui demander d’effectuer les contrôles de légalité nécessaires et de faire appliquer le principe, cher à Victor Hugo, de "l'Eglise chez elle et l'Etat chez lui".

Procès « en sorcellerie » ?

On reproche à M. Humbert, semble-t-il (il n’existe guère de traces écrites !) de n’avoir pas privilégié le dialogue avec les différentes parties : municipalité – pourtant dûment alertée ! - et association paroissiale ; d’avoir diffusé une lettre d’information lors du congrès des DDEN à Villefranche ; enfin d’avoir posé problème par son attitude et de s’être conduit en « agitateur et en « cégétiste ». Pourtant, comme l’explique M. Humbert : « Je n’ai pas joué autre chose que mon rôle de lanceur d’alerte (…). J’ai cru cependant comprendre qu’on me reprochait de me comporter comme un syndicaliste et d’avoir alerté la presse. »

Un comportement « de syndicaliste » : là serait le problème !

  1. M. Humbert s’est comporté en militant laïque plutôt qu’en représentant de l’administration, c’est clair. Comme le rappelait naguère Mme Christiane Mousson, ex-présidente de la Fédération nationale des DDEN, ces derniers revendiquent leur indépendance tant à l’égard des municipalités qu’à l’égard des autorités académiques « qui dans un passé pas tellement lointain, avaient parfois tendance à nous rappeler à notre devoir de réserve, en notre qualité de "fonctionnaire bénévole". (…) Nous dépendons effectivement des autorités académiques, qui nous nomment et peuvent à tout moment nous révoquer. Mais ce lien institutionnel ne saurait entraver notre liberté d’analyse, voire de critique, chaque fois qu’il s’agit de contribuer, dans un esprit qui se veut constructif, à l’amélioration des conditions matérielles de la vie scolaire. » Encore faut-il que la volonté de dialogue soit partagée. Et depuis quand la question de locaux partagés avec une institution religieuse ne fait-elle plus partie des conditions matérielles de la vie scolaire ?

Quoi qu’en disent ses détracteurs, M. Humbert est resté fidèle à une tradition qui a honoré le corps des DDEN, héritiers des délégués cantonaux de l’époque de Jules Ferry, particulièrement depuis l’adoption de la loi Goblet du 30 octobre 1886. Leur histoire a connu ensuite le vote de la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat en 1905, la dissolution du corps des délégués cantonaux par le Régime de Vichy, l’adoption du Serment de Vincennes avec ses 10 813 697 signataires contre la loi Debré. Durant toute cette époque, les délégués cantonaux devenus DDEN en 1969, n’ont jamais eu peur d’agir en « militants » !

  1. M. Humbert, lanceur d'alerte, est donc la seule victime dans cette affaire, alors que les activités cléricales se poursuivent dans les locaux municipaux de Vauxrenard. L'hiver prochain, la messe y sera à nouveau organisée, au seul prétexte que l'église du village est "difficile à chauffer". La laïcité sensible aux variations de température? C'est une plaisanterie!

La Fédération du Rhône de la Libre Pensée propose à toutes les forces laïques du Rhône, forces qui ont su se rassembler contre la présence des crèches chrétiennes au Conseil Régional cet hiver, d'exiger la réintégration de M. Henri Humbert comme président des DDEN de Beaujeu et le respect de la loi de 1905 à Vauxrenard :

« Plus d’activités religieuses dans les locaux de la République ». 

Ne touchez pas à la loi de 1905 !

Cette affaire intervient dans le contexte où le Président de la République aux Bernardins appelle à « réparer le lien » entre la République et l’Eglise, discours auquel le secrétaire général de la Conférence des Evêques de France répondait : « Nous avons entendu la main tendue du Président de la République aux catholiques. Dans son discours, il y avait la reconnaissance de la place du catholicisme dans notre pays comme une évidence historique et l’affirmation que les catholiques ont un rôle à jouer dans la cohésion sociale ». 

Comme le dit l’appel des laïques, à signer sur  http://www.petitionpublique.fr/?pi=P2016N49240 :

« Nous, militants de la cause laïque, appelons à la plus grande vigilance contre toute tentative de détourner la laïcité de ses objectifs. En cette date anniversaire de la loi de 1905, nous en appelons au respect plein et entier de ses principes fondateurs. La laïcité organise l’espace public et donne sens à la citoyenneté républicaine qui garantit la démocratie. Ce n’est ni une police de la pensée, ni une option philosophique, parmi d’autres valeurs particulières.

La loi de 1905 est une loi de liberté qui permet toutes les autres libertés. Elle doit donc être préservée. »